Unres, jour 5 : un cauchemar et un départ

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« Pars ! criait Luesha, furieuse, les larmes aux yeux. Pars, et ne reviens jamais ! »

Nous étions dans le village. Tout le monde nous regardait. Aelynn s'approcha et posa une main sur mon épaule.

« Justement, on va partir en caravane aujourd'hui.

- Quoi ? fit Luesha, attristée. Tu t'en vas ? Mais pourquoi ?

- Non, ne t'en va pas, insista Selerith en se levant et en époussetant le sang et la poussière qui le couvraient.

- Reste ici ! renchérit mon père derrière lui. Reste !

- Reste ! Reste ! Reste ! scandèrent-ils tous les trois, bientôt imités par l'ensemble des villageois. »

Derrière moi, mes trois compagnons me tirèrent par le bras et m'entraînèrent derrière eux.

« Viens, viens, viens, répétaient-ils, comme pour répondre aux villageois. »

Mon père, Selerith et Luesha m'agrippèrent l'autre bras.

« Reste ! Reste ! Reste !

- Viens ! Viens ! Viens ! »

Les mots s'imprimèrent comme une cruelle ritournelle dans mon cerveau. De chaque côté, les trois personnes se fondirent en une. Elles tiraient sur mes bras, si fort... j'avais mal. Je ne pourrais plus tenir longtemps.

Soudain, mon corps se déchira avec un bruit de papier arraché. Je n'eus pas mal, et je considérai mes deux moitiés avec le détachement d'un spectateur. Chaque groupe s'en alla avec un bout de moi. Ma conscience resta seule, au milieu de la place vide. Soudain, comme à retardement, je me sentis déchiré. La douleur se propagea du haut de mon crâne jusqu'à l'entrejambe.

Je hurlai.


Je hurlais. Je hurlais sans m'arrêter. Jusqu'à n'en plus pouvoir. Je ne m'arrêtai que quand mes poumons furent vides. C'est alors que je remarquai la confusion autour de moi.

Eddie essayait de se dépêtrer de son drap, tout en se bouchant les oreilles, tandis qu'Aelynn et Kor essayaient désespérément de me calmer.

« Daelam ! disait le nain. On est là, ne t'en fais pas.

- Tu as fait un cauchemar, disait l'elfe. Ça va aller, ajouta-t-il en posant une main sur mon épaule.

- Ne me touchez pas ! »

Je me dégageai avec un grand cri et me recroquevillai. Aelynn retira sa main. Quelqu'un frappa à la porte. L'elfe alla ouvrir. Une forte voix demanda :

« Que se passe-t-il ?

- Ce n'est rien, notre ami a fait un cauchemar. »

Quelques secondes plus tard, la porte se referma. Je sanglotai. Mes amis hésitaient toujours entre attendre que ça passe ou discuter avec moi. Je ne faisais rien pour les aider : roulé en boule dans un coin de mon lit, je refusais qu'on me touche et ne répondais pas quand on me parlait.

« Respire, me conseilla Aelynn. Respire. »

Je tentai de calmer ma respiration. C'était un cauchemar. Je n'étais pas déchiré. J'essayai de m'en convaincre, et j'y réussis au bout d'un moment, mais j'avais encore la curieuse impression que mon cœur était en deux morceaux. La gorge serrée, j'expirai longuement.

Inspire.

Expire.

Inspire.

Expire.

Je ne suis plus le même !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant