Chapitre 4

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Aylee

En me garant devant l'entrée du bar-hôtel, je suis surprise de voir plusieurs camions de déménagement stationnés sauvagement sur le trottoir et plusieurs hommes aller et sortir, les bras chargés de meubles et les entasser dans une benne au milieu de la rue. Je sors précipitamment de ma vieille Polo et cours vers eux. L'un d'eux tient entre ses bras un carton rempli de cadres photos et babioles qui trônaient sur le bureau de mon parrain et le balance nonchalamment dans la grosse cuve.

-Hey, qu'est-ce que vous faites ?! m'écrié-je, scandalisée.

Le type me jette un bref regard avant de hausser les épaules et retourner à l'intérieur du Ritz. Je fais fi de la pluie qui s'abat sur moi et grimpe dans la benne pour récupérer le carton. Je me sens bouillir de colère lorsque j'aperçois tous les meubles, rideaux et autres objets de décoration qui occupaient l'hôtel, jetés comme de vulgaires déchets dans cette cuve à ordure. Bon sang, mais qui a bien pu ordonner un tel carnage ?! Furieuse, je rassemble les affaires de mon parrain éparpillées de part et d'autre avant de me diriger à mon tour à l'intérieur.

Le vacarme de perceuses, de raclements au sol et des voix furibondes d'hommes me parviennent maintenant aux oreilles. Devant moi s'étend un véritable chantier. Ce qui, il y a à peine quelques jours, était un pub au parquet luisant et aux poutres apparentes n'est plus qu'une carcasse en plein travaux. Des dizaines d'artisans s'affairent à vider les pièces du rez-de-chaussée, à refaire l'enduit des murs et à monter des barres en fer du sol au plafond. Je ne comprends rien à ce qui se passe. Qui est responsable de tout ce chantier et pourquoi ne m'a-t-on rien dit ? Moi qui étais le bras droit du patron du Ritz, me voilà complètement tenue à l'écart des travaux opérés sur ce que je considère comme ma deuxième maison. J'ai besoin de réponses, et vite. J'aperçois mon collègue John en pleine discussion avec un des ouvriers et accours aussitôt vers lui.

-John ! Qu'est-ce qui se passe ?!

Son visage s'illumine en me voyant puis il m'invite à le suivre à l'étage pour nous éloigner du bruit qui couvre nos voix. En montant les escaliers, nous croisons d'autres déménageurs transportant des matelas et coussins vers le rez-de-chaussée, me laissant penser qu'ils sont également en train de débarrasser les chambres. Je me félicite d'avoir pris la clé de ma chambre avec moi. Au moins, ils ne pourront pas y entrer. John m'incite à entrer dans mon bureau, pièce qui semble également encore épargnée par ce chaos, puis referme la porte derrière nous.

-Ils sont en train de rénover tout l'hôtel, m'explique-t-il.

-Mais pourquoi ?

-Ordre du nouveau patron.

-Mais nous n'avons pas assez d'argent pour ça !

John se pince les lèvres, l'air navré.

-Je suis désolé, Aylee, mais attends-toi à voir du changement ici.

Je le fixe, abasourdie. Mon parrain a embauché John dix ans plus tôt en tant que barman et lui a toujours témoigné un profond respect et une grande affection. L'entendre parler avec une telle résignation résonne en moi comme un semblant de trahison.

-Où est-il ? lui demandé-je, acerbe.

-Il n'est pas là.

-Et quand sera-t-il ici ?

-Je ne sais pas, à vrai dire, je ne sais pas grand-chose de lui. Je ne l'ai même jamais vu. Je pensais que tu en savais plus sur lui.

-Non, tout ce que je sais, c'est que mon parrain lui a légué l'hôtel.

La colère gronde en moi. Mack Reed semble déterminé à s'emparer du Ritz, sans même en aviser qui que ce soit et je suis résolue à lui exposer ma façon de penser à la minute où il en foulera le sol. John pose une main compatissante sur mon épaule, avant de me laisser seule, incrédule et en proie à une rage intense. Si mon nouveau patron pense pouvoir établir sa propre hiérarchie, c'est qu'il ignore qui je suis et jusqu'où je peux aller pour récupérer ce qui m'appartient.

Je dois me faire violence pour me ressaisir et me résigne à me mettre au travail. Les obsèques de mon parrain et la vente de notre maison ont accaparé toute mon attention ces cinq derniers jours et j'ai du travail à rattraper. Il faut que je mette à jour les comptes et à cela s'ajoute maintenant le rassemblement de fonds nécessaires pour couvrir les coûts engendrés par ces maudits travaux.

Sauf que je peine à me concentrer. Entre les bruits de perceuses électriques, les voix vociférantes des ouvriers et les bruits intempestifs provoqués par le montage de meubles venant de derrière mes murs et au-dessus de moi, mon attention est sans arrêt déviée de mes tâches et mes conversations téléphoniques avec nos prestataires sont rendues inaudibles. Il faut que je quitte les lieux avant de devenir dingue. J'ai l'idée de regagner ma chambre au dernier étage, soit plus isolée des bruits mais tandis que j'arpente les travaux pour m'y rendre, je découvre que la porte a été retirée de ses gonds, la pièce vidée de tout son mobilier, et mes valises déposées à l'extérieur. Visiblement, je ne suis plus la bienvenue ici. Merde, où vais-je aller maintenant ?!

Résignée, je récupère mes valises et appelle la seule personne apte à m'aider.

-John, je suis désolée, j'ai été mise à la porte, tu pourrais m'héberger en attendant les travaux ?

-Oui, bien sûr ! Quand arrives-tu ?

Tout en maintenant le téléphone contre mon oreille, je me dirige vers ma voiture, garée de l'autre côté de la rue, lorsqu'un sifflement et des rires gras attirent mon attention. Un groupe d'ouvriers, visiblement amusés par ma situation, me dévisagent avec un sourire goguenard. Leurs yeux libidineux et leur hilarité suscitent en moi une rage dévorante. Rage qui s'intensifie lorsque l'un d'eux m'alpague d'un « hé poupée, j'ai un lit deux places qui t'attend chez moi ». Des images n'allant pas en sa faveur prennent alors mes pensées d'assaut.

-Je ne vais pas tarder, dis-je à John, j'ai juste quelque chose à régler.

-Ok, tiens-moi au courant.

Je fourre mes valises dans mon coffre tout en gardant un œil sur mes harceleurs. Deux d'entre eux retournent au travail tandis que le troisième, qui m'a gentiment proposé de m'héberger, continue de me scruter tout en fumant sa clope. Je le scanne de la tête aux pieds. Le regard plissé, une carrure moyenne, le ventre dodu... j'enregistre chaque trait pouvant me permettre de le reconnaître quand je passerai à l'acte. Car oui, j'ai grand besoin de me défouler et ma nouvelle cible sera parfaite pour ça.

Never get me [Romance mafia]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant