Le rythme cardiaque de Slavko augmenta subitement. L'effroi pulsait dans ses veines à une vitesse folle. Sous ses yeux, le Corbour remuait étrangement. Comment une telle ignominie pouvait-elle exister ? Cette chose ne pouvait pas être réelle, non, elle ne l'était pas. La rationalité de Slavko tentait de prendre le dessus dans son esprit, comme toujours. Mais cette fois-ci était différente. Il n'avait plus le contrôle et, en toute franchise, il détestait ça. Bien sûr, il avait déjà eu peur auparavant. Peur de mourir, peur de souffrir, peur du vide. Mais la peur qu'il ressentait actuellement était incomparable. Elle martelait ses tripes à grand coup d'épouvante et lui donnait l'impression d'avoir l'estomac dans les talons.
Heureusement pour lui, le Corbour n'avait remarqué ni sa présence, ni ses états d'âme. Sa tête difforme pivotait d'un angle à un autre, comme le ferait celle d'un oiseau de l'ancien temps. Plusieurs fois, Slavko dû cligner des yeux tant les contours de la créature lui parurent flous. Les lignes de son corps semblaient se fondre dans l'air avant de se former à nouveau dans cette masse noire. En revanche, les câbles contenant les morceaux humains étaient d'une netteté troublante. C'étaient eux qui avaient mis la puce à l'oreille de Slavko concernant le Corbour. Lui qui s'était tant de fois moqué des frontaliers, il se prenait un retour de flamme d'une violence sans nom.
Ce n'était pas tant les restes humains qui le perturbaient, non. C'était le fait que ce genre de créatures puissent exister. Quelles autres légendes étaient vraies ? Sur quel autre élément s'était-il voilé la face ? Le voilà qui remettait toute sa vie en question. Plus les secondes s'écoulaient et plus la créature remuait follement. Qu'essayait-elle de faire ? Slavko glissa sa main droite, moite et crispée, sur la lame habituellement accrochée à sa cuisse. Il n'y trouva que le tissu sale de son pantalon.
Pendant un instant, il avait oublié qui il était. Slavko, le Collecteur de déchets toxiques, celui qui avait l'interdiction d'arriver en retard ou de posséder une quelconque arme. Il n'était plus ce privilégié, cette machine de guerre qui outrepassait les lois sans en subir les conséquences. Il pesta en son for intérieur. Chienne de vie.
Malgré l'effroi qui lui tordait les tripes, son esprit avait été façonné de sorte à ce qu'il réagisse. Déjà, ses yeux scrutaient les alentours à la recherche d'outils dont il pourrait se servir pour se défendre. Son cerveau calculait la hauteur de sa cachette, le temps qu'il mettrait à atteindre le premier point de sortie, la force dont il disposait pour contrer une attaque frontale. Mais les informations se brouillaient dans son esprit, divaguant au rythme de sa peur. Bon sang que lui arrivait-il ?
Le Corbour remua dans tous les sens. Ses membres, aussi flous soient-ils, fouettaient l'air dans un ballet macabre. Sa nuque se contorsionna d'une façon disgracieuse vers le plafond de la fonderie. Une gigantesque gueule s'ouvrit, dévoilant au passage une rangée de dents noircies. Et brusquement il s'immobilisa. Slavko retint son souffle. Le silence qui s'en suivit devint assourdissant. Le temps semblait s'être arrêté. Puis plus rien.
Slavko n'eût plus peur. Ses muscles se détendirent, sa respiration devint régulière et son estomac se dénoua. La terreur quitta instantanément son corps, le laissant en proie à une grande confusion. Désorienté, il sursauta lorsqu'une voix émergea des entrailles du Corbour.
— Maudite combinaison ! cria la voix, mécontente.
Un homme -tout ce qu'il y avait de plus normal- se fraya un chemin entre les crocs de la bête. Il était trempé de sueur et sa mauvaise humeur se lisait sur son visage.
— ... Pas fichus de faire fonctionner quoi que ce soit dans ce trou perdu.
Un bras, puis un buste, jaillit de la gueule béante du Corbour. Ce dernier ne ressemblait plus qu'à un amas de tissus et de fils sans intérêts. Où était passée la silhouette vaporeuse de tout à l'heure ? L'odeur fétide ? La fumée ? L'homme vêtu de blanc débrancha des connexions cybernétiques entre lui et le Corbour. A y regarder de plus près, la créature était complètement inanimée. Existait-elle seulement ?
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𝕃'𝔼ℂ𝕃𝔸𝕋 𝔻𝔼𝕊 𝕆𝕄𝔹ℝ𝔼𝕊
Ciencia Ficción𝕋 𝔼 ℝ ℝ 𝔼 𒈝 𝟛 𝟘 𝟙 𝟚 En l'an 3012, la Terre n'est plus que l'ombre d'elle-même, épuisée par des siècles de surexploitation et de négligence environnementale. La famine, les radiations et le chaos ont rongé la surface du globe. Pourtant, ce fu...