S'abîmer dans son regard

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Toujours absorbée dans la contemplation de son adjoint, Candice ne vit pas que ce dernier avait posé son livre et l'observait lui aussi. Mille et une pensées lui venaient à l'esprit à ce moment-là et le moins que l'on puisse dire, c'est que ça n'avait rien de désagréable. Au contraire !

Elle s'attarda longtemps sur son visage pour en mémoriser chaque recoin. Tout d'abord, sur ses yeux en amande couleur émeraude. C'était l'une des choses qu'elle préférait chez lui. Elle se sentait vraiment toute chose quand il la regardait avec ses beaux yeux, tantôt charmeurs, tantôt rieurs. Rien qu'en un regard, elle arrivait à lire en lui, à puiser au plus profond son âme et savoir ainsi ce qu'il ressentait. Elle savait très bien que lui aussi arrivait à lire en elle, même si elle s'était blindée au fil des années. Mais avec Antoine, la carapace commençait à se fissurer...

Après ses yeux, elle s'attarda sur sa bouche. Ah sa bouche ! Encore une chose qu'elle aimait chez lui. Une bouche avec des lèvres pleines qu'elles devinaient douces et chaudes. Maintes fois, elle s'était imaginée sa bouche remonter le long de son cou afin de venir se nicher sur ses lèvres. Le plus souvent, cela se passait la nuit, bien à l'abris dans son lit. Mais cela pouvait aussi arriver la journée au commissariat ou autour d'un mojito. Et là, soudain, plus rien n'avait d'importance, uniquement ces lèvres charnues qui l'hypnotisaient. Outre leur beauté, ces lèvres avaient aussi le pouvoir de laisser passer des mots pour la titiller, des mots pour faire la faire rire et des mots pour la réconforter. Antoine, n'était pas qu'un physique, il émanait en lui en une véritable douceur (sous cette carapace de coureur de jupons) et une fidélité à toute épreuve. Et Candice avait véritablement besoin de ça en ce moment !

Enfin, elle s'attarda sur ses mains. Ses mains fines et longues mais qui avaient eu leur lot d'épreuves. Ici et là, elle découvrait des cicatrices ou des brulures. Plusieurs fois, elle l'avait interrogé sur leur provenance mais il restait encore vague à ce sujet. Il grommelait que c'était à cause de sa moto ou bien de son métier. Mais pas dupe, Candice savait qu'il lui cachait quelque chose... Alors elle faisait semblant de croire ce qu'il lui disait, attendant le moment propice aux confidences. Tout comme sa bouche, ses mains lui faisaient un effet incroyable. A chaque fois qu'il la frôlait de ses doigts, par inadvertance ou amicalement, elle sentait un courant électrique lui parcourir tout le corps et se nicher dans le bas de son ventre. Antoine, n'était pas très tactile, à sa différence à elle, c'est pourquoi chaque geste la chamboulait à ce point. Ils étaient rares mais puissants ! Elle se souviendrait encore longtemps de ce moment où il l'avait prise dans ses bras après une enquête bâclée de la BRI qui avait conduit à la mort d'un chef d'entreprise. A cet instant, croyant qu'il la détestait de toutes ses forces, il s'était avancé et l'avait entouré de ses bras. Elle pleurait à chaudes larmes les tirs mortels qu'elle n'avait pas pu empêcher. Et lui, d'un geste doux les avait essuyé avec ses pouces. Ce moment fut pour elle d'un réconfort incroyable, et un signe qu'elle était en sécurité avec lui. Même si tout n'avait pas été rose entre eux après ça, un lien s'était créé.

Elle fit donc un bond de 3 m de haut quand elle entendit son prénom. Antoine se tenait là, dans l'entrebâillement de la porte d'entrée, les yeux fixés sur Candice.

« Hey Candice ! Ca va ? demanda Antoine.

- Oui, oui, très bien pourquoi ? l'interrogea Candice.

- Je ne sais pas, tu étais dans tes pensées comme absorbée. Si je ne te connaissais pas, je dirais que tu me reluquais. Même si j'adore cette idée, je penche plutôt vers ta nouvelle enquête. Tu veux en parler ? Joël Dicker commence à me lasser, j'ai déjà trouvé le coupable...

- Non, non je ne veux pas t'embêter avec ça, tu es en arrêt je te rappelle ! répondit Candice tout en songeant que cet homme, en plus d'avoir un physique d'Apollon était également érudit. Il lui avait souvent dit que pour que son enfance compliquée passe plus vite, il s'était réfugié dans la lecture et le dessin. Ainsi, dès le plus jeune âge, il avait lu les œuvres les plus célèbres de Camus, Zola, Sartre ou Agatha Christie. Mais ce qui était bien avec lui, c'est qu'il avait aussi une culture populaire et appréciait également les auteurs comme Musso, Bussi ou Lévy. Auteurs avec qui il pouvait plus facilement échanger avec Candice.

- Allez viens, on t'as laissé à manger dans le frigo. Tu m'expliqueras tout ça devant ta pizza ! sourit Antoine en la prenant par l'épaule afin de la diriger vers la table du salon.

- Oh merci c'est super sympa ! C'est vrai qu'après cette journée de fou, manger me ferait du bien. Avec Christelle, on a juste avalé un café. Avec le départ de JB et ton arrêt, on ne chôme pas...

- Oui, c'est vrai... Attia va sûrement vous envoyer du renfort ! Elle tient à taux d'élucidations !

- ...ou confier l'enquête à la PJ de Montpellier...

- Je ne suis peut-être pas physiquement apte, mais je peux toujours t'aider en sous-marin tu sais...

- Non Antoine, ce n'est pas une bonne idée, tu dois te reposer !

- Candice ! Écoute, je te dis que ça va ! Et ça me fera une distraction...

- Et bien, si la vision d'un cadavre aux yeux crevés découvert dans un cinéma t'excites, avec plaisir alors.

- Hein ?? Comment ça les yeux crevés ? s'étonna vivement Antoine.

- Oui, Christelle va en faire des cauchemars cette nuit à coup sûr ! La jeune femme qu'on a retrouvé avait du sang tout autour des yeux et à l'intérieur plus rien. Le néant... expliqua Candice en s'asseyant.

- Un vrai film d'horreur ton enquête en fait !

- Oui tu l'as dit ... J'ai le cœur bien accroché d'habitude, et je ne voulais pas défaillir devant Aline et Christelle, mais j'ai bien cru que j'allais vomir !

- Ca me fait penser à un mythe de la mythologie grecque tout ça... Œdipe qui s'est crevé les yeux après avoir découvert que sa femme était sa mère, expliqua Antoine.

- Bah on va revenir à ta théorie des films d'horreur car la victime était mariée à une femme et elle n'avait pas l'âge d'être sa mère !

- Ha ha j'espère bien !

- Et sinon, ça s'est passé comment avec les enfants ?

- Bien ! Tu as des mômes vraiment attachants. Emma a pris le lead de la soirée et était aux petits soins pour moi. Je n'ai eu qu'à me mettre les pieds sous la table ! Et j'ai promis une partie de rugby aux jumeaux quand j'irai mieux, sourit Antoine.

- Mais Antoine Dumas, qu'avez-vous fait de ma fille ? Donnez-moi votre secret, vite ! se moqua Candice.

- Je ne sais pas moi... Sûrement mon charme légendaire ! rigola Antoine. Cependant, il agit plus avec la fille qu'avec la mère...

- Hééé t'es gonflé ! Qui t'as laissé sa chambre et dort dans un lit UNE place ? riposta Candice.

- Oui, c'est pas faux si on voit les choses comme ça ! rigola Antoine

- J'aime mieux ça oui ! Au passage, je l'ai fait par pure bonté d'âme hein ! Il faut savoir aider son prochain et le sauver des griffes de sa môôôôman maléfique.

- Ma mère, j'aurais supporté, bon avec de bons cachets assommants, mais la maison de repos non ! Voir des malades et être dans un environnement hospitalier toute la journée, ça me fout le bourdon rien que d'en parler !

- Pauvre chou ! Ma bonté d'âme a également sauvé les infermières du burn out ou des peines de cœur, au choix ! se moqua Candice.

- Très drôle ! Quoiqu'il en soit, je suis bien mieux ici ! Encore merci Candice pour ton hospitalité. Et tu sais, tu peux récupérer ta chambre hein !

- Ha oui et comment ? Tu ne peux pas monter les escaliers je te rappelle !

- Bah on tient bien à deux dans ta chambre... »

Et soudain, Candice sentit ses joues prendre une couleur cramoisie et avoir très chaud. Un filet de sueur coula le long de sa colonne vertébrale. Avait-elle bien entendu ou était-ce un mirage ? Il faut dire qu'elle avait beaucoup pensé à lui ces derniers temps, son esprit lui jouait peut être des tours ! 

Mur(s) porteur(s)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant