chapitre vingt

18 4 23
                                    






Evan



      Il se sentait ridicule. Evan n'avait jamais eu de béguin aussi puissant depuis ses douze ans. Il ne contrôlait plus rien. Il rigolait trop fort, rougissait pour rien, bégayait à la moindre phrase. Il pensait devenir fou. La veille, James l'avait frôlé pour remettre un livre à la bonne place et il s'était senti frissonner de la tête aux pieds. Chaque fois qu'il l'embrassait, ses jambes se dérobaient sous son poids. A chaque sourire échangé, son cœur entamait une danse endiablée avec lui-même.
Ils s'étaient revus plusieurs fois pour des "rencards" comme les appelaient sa mère. Il revenait chaque fois avec un nouveau bouquet.

Ils aimaient les journées calmes à la boutique. Enfin, il était compliqué d'avoir une journée autre que calme. Evan n'avait jamais eu de petit boulot aussi tranquille. Les quelques clients étaient des réguliers, ce qui signifiaient qu'ils venaient toujours aux mêmes heures prendre toujours les mêmes choses. Quel bonheur était ce train train régulier pour se faufiler dans l'arrière boutique avec l'homme qui faisait chavirer son cœur pour lui voler un baiser ou deux... ou dix.

« Le rouge te va très, très bien, sourit James ;
- Tu trouves ?
- Oh oui. Même si t'es beau tout le temps.
- Tu sais je pense que t'as plus besoin de me draguer, tu m'as déjà dans la poche.
- Pardon ? T'as vu la concurrence que j'ai ? La vieille Marjory voulait pas te lâcher ce matin.
- Oh, monsieur est jaloux ?, sourit à son tour le blond ;
- Énormément. »

Evan ne put s'empêcher de l'embrasser de nouveau. Leur moment de complicité fut interrompu par le son de la cloche au-dessus de la porte.

« Oula, il est quelle heure ? Normalement le gros barbu ne passe qu'en fin de journée, souffla son amoureux ;
- Je vais aller voir, se sacrifia Evan ;
- Cool, merci. J'arrive vite à ta rescousse, je me refais juste présentable.
- T'es toujours présentable.
- On sait jamais, peut-être que l'homme de ma vie m'attend dehors. »

Le blond fronça faussement les sourcils alors que James lui tirait la langue d'un air malicieux. Il se dirigea d'un pas lent vers l'entrée de la librairie, peiné d'abandonner si vite ce moment. Quelle ne fut pas sa surprise de voir son meilleur ami, grand sourire aux lèvres, bras enveloppé autour des épaules de sa demi-sœur.




      Il observa du coin de l'œil son petit-ami ? Compagnon de bisous ? s'éloigner avec Anastasia, le laissant seul avec William.

« Comment elle va ?, lui demanda-t-il presque aussitôt ;
- Mieux, je crois. Je pense que sortir de votre immense maison lui fait du bien, répondit le rouquin ;
- Bon. Cool. Elle a l'air un peu plus heureuse à tes côtés.
- J'espère. Je l'aime vraiment bien alors ça me ferait vachement chier si c'était pas réciproque. »

Son ami de toujours se hissa sur le comptoir, jambes à quelques dizaines de centimètres du sol.

« Will amoureux ? Ça fait longtemps que j'ai pas vu ça !
- Oh chut. Tu peux parler. Penses pas que j'ai pas vu comment tu regardes ton copain.
- C'est pas mon copain, enfin pas encore. Pas officiellement quoi. Mais oui je l'aime bien, et j'ai pas honte de l'avouer. »

William lui ébouriffa les cheveux. C'était quelque chose qu'il avait toujours fait. Il avait toujours été le plus grand des deux, d'un ou deux pauvres centimètres selon le blond, et avait pris cette mauvaise habitude dès très jeunes.

« Sinon, hum, sur une note moins cool. Luke m'a dit que tu répondais plus à ses messages ?
- Oh. Il t'a dit ça ?
- Oui.
- Oh.
- Oui, oh. De ce que j'ai compris ça dure depuis la rentrée. Qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi tu m'as pas dit que quelque chose n'allait pas entre vous deux ? Il a fait de la merde ?
- Non ! Non, non. Il a rien fait. Pour le coup, je pense que c'est moi qui ai mal géré. »

Un silence pesant les enveloppa doucement. Evan fuyait tant bien que mal le regard inquisiteur de son meilleur ami. Il ne lui avait jamais réellement parlé de son attirance pour leur ami commun. Encore moins de tous ses rêves que le sentiment soit réciproque.

« Qu'est-ce que t'as fait ?
- Wow, rien de grave. J'ai juste, hum. J'ai eu un petit, gros crush sur lui. Pendant plusieurs, hum, années. Et cet été j'ai mal interprété certains signe et depuis j'ai peur de lui parler. »

Il osa finalement affronter les yeux verts de William remplis de préoccupation.

« Cet été ? Mais il, enfin c'est quand il a-
- Je sais, crois moi que je sais très bien.
- Mais tu lui as dit ? Ce que tu ressens ?
- Ressentais. Et non, oula non. Jamais. T'imagines si je lui avais dit. Ça aurait tout ruiné entre nous trois, marmonna le blond ;
- T'as pas l'impression que les choses sont quand même assez ruinées ? »

Evan laissa son visage tomba dans ses mains. Il aurait dû se douter que sa propre honte affecterait l'homme face à lui. Il sentit la main calleuse de son ami se poser sur son épaule.

« Eh, je veux pas t'accabler. Ça a juste dû le peiner pas mal. Tu penses pas qu'il serait temps que t'ailles lui expliquer pourquoi t'as soudainement arrêté de lui parler ?
- Oui, oui. T'as raison. J'ai juste tellement honte. Et plus le temps passe et plus j'ai peur. Tu penses qu'il me déteste ?
- Te détester ? Evan on se connaît depuis la maternelle, évidemment qu'il te déteste pas. Il comprend juste pas.
- T'as raison c'est stupide, je suis stupide. Vous avez cours ensemble demain ? Je travaille pas. Je pourrais venir avec toi à la fac ?
- Parfait ! Très bonne idée ! »

Il entendit le rire de James au loin, mêlé aux paroles incompréhensibles d'Ana.

« Et, tu sais, je suis pas si sûr que tu te sois fait tant de films que ça cet été, finit par dire William. »

Evan n'eut pas le temps de poser la question qui lui brûlait les lèvres. Le duo revenait tout sourire, une pile de livres tenant fébrilement en équilibre dans les bras de la brune.

Il n'arrêtait pas d'y penser. En tendant à Anastasia son sac, il pensait aux mots de William. En nettoyant le magasin avant la fermeture, ils se remémoraient chaque interaction qu'il avait pu avoir avec Luke l'été dernier. En embrassant James pour lui dire au revoir, le visage de son ami de toujours le hantait derrière ses paupières. Quelle horrible chose à dire maintenant, William n'aurait pas pu choisir pire moment.

La réussite des astresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant