Unres, jour 17 : La main innocente

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« ... c'était si beau, tu aurais dû l'entendre !

- J'aurais aimé, en tout cas. »

Zéphyr et moi nous étions rendus au pied de la muraille que nous connaissions bien désormais, non loin du puits. Je venais d'achever mon récit de la veille.

« Eh bien, moi, hier, pendant que tu étais à ton concert, j'ai assisté à une superbe comédie ! me dit mon ami. Émilie était privée de repas, et la tronche qu'elle faisait t'aurait plié en deux de rire, toi aussi ! »

Je souris silencieusement.

Quel dommage... pensai-je amèrement. Moi qui étais si extraverti, avant... qu'est-ce que je suis en train de devenir ?

« Non, mais sérieusement... ! continua Zéphyr sans remarquer mon malaise. C'était... »

Il éclata de rire pour de bon. Finalement, son rire communicatif m'emporta. Nous en avions les larmes aux yeux.

« Ah... j'en... peux... plus ! articula mon ami entre deux crises de rire. Ça faisait longtemps que je n'avais pas autant ri ! Il faut que j'aille aux toilettes. »

Il se leva et se précipita vers le bâtiment, me laissant seul, plié en deux de rire.

« On te dérange, peut-être ? fit une voix glaciale. »

Je levai les yeux. Devant moi se tenait Émilie, bras croisés, accompagnée de trois autres enfants : une imposante goliath, qui devait avoir à peine un an de plus que moi, et qui pourtant me dominait de deux ou trois têtes ; une elfe, un peu plus âgée, la peau très blanche et les yeux et les cheveux très noirs ; et enfin un petit halfelin brun avec des lunettes, plus jeune cette fois. Il serrait contre lui un énorme livre à la couverture marron. On aurait dit une poupée, tellement il était petit : il devait faire une soixantaine de centimètres. Les halfelins adultes eux-mêmes dépassaient rarement un mètre. Toutefois, Eddie faisait presque ma taille, remarquai-je tout à coup. Je notais dans un coin de ma tête de lui poser la question quand je le pourrai.

En face de moi, Émilie toussota.

« Tu te moques de nous ? »

Je pris conscience que je n'avais pas arrêté de rire. Ils devaient me prendre pour un fou. J'essuyai le coin de mes yeux humides.

« Ah... pardon. C'est que... vous êtes vraiment...

- Oui ? gronda Émilie. »

L'expression menaçante qu'affichait son mignon petit visage ne lui allait pas du tout. On aurait juste dit une moue boudeuse.

Je ne pus m'empêcher de pouffer à nouveau. Émilie tapa du pied impatiemment.

« Je ne comprends pas ce que Zéphyr te trouve, grommela-t-elle.

- Ne me dis pas que tu es jalouse ? m'écriai-je, sans pouvoir me départir de mon sourire.

- Jalouse ? Moi ? N'importe quoi, cracha-t-elle. Vous êtes tous les deux plus bêtes et moches l'un que l'autre.

- Pourquoi tu viens me parler alors ? »

Émilie resta silencieuse. Visiblement, elle avait du mal à trouver une bonne réponse.

« C'est bien ce que je me disais, fis-je. Au fond, tu nous aimes bi... ah ! »

Je me baissai au dernier instant pour éviter le coup de pied qui avait fusé vers ma tête. Émilie sembla déstabilisée par mon esquive. Elle se reprit.

« Zéphyr n'est pas là, cette fois. Alors, tu as peur ?

- Peur ? Non, j'ai plutôt envie de rire.

- De rire ? Et pourquoi ça ?

Je ne suis plus le même !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant