CHAPITRE HUIT :

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Ce matin, le campus s’agitait comme si tout le monde avait reçu le même message, comme ce que les séries américaines aimaient tellement faire.
Et qu’elle n’avait jamais compris. Est-ce que cela voulait dire que le grand méchant de ces situations possédait le numéro de tout le monde ? Ou est-ce que tous ces gens qui pourtant ne se connaissaient pas partageaient un même groupe sur un réseau social ?
Non, c’était bien trop gros pour que Marigold n’adhère à ces débilités. Même s’il fallait admettre que, derrière un écran, ça restait plutôt marrant.
Ou pas, finalement à la longue ça en devenait lassant.

La raison de l’agitation soudaine ? L’affichage de clichés d’une superbe blonde, que Marigold était presque sûre de n’avoir jamais croisée plus de quelques minutes, au détour d’une cafétéria.
Du moins pas avant aujourd’hui.
Elle s’en serait souvenu si elle avait eu l’occasion d’échanger des mots, ou ne serait-ce qu’un regard avec une créature si divine.

Parce que celle qui se faisait afficher de la sorte se tenait devant les murs où était placardé une dizaine de fois son doux minois. Les clichés étaient nombreux, certains la montrant dans la tenue d’Eve, d’autres exposant une lingerie sublime qui avait sûrement dû lui couter un rein. Marigold faisait de son mieux pour ne pas fixer les courbes qui s’étalaient sous ses yeux mais c’était bien difficile de faire comme si ce qui était si tristement affiché n’existait pas.

Ce n’était pas la première fois qu’une jeune femme était victime de revenge porn, et ce ne serait malheureusement pas la dernière, mais Marigold n’en avait jamais vu de démonstration si poussée.
La plupart des porcs qui s’abaissaient à un tel acte se “contentaient” d’ordinaire de balancer les photos sur les réseaux sociaux, jetant en pâture les pauvres victimes au triste monde d’internet.
Pas vraiment mieux que ce qui se passait actuellement, tout compte fait. Mais comparer ne mènerait à rien, tout était horrible et rien ne serait puni, Marigold avait suffisamment étudié le droit pour savoir que la justice était une vraie passoire.

Quand elle avait vu le mur, son premier réflexe avait été de vouloir trouver la victime pour la prendre dans ses bras et lui assurer que tout irait bien.
Mais quand elle avait vu le visage dénué d’émotion de la blondinette, son idée avait changé. Elle n’avait rien de la chose fragile qu’on avait tenté d’obtenir.

Un calme olympien émanait d’elle, comme si elle n’avait pas envie de tout briser sur son passage, chose que Marigold aurait fait si les situations avaient été inversées.

Ça devait demander un véritable effort, d’agir ainsi, et de contrôler autant les muscles de son visage pour qu’aucune expression ne trahisse ce que l’on pensait vraiment.
Ou peut-être ne ressentait-elle vraiment aucune once de colère, ce qui impressionnait d’autant plus Marigold qui, elle le savait, avait tendance à se laisser déborder par ses émotions.
Elle avait souvent l’impression que c’étaient elles qui décidaient de sa vie, sans penser à la consulter au préalable.

Mais trêve de digressions.
La belle blonde, montée sur des talons d’une dizaine de centimètres qui claquaient contre les pavés, paraissait prête à quitter les lieux, après avoir pris en photo la scène de crime.
Certains badauds en faisaient de même, avant de se raviser quand ils croisaient ses prunelles claires. Visiblement, l’inconnue n’était pas de celles qu’il fallait énerver.

Ce qui rendait d’autant plus incompréhensible l’affichage que tout un chacun pouvait désormais observer.
Qui pouvait bien agir ainsi, se mettant à la merci de la colère de la jeune femme, une colère qui paraissait suffisamment destructrice pour qu’elle n’ait pas besoin de dire un mot et que cela suffise à intimider le monde ? Qui pouvait bien agir ainsi, en se moquant des conséquences tant que cela la blesserait assez ?
Probablement quelqu’un qui la connaissait mal parce que la blondinette ne paraissait pas affectée. Pas le moins du monde.

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