Chapitre 2 - Sofia

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À 15h pile, Monsieur Demerlot et moi prenons place dans sa salle de conférence. Les sièges ont été organisés autour d'un terre-plein central comme un ring de boxe. On se croirait dans un showcase américain. La foule afflue et bientôt tous les sièges sont occupés, obligeant les badins à rester débout. Une musique électro se fait entendre et un animateur monte sur l'estrade, le micro à la main.

« Ladies et gentleman, welcome to this conference on the theme of "The event industry and VR technology". Please welcome Gabriel Carter from LuxuryEvent ..."

Les applaudissements se font entendre et un jeu de lumière éblouissant se projette sur la scène. Un homme grand et svelte rejoint le présentateur, il lui serre la main, réajuste sa cravate et scrute l'assistance qui continue à applaudir.

— Monsieur Carter, c'est un honneur pour nous de vous accueillir sur ce salon. Nous avons hâte de vous entendre discourir sur ce sujet innovant qui mérite toute notre attention. Je vous passe le micro, la scène est à vous.

De nouveau, des applaudissements retentissent. On a l'impression d'accueillir une star internationale. Je ne connais pas cet homme, mais à étendre l'ovation du public il doit être important et très apprécié.

Une voix rauque et suave se présente et remercie le public de sa présence. Je me redresse sur ma chaise, portant soudain toute mon attention sur cet homme debout face à moi. Les rétroprojecteurs le fixent d'un faisceau blanc alors qu'il nous tourne le dos. Son attitude semble décontractée, mais maitrisée. Il a une main dans la poche de son costume qui, même à cette distance, respire le luxe. Je l'observe. Sa carrure est mince, mais athlétique, ses cheveux sont un peu longs et décoiffés. Il se déplace au fur et à mesure du déroulé de son discours pour capter l'attention de tout son auditoire. 

Je remarque alors deux jeunes femmes blondes assises à ma gauche qui ne cachent rien de leur intérêt pour Monsieur Carter. Bien droites, sur leur siège, elles laissent apparaitre leur décolleté plongeant et leurs cuisses bronzées et musclées, leur positon est équivoque, mais ne semblent absolument pas attirer l'attention de l'homme en question.

Il opère un 360° et je découvre enfin son visage. C'est un bel homme, je ne peux pas le nier.

Après quarante-cinq minutes à l'écouter parler de réalité virtuelle et augmentée dans l'événementiel, Monsieur Demerlot se lève et m'invite à le suivre :

— Venez, Sofia, je vais vous présenter Gabriel.

— Vous le connaissez ?

— Bien sûr ! Qui ne le connait pas ? s'étonne mon patron.

— Moi !

— Enfin Sofia, c'est le fils de Robert Bruni-Carter

Je remets soudain tout dans l'ordre. LuxuryEvent me disait bien quelque chose, cette société m'avait fait de l'œil à la sortie de mes études, il y a cinq ans, mais j'avais refusé leur proposition, le salaire était bien trop bas pour le travail qui y était demandé. 

Le patron de l'époque était réputé plutôt vieille France, pas du tout ouvert aux nouvelles technologies. Visiblement LuxuryEvent avait retravaillé sa ligne marketing au vu du sujet de la conférence à laquelle je venais d'insister. J'avais aussi entendu la rumeur qui disait qu'un nouveau patron avait repris les rênes : un jeune cadre dynamique et tyrannique qui ne pensait que profit et gros contrat.

Lorsque Gabriel Carter me serre la main, ses yeux bruns plongent dans les miens de manière si intense que je sens immédiatement une chaleur me rosir les joues. Déroutée par cette sensation absolument non professionnelle, je lui lâche promptement la main.

— Charles, comment allez-vous ? Je suis heureux de vous voir ici, lance le jeune chef d'entreprise.

— C'est moi qui suis heureux Gabriel. Votre présentation était excellente. Nous avons tous bu vos paroles. N'est-ce pas Sofia ?

Je me contente d'opiner de la tête dans un sourire forcé qui ne peut tromper personne.

— Et comment va votre père ?

— Il va très bien, il est en ce moment même à Monaco pour préparer le prochain jubilé.

— Il ne s'arrêtera donc jamais de travailler ! s'esclaffe monsieur Demerlot.

— Vous le connaissez aussi bien que moi Charles.

— Oh que oui et j'ai l'impression que c'est de famille, lui réponds mon patron en lui faisant une tape amicale sur l'épaule.

Je n'en reviens pas, comment monsieur Demerlot connait la famille Bruni-Carter et surtout semble si proche d'elle. 

Alors qu'ils continuent à échanger sur des futilités, mon patron reçoit une appel et prend congé en me laissant seul avec Gabriel Carter.

— Et vous Mademoiselle Merino, quel est votre dernier fait d'armes ?

— Vous souhaitez que je vous déroule mon curriculum vitae ?

Ce n'est pas dans mon habitude d'être si agressive, surtout face à un professionnel du secteur, mais mon cerveau s'était mis en mode défense. Tous mes signaux d'alerte étaient au rouge : quelque chose clochait dans l'attitude impertinente de cet homme.

— Pourquoi pas, je serai ravi d'en savoir plus sur vous !

Un sourire charmeur et charmant se dessine sur ses lèvres parfaites et je tente de me ressaisir tant bien que mal. 

L'expression « beau comme un diable » venait de prendre tout son sens.

— Peut-être une autre fois alors. Je dois retourner sur notre stand pour accueillir nos clients. Veuillez m'excuser.

Et sur ces mots je m'éloigne à grands pas sans me retourner.

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