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Après plusieurs heures de repos bien mérité, Slavko fut réveillé par la voix de l'assistant personnel de Becca. Bonne mécanicienne, elle l'avait entièrement retapé. Celui de Slavko faisait pâle figure à côté du sien. Il ouvrit grand les yeux, comme s'il entendrait mieux la discussion ainsi.

— ... Sonnette à l'entrée. Je répète : deux personnes ont requis vos services via la sonnette à l'entrée, brailla l'automate d'une voix désarticulée.

La porte sécurisée, celle que Becca avait ouverte à l'entrée du tunnel, possédait un système d'appel. Cela permettait à ses employés de la contacter en cas d'urgence. En toute franchise, peu se risquait à la déranger pendant ses séances de couture. Mais le bouton restait utilisable à chaque instant. Becca reposa les câbles électroniques qu'elle avait entre ses mains. Dans un geste calme, elle releva les lunettes réglables qui étaient posées sur ses yeux.

— Montre-moi.

L'assistant personnel s'exécuta. Slavko dut se pencher en avant pour voir l'image de loin. La silhouette de deux hommes apparut à l'écran. Vu leur allure, ce n'étaient pas des employés du bar. Sans que Becca ait besoin de lui demander, Slavko se leva immédiatement de son fauteuil. D'un pas rapide, il se dirigea vers l'arrière-salle. Même si Becca était son amie, il préférait se tenir loin des affaires de la Résistance. Tant bien que mal, il se glissa dans la fente d'un cagibi mal éclairé. Un fil d'électrotissus lui piqua la cuisse. Agacé, il fut obligé d'enrouler la bobine poussiéreuse loin de lui. Heureusement, la voix de Becca lui parvenait toujours.

— J'autorise le déverrouillage de la porte d'entrée, dit-elle très calmement.

L'hologramme analysa les commandes vocales qui venaient de lui être transmises. Un bip de validation retentit dans la pièce. Slavko avait oublié que son assistant personnel était tout aussi sécurisé que le reste de l'établissement. La projection réagissait uniquement à la voix de Becca, ce qui était à double tranchant : aucun voleur ne pourrait le faire marcher à moins d'user de torture. En penchant la tête légèrement sur la droite, Slavko réussissait à discerner l'entrée de la pièce sans être vu. Il vit Becca retirer son tablier connecté et jeter un furtif coup d'œil dans sa direction. Slavko fronça les sourcils. Ils avaient déjà réalisé ce petit manège plus d'une fois, alors pourquoi semblait-elle aussi anxieuse ? 

Les deux hommes ne mirent pas longtemps à passer la porte. Ils étaient différents des autres résistants que Slavko avait pu voir. Ceux-là dégageaient quelque chose de malsain. Leur façon de se déplacer dans la pièce donnait l'impression qu'elle leur appartenait. Slavko eût un mauvais pressentiment. Ces hommes n'étaient pas de simples soldats, ils appartenaient aux hauts gradés. Ou peut-être même qu'ils dirigeaient ces hauts gradés. 

Le borgne possédait une musculature curieuse, à moitié dissimulée par la cape qu'il portait. Son compagnon quant à lui était l'archétype du garde du corps. Soudain, Slavko se figea sur place. Le cyclope avait braqué son œil valide vers sa cachette. Il se passa un étrange moment où Slavko eût l'impression d'être sondé, analysé, mis à nu, alors même qu'il n'était pas visible. Ces quelques secondes de tension furent interrompues par la silhouette de Becca.  Elle rompit ce contact visuel inexistant et se plaça devant le cagibi. Slavko ne distinguait plus que le dos fourbu de la patronne.

— J'peux savoir pourquoi vous passez à l'improviste ? demanda Becca, sur ses gardes.

D'apparence fermée, elle ne se laissait pas impressionner par le manège des deux hommes. Sa question posée, elle se planta devant eux, les bras croisés et se tint bien droite, l'air de dire : « N'oubliez pas que vous êtes ici chez moi ». Pourtant, Slavko remarqua un léger tremblement dans ses épaules. Son instinct ne lui avait pas fait défaut. Ces gars-là n'étaient pas de simples livreurs. Il entendit le pas agile du borgne se détourner de sa cachette et se diriger vers le caisson de fabrication. 

𝕃'𝔼ℂ𝕃𝔸𝕋 𝔻𝔼𝕊 𝕆𝕄𝔹ℝ𝔼𝕊Où les histoires vivent. Découvrez maintenant