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Des éclats de voix mirent fin à l'escapade de Slavko chez Morphée. La joue collée contre l'accoudoir du canapé, il émergea difficilement de son sommeil comateux. Pour la énième fois, il ne reconnut pas son appartement. Pourquoi se réveillait-il dans un taudis ? Les picotements dans son crâne s'estompèrent peu à peu et il se souvint qu'il vivait ici depuis trois ans. Charmant.

D'un soupir résigné, il se massa les tempes, espérant ainsi effacer la douleur qui pointait le bout de son nez. Une prise trop importante de Sérénité Céleste lui laissait l'impression que son cerveau avait servi de punching ball à une armée de Guards. 

Quand il remarqua que la nuit n'était pas encore tombée, il se demanda ce qui l'avait réveillé. Un coup dans le mur et quelques cris plus tard, il comprit que ses voisins n'y étaient pas pour rien. Sa voisine, pour être exact. Mona devait être avec un client, même si elle se reposait généralement en journée. Ne voulant pas savoir si c'étaient des cris de plaisir ou de protestations, Slavko quitta rapidement son canapé.

Il se dirigea vers la pile de vêtements qui jonchaient le sol et farfouilla à la recherche d'un pantalon. Son bonheur trouvé, il se mit en quête de la suite de sa tenue. Il fourra le tout dans son sac à dos avant de verrouiller ce dernier à l'aide d'un code. Il avait refusé le verrouillage digital, certains malades étaient capables de couper des doigts pour des chaussettes sales. 

La plomberie n'étant toujours pas réparée, il garda la même tenue sur lui que la veille, ignorant l'odeur de transpiration évidente. Son sac de rechange prêt, il trouva sa veste en boule par terre, composée de circuits mécontents de leurs sorts. Le crépitement du blouson lui arracha une grimace, réveillant au passage sa migraine. Enfin équipé, il sortit de son appartement en traînant des pieds, l'esprit encore trop vaseux pour être totalement réveillé. Sans y prêter attention, il claqua violemment la porte derrière lui. Le bruit ricocha contre les murs. Slavko n'entendit que le silence qui régnait dans le couloir. Mona s'était tue.

Aveuglé par le soleil, Slavko rabattit la capuche de son blouson sur sa tête. Sa main effleura la zone derrière son oreille gauche et ses doigts pianotèrent sur un écran dissimulé. L'instant d'après, le tissu projeta un filtre protecteur au niveau de ses yeux. Il n'aimait pas s'en servir en public, encore moins en plein jour, mais il avait l'impression que son crâne allait exploser. Quelques envieux le regardèrent passer, leurs mauvaises intentions peintes sur leur visage. Peu importe, ils ne le suivraient pas là où il allait. Son frigo était vide et son ventre aussi. Il devait absolument faire quelques courses, autrement dit : direction le marché noir.

Slavko emprunta un dédale de marches qui menait aux sous-sols de la ville. Lorsque la crise de pollution s'était manifestée à Néo-City, le gouvernement avait envisagé toutes les possibilités. L'une d'elles, avait été de vivre sous terre le temps que l'air soit plus respirable. Finalement, les politiciens avaient branché leurs neurones et ils avaient réalisé qu'une existence souterraine n'était pas la meilleure des options. 

Les travaux des galeries avaient été suspendus, mais les infrastructures n'avaient pas été retirées. Plusieurs milliers de kilomètres de souterrains s'étendaient sous Néo-City, sans être reliés, leurs accès situés à différents endroits de la carte. L'un de ces tunnels se trouvait à la Frontière et Slavko se dirigeait actuellement vers son entrée. Ce tunnel-ci avait été décisif dans le passé. C'était en creusant ce dernier que l'État s'était rendu compte de l'étendue de la pollution. La terre avait absorbé toute la nocivité de l'air, peu importe la profondeur de leurs crevasses. Sans parler de la pluie qui n'arrangeait rien et contaminait les nappes phréatiques. 

La Résistance avait choisi cette cavité comme bastion de guerre, mais aussi de commerce. Ils faisaient en sorte que certains produits introuvables y apparaissaient, même si lesdits produits étaient illégaux. Les prix y étaient plus bas, aussi, ce qui n'était pas négligeable. Slavko faisait toutes ses emplettes là-bas, même s'il n'était pas enchanté à l'idée de se retrouver mêlé à la foule. Encore moins lorsqu'elle se trouvait sous terre. 

𝕃'𝔼ℂ𝕃𝔸𝕋 𝔻𝔼𝕊 𝕆𝕄𝔹ℝ𝔼𝕊Où les histoires vivent. Découvrez maintenant