Unres, jour 11 : la séparation

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Pour la première fois depuis que je le connaissais, Aelynn n'était pas levé quand je me réveillai. Son bras pendait du bord de son lit et il avait les sourcils froncés dans son sommeil.

Personne n'était réveillé. Je m'assis donc sur le bord de mon lit, le dos contre le mur, et laissai mes pensées divaguer.

La chambre était plutôt petite pour quatre personnes. De plus, les lits n'étant pas superposés, ils prenaient plus de place. Nous occupions la seule chambre pour quatre de l'auberge. Il n'y avait pas de décoration, et les seuls meubles présents étaient les lits, une table et une chaise. Les deux hautes fenêtres inondaient le plancher des pâles rayons du soleil à cette heure matinale.

Sans qu'il n'y ait aucune raison, mes pensées s'égarèrent. Elles se tournèrent vers ce jour fatal. Le jour de l'accident. Un accident ? Vraiment ? N'aurais-je pas pu me contrôler ? Qu'est-ce qui m'avait pris ? Ça ne pouvait pas être un accident, ce genre de chose ! Je devais avoir un problème ! Il avait juste fait une remarque sur ma mère, il n'y avait pas mort d'homme. Enfin, il n'y aurait pas dû y avoir mort d'homme, me corrigeai-je amèrement.

Les larmes me vinrent aux yeux. Où était mon père, en ce moment ? Il devrait bientôt rentrer au village. Comment réagira-t-il quand il apprendra ce qui s'était passé ? Ce que j'avais fait ? Quelqu'un au village s'inquiétait-il pour moi ? Non, sans doute pas.

On ne s'inquiète pas pour un criminel. On s'inquiète de lui, pas pour lui.

Quelque chose de froid tomba sur ma main. J'ouvris les yeux. Ma vue était brouillée. Je mis un moment à me rendre compte que je pleurais pour de bon.

« Daelam ? fit une voix douce. »

C'était Kor. Je séchai mes dernières larmes et le regardai droit dans les yeux. Il resta un instant silencieux. Puis il se leva et vint s'asseoir à côté de moi.

« Je ne vais pas te poser de question, me rassura-t-il. Je sais que c'est désagréable. Mais si ce que tu as sur le cœur est trop lourd à porter, tu peux le partager avec moi. Tu n'es plus seul, maintenant, on est avec toi. »

Non. Je ne peux pas partager ça. C'est trop lourd. Ça fait trop mal.

« Merci, grommelai-je. »

On entendit une mouche voler. Nous ne parlions pas, mais je sentis que quelque chose avait changé. C'était comme si nous discutions. Aucun mot ne franchissait nos lèvres, mais j'avais l'impression que nous communiquions nos émotions. Il avait pitié de moi, voulait m'aider. Je lui en étais reconnaissant. Je lui transmis mon amertume, ma tristesse et ma colère. Je sentis sa sollicitude.

Était-ce ce genre de silence qui ponctuait si souvent les conversations de mes amis ? Ils devaient vraiment se sentir très proches.

Aelynn rompit cet instant hors du temps d'un ronflement sonore. Kor et moi échangeâmes un regard amusé.

« Il va avoir une sacrée gueule de bois, quand il va se réveiller, remarqua le nain.

- Il est bizarre, en ce moment. Tu sais ce qu'il a ?

- Mmh... j'ai ma petite idée. Mais c'est très vague.

- C'est quoi ?

- Je préfère éviter de te le dire, si ça ne te dérange pas.

- D'accord. »

Il y eut un nouveau silence.

« Quand est-ce qu'on va au monastère ? demandai-je.

- Cet après-midi.

- Et on se sépare là-bas ?

- Oui.

Je ne suis plus le même !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant