Les méandres de nos vies

5- Florentin

      Que fait-il là, assis sur ce muret à imaginer son existence ? Que fait-il là, à perdre stupidement ses années de jeunesse ?

Il plaisante avec ses potes et s'invente une vie de paillettes et de prestige.

Il se voit déjà guitariste ou chanteur à succès, adulé par les autres sur Insta ou Tik Tok, bientôt être reconnu dans la rue. Les feux des projecteurs semblent donner une tout autre lueur à son avenir. Cette lumière le rassure et lui donne un semblant d'espoir.

Il se voit réussir parce que personne n'a envie de rater. Il se voit jalousé par les autres. Il veut de l'argent, beaucoup d'argent, peut-être synonyme de bien-être et de bonheur.

Mais qui rêve à quinze ans d'être pauvre et démuni ?

Il a des projets plein la tête et il sait vanter ceux-ci pour impressionner sa bande de copains qui gobent tout rond ses propos théâtraux.

Florentin aime parler de lui, ou plutôt parler de ce qu'il pourrait devenir. Il trouve toujours les mots justes pour exprimer ses désirs les plus fous et faire croire aux autres qu'il a toutes les capacités de les réaliser. Lui, il y arrivera, c'est certain. Il est fait pour ça. 

Demain, il sera une star.

Mais que fait-il alors sur ce muret à cinq kilomètres dans son école ? Que fait-il là, à balancer ses baskets dans le vide et à fixer le ciel en rêvassant ? Florentin ne fait rien pour réussir, il passe beaucoup de temps à parler et raconter des histoires, mais il ne fait rien pour les concrétiser.

Il est si loin de la réalité et pourtant, il s'enfonce au fur et à mesure dans ses divagations insensées.

Que fait-il là, à traîner pendant les heures de cours ? Est-il à ce point supérieur aux autres pour pouvoir réussir sans étudier et sans être assidu aux cours. Ses camarades se donnent pourtant du mal et révisent sans relâche ?

Des efforts, il ne veut pas en faire, tout lui est dû, tout paraît couler de source. Il pense y accéder à cette vie dorée. Il croit aux miracles, il espère que le succès viendra frapper à sa porte alors qu'il n'étudie pas, qu'il n'écoute aucun conseil. Florentin ne sait même pas chanter ni jouer d'un instrument.

Non, il traîne dans la rue tout en ruminant ses beaux projets et il entraine malheureusement les autres à traîner avec lui. Il prône la loi du moindre effort et se sent au-dessus de tout, à cet instant précis.

Il dupe sa famille, ses proches, ses professeurs et parvient à faire ce qu'il veut sans avoir trop de problèmes. Il ment sur son emploi du temps, il baratine sur tout, il croit que c'est cela être libre et heureux. Mentir pour que personne ne se mêle de sa vie.

Mais les mensonges finiront par le rattraper.

Pour combien de temps encore cette double vie passera-t-elle inaperçue ? Il dupe si bien les autres ; mais quand réalisera-t-il qu'il se dupe lui-même en premier ?