CHAPITRE QUATORZE :

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Si Luam comptait correctement, il avait fait dix jours de fac successifs. Un record. Il avait presque envie de le fêter, mais un simple regard à son habitation le rappela à la réalité.
Le sol du salon disparaissait sous les bouteilles de bière vides, certaines étant brisées. Il faudrait qu’il fasse attention en passant la balayette. Il n’était pas question de s’en tirer avec une blessure sanguinolente de plus.
Le parquet sombre craquait et collait sous ses pieds, le faisant grimacer à chacun de ses pas. Il avait abandonné depuis longtemps tout espoir de lui faire retrouver un jour sa couleur d’origine.

Il flanqua dans son sac les affaires dont il allait avoir besoin et qui se comptaient sur les doigts d’une main. Il remonta dans sa chambre pour chercher le papier que lui avait réclamé l’administration pour qu’il puisse apposer l’autocollant de l’année en cours sur sa carte étudiante, puisqu’il n’avait jamais pris le temps de le faire durant le semestre précédent.
Ce n’était pas quelque chose de très utile, mais toujours pratique pour profiter des réductions. Et puis, lors des partiels, cela lui simplifierait la vie.
Finalement, c’était utile. Mais l’administration étant ce qu’elle était, les possibilités pour faire cette procédure pourtant moindre étaient réduites. Leurs créneaux d’ouvertures étaient aussi nombreux que les jours où Luam vivait en paix.

Cette fois-ci, il pouvait partir. Il avait lu correctement son emploi du temps, il n’arriverait pas avec une avance exagérée. Il ne serait pas non plus en retard, c’était le comble de l’irrespect pour les professeurs.
Il enfila ses Tn qui avaient l’air d’avoir vécu de multiples vies et sortit de l’étroite et sombre maison. Les volets, à l’exception de ceux de sa chambre, étaient rarement ouverts, l’intérieur empestait le tabac froid, l’alcool et le renfermé. La poussière s’accumulait dans certains coins, et les araignées leur rendaient visite quand Luam avait la flemme de les chasser. Les carreaux étaient pour certains brisés, rendant les mois d’hiver guère agréables. Aucun radiateur ne fonctionnait, même quand ils payaient correctement leurs factures d’électricité. Quelques murs étaient à deux doigts de tomber en poussière, rongés par les âges et l’humidité, et Luam n’avait pas de quoi payer un quelconque réparateur.
En bref, la demeure des Sato représentait pour le citoyen moyen le pire cauchemar.

Il descendit les quelques marches qui menaient jusqu’à la rue, récupérant au passage le sac poubelle qu’il avait sorti un peu plus tôt. Visiblement trop tôt puisqu’un chat errant avait eu le temps de l’éventrer. Ravalant une grimace de dégoût qui aurait fait tâche sur son visage si impassible, il s’empressa de la balancer dans la poubelle grise, espérant de tout son coeur que le liquide nauséabond qui s’en échappait n’allait pas terminer sa course sur son jean.
Certes, le vêtement avait connu de meilleurs jours, mais pour se rendre en cours, il valait mieux qu’il soit un minimum présentable. L’opinion des gens ne lui était pas importante, mais il y avait un monde entre se préoccuper de ce que les gens pensent et arriver puant dans un amphithéâtre. 

Juste avant qu’il ne quitte leur désagréable propriété, Luam entendit les jurons de son père qui venait probablement tout juste de s’éveiller.
Les jurons furent vite remplacés par des hurlements incohérents, et ce fut le moment que Luam choisit pour accélérer le rythme et se rendre à l’arrêt de bus.
La fac n’était pas un lieu de rêve, mais cela restait toujours mieux que l’enfer que pouvait représenter son foyer.

⧫⧫⧫⧫⧫

La matinée était d’ores et déjà achevée. A dix heures puisque la fac possédait la rare capacité de produire des emplois du temps déséquilibrés qui donnaient lieu ou bien à des journées trop chargées qui lessivaient les étudiants, ou à des journées où le repos prenait plus de place que l’étude.
Alors Luam, pour tuer le temps et satisfaire son estomac qui grognait, se dirigea vers un des nombreux bâtiments de restauration crous qui parsemaient le campus. Il était encore trop tôt pour avoir droit à un plat complet, mais le stand de viennoiseries était encore ouvert.

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