CHAPITRE 19

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C'est le canon qui nous a réveillé ce matin. Alors que je venais de terminer mon tour de garde et de me coucher sur le tapis de feuilles que je m'étais fait, ce maudit son a résonné entre les arbres de la forêt. Je m'étais relevé d'un coup et alors que les autres se préparaient, nous nous sommes dispersés de manière à surprendre un éventuel rôdeur. Finalement, après de longues minutes cachées, rien n'est venu nous déranger.

Alors que j'affute l'un de mes couteaux pour partir accompagné les autres à la « chasse » comme ils l'appellent, je saisis un morceau de bois tombé du tronc sec et y grave mes initiales : E. C. Inutile comme manœuvre puisque rien y n'est réel et ne restera après notre départ, mais j'aime à imaginer que lorsqu'ils viendront vider l'arène, quelqu'un trouvera ce morceau de bois et peut-être pendant une petite seconde, se rendra compte qu'il y a encore quelques jours, 24 adolescents arrachés à leur famille ont foulé ces terres pour la dernière fois.

- Tu sors de ta rêverie cogneuse, on a besoin de toi !

Je rejoins Karya et me cale sur son rythme. Elle fait de plus grands pas que moi et je m'oblige à trottiner pour ne pas me laisser distancer. Son objectif du jour est le garçon du quatre. Léon si je me souviens bien. Il aurait dû faire partie de l'alliance, mais avait préféré fuir. Certainement un conseil de son mentor.

- Tu sais, je n'aime pas beaucoup de gens, Emme, mais les lâches, ce sont les pires.

Elle m'explique alors qu'elle se stoppe d'un coup au bord d'un minuscule ruisseau qui se fraye un passage entre les buissons verts et les arbustes. Je repère les traces de pas au sol, parfaitement dessinées dans la boue humide et je commence à stresser. C'est tout frais. Un tribut ne doit pas être loin.

- Il reste qui comme potentiel adversaire à part ton copain ?

- Ce n'est pas mon copain. Et je sais pas peut-être les tributs du trois, ils avaient l'air de gérer les lances et le combat à l'entraînement.

Nous marchons aussi doucement et dans un des plus grand silence jamais observé aux jeux. Un talus se forme devant nous et je la vois. Ses tresses rousses commencent à s'effilocher et elle paraît un peu fatiguée. Cachée derrière un buisson, Karya me lance un regard.

- Je fais le guet. Je lui dis quand elle se lève discrètement.

- Ok, mais si jamais son partenaire se ramène, tu lui règles son compte.

J'acquiesce et elle disparaît.

Comment s'appelle-t-elle cette fille ? Aurea ? Charlotte ? j'arrête d'y penser quand un hurlement déchire la forêt et que le canon s'invite.

- Charlotte ! on appelle dans la forêt.

J'entends des pas, je m'enfonce dans le buisson, s'il me trouve, je suis fini. Je ne peux pas prévenir Karya. Et je vois un espace entre ma cachette et les ronces qui envahissent le bord du talus. Je me laisse glisser parmi elles et alors que je sens les piquants accrocher ma veste, je pousse les feuilles mortes et rampe aussi vite que possible.

- Charlotte ! il continue de crier.

Pourvus que j'arrive à temps.

Je sors des ronces, les cheveux en pagailles, des griffures sur le visage et les mains, frottez-vous les mains, habitants du Capitole, c'est la dernière fois que vous verrez cela. Je fonce vers Karya et lui crie dessus.

- Il arrive !

Elle se met à courir et le crie qui le déchire quand il découvre le corps de sa coéquipière me transperce comme un couteau en plein cœur. Nous continuons de courir, haletantes, tentant de reprendre notre souffle lorsque à la sortie d'un tas de rochers, quelqu'un se précipite et percute violemment Karya. Je continue de courir et m'arrête net. La carrière se relève et son sang ne fait qu'un tour lorsqu'elle se rend compte qu'il s'agit de Léon. Il veut fuir, et je sais que si je ne fais rien, elle me tuera. Je saisis mon couteau et tente un lancer que je rate.

- Rattrape-le Emme ! elle hurle.

Les arbres défilent de tous côtés, il court plus vite que nous, et malgré les enjambées que je fais pour éviter les obstacles, rien à faire, je n'arrive pas à maintenir le rythme. Je tente un dernier lancer et me mords les doigts quand la lame se fige dans son sac à dos. Maintenant, il a en plus de sa pique, mon couteau.

J'appelle ma partenaire, espérant qu'elle stoppe sa course, mais elle disparaît avec lui dans la sombre forêt.

Mon cœur risque d'exploser si je ne m'assois pas tout de suite et je rebrousse chemin, dans l'espoir de récupérer mon couteau et par la suite de rentrer au camp.

Le canon sonne.

Karya ? Léon ? Ou un autre tribut ?

Je ramasse la petite lame argentée et découvre avec surprise une fine coulée de sang sur le tranchant. Je l'ai touché.

Encore un que je peux rajouter sur ma liste. Je dois avoir une sacrée côte au Capitole. Je pense à Blight et à Daisy. Sont-ils en train de penser que je peux y arriver ? Et ma famille, sont-ils devant les écrans, sur la place publique, à attendre qu'on me diffuse. Ont-ils vu Kay ? Se doutent-ils de quelque chose ? Encore faudrait-il qu'il y ait quelque chose, je pense en suivant la ligne d'arbres sans branches à leurs sommets, qui d'après mes observations devraient me mener au camp.

- Emme !

- Karya ! Est-ce que ça va ?

Rouge d'effort, ruisselante de sueur, elle reprend son souffle et m'indique que oui.

- Il a foutu le camp, je l'ai perdu aux ruines. Mais je voulais pas continuer. Le canon a sonné, j'ai cru... J'ai cru que c'était toi que ton copain... t'avait retrouvé... Enfin bref... Le canon a sonné.

- C'est pas moi. Je blague.

Hochant la tête en souriant, elle se redresse et nous repartons vers le camp.

- Ce doit être les garçons et Anna. Le gars du 5 courrait encore.

- Comment tu vas faire pour Léon ? j'ose demander.

- Il n'était pas en forme, laissons-le mourir de faim.

- Il est du quatre, il aura à manger. Je dis.

Le district quatre n'est généralement pas à plaindre, ces habitants sont certes pauvres, mais pas autant que les autres districts, certains paris sur les tributs et la plupart du temps, le couple du quatre finit dans la meute de carrière.

- Alors, il va falloir le trouver avec les vieilles méthodes.

Quelles veilles méthodes ?    

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