15- D'une soirée moisie et d'art pariétal

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Seine-Saint-Denis, Le Blanc Mesnil,

Institut Andromède.

Samedi 6 février 2019


— Entrez vite, Docteur Del Pozzo ! presse Jocelyn Anagbi.

Soledad abandonne la contemplation du ciel nocturne, où la lune ourle d'un feston lactescent les gros nuages encore plombés de neige, et se glisse par la porte entrouverte. L'enseignant se hâte de refermer derrière elle non sans scruter les ombres du jardin d'un regard vaguement inquiet.

— Suivez-moi, enjoint-il, dépêchons-nous !

Elle obtempère et lui emboîte le pas ; le martèlement de ses talons aiguilles sur les dalles crépite dans le silence du hall d'accueil désert. Les épaules de son guide se crispent à ce staccato peu discret. Dans la lueur sélène qui s'infiltre par la baie vitrée, elle distingue l'expression courroucée de son visage sombre. Courroucée et nerveuse. À l'évidence, cette visite improvisée à l'Institut Andromède le stresse. Ou peut-être est-ce le contrecoup de la crise de Noah et du comportement de ses élèves. Ou les propos de son oncle...

Soledad trotte derrière lui tandis qu'il s'engage à la lumière de son téléphone portable dans un escalier dont le sommet se perd dans l'obscurité. Pourquoi ne pas allumer l'éclairage ? Discrétion, sans doute. Souci de ne pas se faire remarquer... Mais par qui ? À cette heure, tout le personnel de l'Institut doit être parti depuis longtemps !

Elle grimpe les marches sur ses talons, pressant l'allure. Elle non plus n'a aucune envie de s'attarder, mais elle tient absolument à examiner les dessins « préhistoriques » réalisés par Alaïs qu'il avait mentionnés lors de leur première rencontre.

Tant qu'à faire, elle aimerait au moins tirer quelque chose de concret de cette soirée pourrie. La mine morose, elle songe à son dernier échange avec Jannek Miljanic et rumine sa déconvenue. Ce fichu flic l'a tout bonnement envoyée au diable !

Après avoir écouté d'une oreille distraite ses explications à propos du récit de la fillette et des hypothèses d'Idrissa, il l'a gratifiée d'un ricanement ironique :

— Franchement, Docteur Del Pozzo, je m'étonne qu'une scientifique puisse accorder foi à de telles absurdités !

Il n'a même pas pris le temps d'en discuter avant de la laisser – encore – tomber, pour filer s'assurer que Madame Pasteur n'avait pas besoin de lui pour gérer les débordements de son fils. Bast ! Qu'elle s'étouffe avec ses dattes fourrées, celle-ci !

Soledad grimace ; la défection du policier l'a mortifiée, tout comme le peu de cas qu'il semble faire de son avis. Elle sent monter une nouvelle bouffée d'agacement. Elle n'a jamais demandé à être mêlée à tout ça ! C'est lui qui est venu la chercher. Il la sollicite et puis il la jette ! Ce genre de grossièreté lui hérisse le poil.

En temps normal, elle l'aurait planté là, abandonné sans le moindre remord à son problème de meurtres rituels et de gamins prodiges. Mais il s'est permis de mettre en doute sa rigueur scientifique et rien que ça l'a décidée à ne pas lâcher l'affaire.

Ça et sa curiosité naturelle.

En aucun cas, l'envie de résoudre l'énigme la première et de lui démontrer qu'elle est beaucoup plus digne d'intérêt que cette pintade hors sol encombrée de sa progéniture déjantée.

Absolument pas.

Au sommet des marches, Jocelyn Anagbi s'est brusquement arrêté. Elle manque de le percuter et laisse échapper une brève exclamation.

Après la neigeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant