MENSONGES

CHAPITRE SIX :

Dimanche, seul jour que certains s’accordaient pour ne rien faire.
D’ordinaire, Seven en faisait partie mais aujourd’hui, la jeune femme avait décidé de poursuivre son travail.
Ou plutôt elle se retrouvait à faire aujourd’hui ce qu’elle avait dit hier qu’elle ferait demain, appliquant la technique de Neve qui consistait à dire que ce serait un souci pour “future me”.
Dans l’immédiat, Seven détestait la Seven du passé. Quelle idiotie d’avoir reporté ce qui aurait pu être fait hier, lui imposant ainsi une nouvelle fois cette corvée.
Elle ne ferait plus jamais cette erreur, elle s’en faisait la promesse.

Cette tâche ne l’arrangeait pas en plus.
Pas du tout.
Aujourd’hui elle avait d’autres choses à faire et pas assez de temps à perdre pour rattraper un retard dans lequel elle s’était elle-même fourrée.
Elle avait certes bien avancé dans ses révisions mais il fallait qu’elle trie les décorations pour le nouvel an, qu’elle vérifie que toutes les ampoules de la guirlande lumineuse fonctionnaient, qu’elle mette la main sur la structure de l’arche de ballons et qu’elle demande à son voisin s’il avait toujours son gonfleur. Parce qu’il n’était pas question de monter une arche de ballons à la seule force du souffle, que ce soit le sien ou celui de ses amis.
De toute façon, le groupe comportant des fumeurs, c’était s’assurer un échec cuisant.

Tout ça parce qu’à force de recevoir des piques concernant la vidéo d’Halloween, elle avait fini par se demander s’il ne fallait pas qu’elle cherche.
Non pas parce que c’était ce que tout le monde attendait d’elle mais simplement pour se débarrasser de tout ce drama et enfin retrouver sa tranquillité. Elle trouverait des images d’assez bonne qualité pour que les identités soient révélées et ainsi tout le monde se calmerait, jusqu’à la prochaine dinguerie qui surviendrait.
Même si, depuis la dernière intervention d’Isaak, personne n’avait plus osé venir les déranger, ni même les contrarier. Le sale caractère du jeune homme, quand on était prêt à le supporter, constituait une arme redoutable envers les relous de l’extérieur.

Allez, tant pis, cette recherche serait définitivement un souci pour la Seven du futur, aujourd’hui elle avait d’autres choses à faire, plus importantes et plus agréables.

⧫⧫⧫⧫⧫

Traînant des pieds contre le parquet, Seven fit son entrée dans le salon où étaient réunies sa grande sœur Mariame et sa mère, devant une mauvaise télénovela qu’elles commentaient comme si leurs vies en dépendait.
Elles regardaient le programme télévisé en version originale, sous-titré en français, avec des couleurs parfois agressives et des commentaires sur les types de musiques. Parmi les plus marrants, Seven avait relevé “musique trépidante” dans une scène qui ne correspondait pas tant à un tel adjectif.

Elle s’installa sur le canapé à leurs côtés, avec le bol de muesli qu’elle s’était servi. Elle avait raté le petit déjeuner et son estomac commençait à le lui faire payer.
Madame Nersisyan était trop absorbée par le téléviseur pour se plaindre de la proximité entre le tissu du canapé et les aliments. En temps normal, elle aurait adressé un index réprobateur à sa fille, qui se serait donc installée au sol pour déguster ses céréales. Pas question après tout de quitter la pièce pour aller se poser sur une chaise.
Mariame avait tout vu mais par solidarité, ne dirait rien.

Par solidarité ou peut-être tout simplement parce qu’elle allait bientôt avoir besoin de l’aide de sa cadette.
Seven avait désormais largement prouvé ses capacités capillaires puisqu’elle maintenait un split hair parfait, une frange régulière et une des cheveux en bonne santé malgré les décolorations agressives qu’elle leur imposait. Sans avoir trop le choix, elle était donc devenue la coiffeuse attitrée de la famille, au grand plaisir des autres femmes de la demeure qui économisaient des sommes astronomiques grâce à l’exploitation de l’artiste réputée pour un mauvais caractère.