Nuere, jour 18 : le marché

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Ce fut Eddie qui me réveilla en chantant "debout la troupe, vite, levez-vous, c'est un nouveau jour aujourd'hui !" en boucle. Sauf que quand Eddie chante... je ne vous fait pas de dessin. Aelynn, déjà debout, comme toujours, l'interrompit et l'obligea à faire des gammes, auxquelles l'halfelin se plia de bonne grâce.

Kor se réveilla en grognant. J'étais déjà debout.

« Que se passe-t-il ? m'étonnai-je. Pourquoi tu es déjà debout, Eddie ?

- C'est un nouveau jour aujourd'hui ! chantonna-t-il en guise de réponse.

- Qu'est-ce qu'il a ? fis-je, ahuri.

- On pourrait croire que tu es amoureux, Eddie, glissa Kor d'un air malicieux.

- Mais pas du tout ! C'est juste qu'on va au marché aujourd'hui ! Et j'adore le marché ! »

Une fois que tout le monde fût prêt, nous descendîmes et piochâment quatre petits pains placés dans une corbeille sur le comptoir. Puis nous sortîmes et nous nous dirigeâmes vers la place du marché.

L'ambiance qui régnait au marché était très agitée, parfois étouffante. Des étals, très colorés, bordaient la grande avenue, ainsi que beaucoup de rues adjacentes.

On voyait ici une marchande de fruits exotiques sous un auvent bigarré, là deux ou trois vendeurs de tissus aux couleurs et motifs divers. Nous passâmes devant un gnome qui nous héla :

« Venez ! Venez ! Achetez mes poulets ! Découvrez mes exotiques coureurs et mes autruches dodues ! »

D'autres proposaient des bijoux, des armes, des vêtements, des potions, des objets magiques, de la nourriture, des matériaux divers, des outils, des tapis, et autres curiosités. Eddie courait de droite à gauche, et je le suivais volontiers. Aelynn et Kor, plus sérieux, soupesaient les articles qui les intéressaient, les payaient et les rangeaient dans un sac violet tout usé, si petit que je me demandais bien comment tout ça pouvait rentrer dedans.

Ils achetèrent des rations de viande séchée ainsi que des fruits secs, en prévision d'un voyage, forcé ou non.

Nous nous arrêtâmes devant un étal d'armes. Le marchand était un nain - ou une naine, il/elle était très androgyne : une queue de cheval assez longue tombait sur ses reins, et un fin duvet couvrait ses joues. Une cuirasse souple laissait pressentir des abdominaux musclés. À sa ceinture pendait une fine épée, et de son dos dépassait un énorme marteau.

« Bonjour... madame ? hésita Kor.

- Bonjour ! répondit l'autre, sans paraître remarquer l'hésitation. Vous cherchez quelque chose ?

- Oui, c'est pour le petit, fit Aelynn. »

Les yeux de la vendeuse passèrent d'Eddie à moi, puis à Kor, pour se relever vers Aelynn, moqueurs.

« Le petit ? sourit-elle. Vous êtes le seul grand, ici.

- Moi, fis-je en s'avançant. »

La naine me jaugea du regard.

« Bien sûr ! Qu'est-ce qui te ferait plaisir ? »

Je lançai un regard vers mes amis, en quête d'un quelconque soutien. Ils me firent bien sentir que c'était à moi de choisir.

« Euh... qu'est-ce que vous avez ?

- Ah, en voilà une bonne question ! J'ai de tout, ou presque. De la masse d'armes au poignard, j'ai des armes tranchantes, perforantes, contondantes, tout ce que tu veux ! »

Je n'étais pas beaucoup plus avancé. La vendeuse, conciliante, s'empressa d'aller chercher une fine dague et une masse d'armes absolument monstrueuse. Elle les posa devant moi. Je soupesai la dague : elle était légère, très facile à manier, mais assez longue à mon goût. J'appréciai le fil aiguisé de la lame. Quant à la masse, je ne pus pas la soulever du sol. La vendeuse la reprit aussi facilement qu'elle aurait pris une brindille, et alla la ranger. Elle revint avec une lourde hache et une épée longue, et me les présenta. Je testai d'abord l'épée, mais elle était trop longue, et je la reposai bien vite, déséquilibré. Je ne voulus même pas essayer la hache. La naine repartit, revint. Même manège.

Je ne suis plus le même !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant