chapitre neuf

15 2 9
                                    





Anastasia


      Après deux semaines de cours, Anastasia commençait à trouver un rythme. Elle prenait chaque matin le bus de sept heure douze, retrouvait Alisson devant le bâtiment principal avec un chocolat chaud à la main, passait sa journée de cours aussi tranquillement que possible puis faisait le chemin retour avec William. Il la raccompagnait jusqu'à la porte d'entrée, qu'il pleuve, qu'il vente ou que le soleil brille de mille feux.
Une fois encore, ils discutaient sur le pas de la porte, retissants à se quitter. La porte s'ouvrît soudainement, déséquilibrant Anastasia.

« Oh Ana ! Pardon, je suis désolée ma chérie. Tu vas bien ?, s'excusa Eleanor en la rattrapant tant bien que mal ;
- Oui, oui. Tout va bien, ne t'en fais pas.
- On ne la déstabilise pas comme ça la Ana, remarqua William. »

Le regard d'Eleanor se posa sur le jeune roux face à elle. Un léger sourire naquit sur ses lèvres.

« Oh, Willie ! Comment tu vas mon grand ?, demanda-t-elle en lui embrassant tendrement la joue. Ça fait longtemps que vous vous connaissez tous les deux ? Tu veux rester dîner ?
- J'en serai ravi, répondit-il en jetant un coup d'œil à Ana. »

Cette dernière triturait son pendentif, perdue dans ses pensées. Elle appréhendait déjà les questions intrusives de sa belle-mère. Elle l'aimait beaucoup, mais elle avait rapidement appris qu'elle possédait une curiosité très aiguisée.

Elle suivit Eleanor et William dans le salon, écoutant d'une oreille leur conversation animée. Elle se laissa tomber sur le canapé à côté de son père qui semblait plongé dans un roman policier.

« Coucou, mon croissant de lune. Belle journée ?
- Fatiguante.
- Les joies de l'université. »

Elle rit doucement.

« Evan n'est pas là ?, entendit-elle Will demander ;
- Il ne devrait pas tarder à rentrer, répondit Eleanor. Tu veux quelque chose à boire ?
- Bouge pas, je vais aller me servir. »

La porte d'entrée s'ouvrît alors qu'il pénétrait dans la cuisine. Anastasia observa Evan traverser le salon et montrer rapidement les escaliers sans leur prêter la moindre attention. Elle entendit sa porte claquer, la faisant légèrement sursauter.
William revint quatre verres dans une main et une carafe d'eau dans l'autre.

« Il a pas l'air dans son assiette le blondinet, rit-il en reprenant sa place face à Ana ;
- Les joies du monde du travail, souffla Christian ;
- Ça donne envie.
- C'est pas pour rien que j'ai fait un burn out au début de ma trentaine.
- Vous me vendez du rêve, Christian.
- Olala tutoies moi, j'ai l'impression d'être un dinosaure sinon. »

Will lui offrit un petit sourire avant que son attention ne se reporte sur Ana. Cette dernière l'observait déjà.



Leur jeu de regard silencieux continua jusqu'au repas. William assis face à elle, il ne cessait de l'observer du coin de l'œil, remarquant la légère coloration sur ses joues bien malgré elle.
Evan tira brutalement la chaise en bout de table, rompant le semblant de tension ambiante.

« Evan ! Je pensais pas te voir ce soir, s'exclama William ;
- Désolé de t'avoir fait attendre, je me faisais beau rien que pour toi, répondit l'intéressé. »

Anastasia rit doucement devant l'échange, ne manquant cependant pas les mains crispées de son demi-frère.

« Et qu'est-ce que tu fais là, d'ailleurs ?, demanda le blond en se servant des carottes. Je pensais qu'on se voyait ce week-end.
- Figure toi qu'il raccompagnait Ana de la fac ! Je l'ai trouvé sur le pas de la porte en allant chercher le courrier. C'est pas rigolo ?, sourit Eleanor ;
- Très rigolo oui. »

Aux paroles de sa mère, Evan avait brièvement posé son regard sur la brune. Elle n'avait su déceler l'émotion qu'il renfermait.

« J'en ai fait mon devoir de la ramener à bon port tous les soirs, qui sait ce qui pourrait arriver à une si jolie fille si elle était seule, intervint le rouquin ;
- Olala oui, t'as raison Willie. Le nombre d'affaires sordides que je lis dans les faits divers tous les jours.
- Tututut, plus de ça à table. Encore un mot et j'enferme Ana à triple tour pour toujours !, grimaça Christian ;
- Je suis une grande fille papa tu sais, répondit cette dernière ;
- Et le boulot alors ? Pas trop dur ?, demanda son père à Evan. »

Anastasia soupira bruyamment. Son père lui tira la langue avec un clin d'œil.

« Ça va. On a pas grand monde tu sais et les seuls clients qu'on a vienne avec une idée très précise en tête. J'ai passé ma journée à faire de l'inventaire.
- Luke m'a dit qu'il allait passer, remarqua William ;
- Je ne l'ai pas vu, répondit assez sèchement Evan. »

Alors que Christian et Eleanor continuaient à l'interroger sur sa journée, Ana réalisa qu'elle ne savait même pas qu'il avait trouvé du travail, encore moins où. Elle comprit soudainement qu'elle n'avait pas une seule seconde prêté attention à ce qui avait pu se passer autour d'elle ces deux dernières semaines. Sa routine l'avait consumée toute entière, la coupant partiellement du monde. Elle n'avait ni passé de temps avec Eleanor, ni aidé son père à finir sa dernière chanson. Elle n'avait surtout aucune idée de comment pouvait se porter Evan. Alors que leur relation commençait doucement à naître, il avait fallu qu'elle la fasse revenir au point de départ.
Ses yeux scannèrent le visage du blond, plongé dans sa conversation. Il semblait fatigué et presque tendu. Elle remarqua ses ongles rongés et les cernes sous ses yeux. Il parut sentir son regard car il se tourna soudain vers elle, les yeux emplis d'une interrogation lointaine. Anastasia se contenta de lui offrir un timide sourire auquel il ne répondit pas. Bon. Quelque chose clochait et tous les signes pointaient vers elle.

« Ça veut dire que tu connais aussi la nouvelle copine d'Ana, Willie ? Alicia je crois ?, demanda Eleanor qui la coupa de ses pensées ;
- Allison, la reprit la brune ;
- Oui, on a papoté deux, trois fois. Elle a l'air sympa, mais je t'avoue que mon attention n'a jamais réellement été portée sur elle.
- Elle a l'air adorable ! Ana m'a montré des photos et je suis une grande fan de ses cheveux roses ! J'aurais bien aimé faire ça, dans ma jeunesse.
- Je suis sûr que ça t'irait très bien.
- Ne lui donne pas des idées, après elle ne voudra plus mettre les pieds dehors pendant au moins trois semaines, intervint Christian ;
- N'importe quoi !
- Tu veux vraiment qu'on reparle de ta frange ? »

Les deux continuèrent à se chamailler tandis que les regards du rouquin et de la brune s'étaient retrouvés.

La réussite des astresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant