Chapitre 10

1.4K 29 19
                                    

Aylee

-Mack Reed, hein ?

Assise à la fenêtre de sa chambre, concentrée sur sa toile, ma mère m'a écouté déblatérer sur mes malheurs d'une oreille distraite. Je sais que la situation du Ritz est le cadet de ses soucis mais j'ose espérer que notre discussion animera ses journées moroses dans cet endroit sordide où nous avons dû la placer il y a deux ans, suite à son accident vasculaire. Je la regarde tracer des lignes courbes à l'aide de son pinceau. Ses cheveux longs et gris retombent sur ses épaules et sur le dos du fauteuil roulant avec lequel elle se déplace désormais. Je ravale la boule qui se forme dans ma gorge à chacune de mes visites avant de prononcer un « oui ».

Comme elle ne réagit pas, j'insiste :

-Qu'est-ce que je peux faire ? Je ne peux pas le laisser nous prendre ce qui nous appartient !

-Laisse-lui le bénéfice du doute. Cet homme semble avoir des moyens que ton parrain n'a jamais eus.

Mon ventre se serre à ces mots. Ma mère a toujours critiqué mon parrain sur sa capacité à gérer l'hôtel et à en dégager du profit. Pour l'avoir soutenu dans son travail quotidiennement, je sais qu'il a fait de son mieux face à une conjoncture qui n'était guère propice. Pour avoir eu cette conversation mille fois avec ma génitrice, je décide de ne pas protester. Pour autant, c'est oublier ce que nous avons enduré par le passé et je ne lui permettrais pas de prendre la défense de ce mafieux de mes-deux.

-Et s'il est comme Borowski ?

Ma mère se fige une seconde avant de répliquer :

-Borowski reste notre priorité, tu t'occuperas de Reed plus tard. As-tu de nouvelles pistes d'ailleurs ?

Cette question résonne en moi comme un poison. Elle s'attend certainement à de bonnes nouvelles, seulement je n'en ai pas et j'appréhende sa réaction lorsque je lui annoncerai.

-Non.

Pour la première fois depuis mon arrivée, ma mère tourne son visage vers moi, ses lèvres pincées et son regard sombre ne présageant rien de bon.

-Avec la mort de Parrain, je n'ai pas eu le temps, me justifié-je.

-On ne possède jamais rien qu'un peu de temps, Aylee, dit-elle en essuyant son pinceau à l'aide de son tablier.

Sa remarque me laisse morose. Pour pouvoir obtenir des informations sur lui, j'ai dû commettre l'impensable. Je sais qu'elle compte sur moi pour trouver ce fils de chien, et je veux d'ailleurs le retrouver tout autant qu'elle, mais la vérité est que je suis dans une impasse.

-Je m'y remets au plus vite, lui assuré-je.

Ma mère me sourit tristement puis me souffle un « approche » pour m'inviter à examiner sa toile. Je découvre alors des corps rouges et ocres s'enchevêtrer sur un fond rouge et semblant venir des profondeurs d'une caverne. Je reste accablée devant ce spectacle sinistre, vestige d'un passé traumatique auquel elle ne parvient pas à se libérer.

-C'est magnifique, soufflé-je, sincèrement.

Ma génitrice accepte ce compliment avec grâce, puis on toque à sa porte et l'infirmière fait irruption dans la chambre.

-Madame Levinski, vous êtes prête pour votre repas ?

Ma mère se détache de moi et roule jusqu'à elle. Mais avant d'en sortir, elle se tourne une dernière fois vers moi avant de me dire :

-Sers-toi de Reed, si lui et Borowski sont de la même trempe, alors il doit savoir où il se cache.

Ces mots dissipent peu à peu ma colère. Elle a raison... Si je ne peux rien contre Reed, je peux au moins faire en sorte qu'il me soit utile. Il me faut gagner sa confiance. Ce qui ne sera pas tâche facile étant donné notre dernière entrevue où je l'ai menacé de le virer du Ritz.

Une fois rentrée et après plusieurs heures de réflexion, j'en viens à la conclusion que je n'ai plus qu'une solution : me résoudre à ranger ma fierté et regagner mon poste au Ritz. Ça me tue de l'admettre mais si je veux garder la face, je dois donc m'excuser auprès de mon nouveau patron. Je me rassure en me disant que c'est pour un plus grand bien et c'est déterminée que je me rends le lendemain sur mon lieu de travail.

Never get me [Romance mafia]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant