Nuere, jour 17 : Un voleur et trois grands-mères

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Le lendemain, quand j'ouvris les yeux, Aelynn était déjà debout. Kor ronflait encore, et Eddie marmonnait dans son sommeil.

Je me levai et m'habillai discrètement, avant de rejoindre l'elfe qui grattait un luth. Je m'accroupis à côté de lui et l'observai. Il était assis par terre. Il chantonnait des paroles presque inaudibles en jouant quelques notes, puis il griffonnait quelque chose à la plume sur un parchemin déroulé devant lui. Et il recommençait. Au bout d'un moment, il leva les yeux vers moi et me demanda :

« Toi aussi, tu veux composer ? »

J'acquiesçai timidement.

« Dis une phrase qui te passe par la tête, n'importe laquelle.

- Euh... hésitai-je.

- Oh, je parie que tu serais ravi de pouvoir embêter Eddie, fit-il avec un clin d'œil complice. D'ailleurs, si tu lui chantes une chanson en boucle pendant qu'il dort encore, il l'aura dans la tête toute la journée.

- Vraiment ? Alors... ''Je taquine Eddie toute la journée''.

- Très bien. Maintenant, fredonne cette phrase, donne-lui une mélodie, un rythme. »

Je m'exécutai. Puis je me rapprochai d'Eddie, toujours endormi, et chantonnai :

« Je taquine Eddie, je taquine Eddie, tou-te-la-jour-née ! »

Eddie se retourna en grognant. Je bondis en arrière.

« Ne t'en fais pas, va, me rassura Aelynn, il bouge souvent dans son sommeil.

- Il ne risque pas de se réveiller ?

- Oh non, crois-moi. Hier soir, après que tu te sois couché, Kor et lui sont redescendus et ont bu comme des trous ! Ils ne risquent pas de se réveiller de sitôt. »

Je recommençai à chanter, d'abord méfiant, puis de plus en plus à l'aise. Aelynn prit son luth et m'accompagna. Il improvisa des couplets qui me tordirent de rire. Quand le soleil commença à être vraiment haut derrière les volets, nous nous arrêtâmes, essoufflés et hilares. Aelynn toussota, reprit son sérieux, et me fit signe de m'asseoir et de regarder.

Il ouvrit violemment les volets, puis tira d'un coup sec sur les draps qui couvraient nos deux amis. Kor, sans doute alerté par un sixième sens, se releva d'un coup pour éviter de tomber. Résultat : il se cogna violemment la tête au lit d'au-dessus. Eddie, lui, roula par terre avec le drap et se réveilla en jurant, empêtré dedans. Aelynn et moi étions pliés de rire.

Quand les deux compagnons se furent remis de leur surprise, ils nous chassèrent de la chambre, avec un air mi-figue mi-raisin. Nous descendîmes prendre un petit déjeuner, et quand ils descendirent à leur tour, ils étaient de meilleure humeur.

« J'ai fait un rêve atroce, se plaignit Eddie. On embauchait plein d'enfants pour combattre avec nous. Au début, ils étaient mignons, et puis... Il y en a un qui s'est mis à chanter une chanson. C'était toi, Aelynn, mais c'était aussi un peu toi, Daelam. En fait, c'était un mélange de vous deux, mais dans mon rêve, c'était normal. Et il a poussé des cornes à tous les enfants, ils ont tous chanté avec vous, c'était horrible... Puis, ils m'ont poussé et je me suis réveillé. »

Je pouffai et échangeai un regard complice avec Aelynn.

« Il est drôle ton rêve, fis-je.

- Je crois que tu t'es trompé d'adjectif, renchérit l'elfe. Une chorale d'enfants, c'est mignon, pas horrible.

- Mmh, et moi, je crois surtout que tu as trop bu, intervint Kor.

- Moi ? Nooooonnnn... fit l'halfelin d'un ton qui laissait entendre tout le contraire. »

Je ne suis plus le même !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant