MENSONGES

CHAPITRE DEUX :

L’étage quatre de la bibliothèque universitaire était bien silencieux.
Non pas que ce soit surprenant, les gens n’y montaient que très rarement, découragés par les marches qu’il fallait gravir en amont.

C’était d’ailleurs parce qu’elle recherchait ce calme que Seven faisait l’effort de se rendre au quatrième, espérant que les tables vides et les rayonnages alourdis par d'innombrables manuels l’aident à se concentrer sur ce qu’elle devait préparer.
La longue pièce aux murs perforés d’interminables baies vitrées donnait vue sur les espaces de verdure du campus. L’immense salle était éclairée par des néons blanchâtres qui auraient tout aussi bien eu leur place dans les couloirs froids de l’hôpital.
Des tables pouvant accueillir entre quatre et huit personnes étaient diposées çà et là, de la même teinte que les murs et le sol, comme si les constructeurs avaient eu peur qu’un peu de couleur ne fasse de mal aux pupilles souvent dilatées de la population étudiante. Fort heureusement les chaises, si inconfortables soient-elles, rehaussaient le tout à l’aide de quelques pointes de couleurs éparses.

Comme à son habitude, Seven s’était installée sur une chaise jaune, assortie aux docs qu’elle avait aux pieds. Elle avait pris le siège du milieu d’une rangée de trois, ce qui lui permettait ainsi d’étaler autour d’elle toutes les affaires dont elle pouvait avoir besoin.
Trois trousses qui rassemblaient tant de crayons qu’elle pourrait en faire pâlir d’envie les rayonnages de n’importe quel magasin de fournitures d’arts manuels. Deux classeurs dans lesquels elle avait glissé toutes les références, explications comprises, dont elle pourrait éventuellement avoir besoin. Elle avait également installé sa large pochette - signature de n’importe quel élève en faculté d’art - par dessus les prises électriques qui ne lui étaient d’aucune utilité.

En somme, Seven était prête à travailler et ne désirait pas être interrompue dans son projet, comme pouvait en attester le casque qu’elle avait vissé sur ses oreilles, ce qui ne la coupait pas du bruit extérieur puisqu’il n’y en avait aucun mais lui permettait de profiter d’une musique rythmée que Teodor lui avait conseillée.

Elle savait ce qu’elle avait à faire et la manière dont elle devait s'y prendre. La tâche serait probablement longue mais le résultat final en vaudrait la chandelle, elle le savait.
Alors elle s’empara de son crayon, releva sa frange bicolore pour éviter qu’elle n’encombre son front et son regard, et se jeta à l’eau.

La baignade fut de courte durée.
Non pas que Seven ne ressente la moindre difficulté à se mettre à son fastidieux travail.
Mais simplement parce qu’il était bien plus compliqué de produire quelque chose de qualité tout en étant dérangée.

L’irruption soudaine de Zéphyr et Neve ne figurait pas sur son planning quand Seven avait grimpé les étapes pour s’isoler de la masse étudiante.
Et pourtant, elle s’y retrouvait confrontée.

Les deux copines étaient arrivées dans le champ de vision de Seven de manière plutôt discrète, mais si l’artiste n’avait pas porté son casque réducteur de bruit, elle aurait pu les entendre arriver. Le claquement élégant des talons de la blonde contre le lino constituait une jolie mélodie, assortie à celle des plateformes de Neve qui ne produisaient qu’un bruit sourd.

— Hello Seven, la salua joyeusement l’étudiante en langues. Ça te dit, un café en notre compagnie ?

— C'est-à-dire que je venais tout juste de commencer mon projet, argua la plus grande des trois.

— Tu n’es obligée à rien, lui assura Zéphyr tout en se penchant par-dessus la table pour comprendre ce que son amie trafiquait.

La blonde abandonna vite, l’art n’étant pas spécifiquement son point fort, ou du moins pas lorsqu’il s’agissait de rendre une présentation notée.
Neve était plus calée sur le sujet, aimant tout particulièrement la photographie, peut-être un peu à cause de son aîné. Côtoyer Seven n’avait rien arrangé et les deux photographes étaient persuadés qu’un jour ils parviendraient à la convaincre de rejoindre leurs rangs.