chapitre vingt-trois

14 3 23
                                    





Anastasia

Anastasia n'avait jamais vu son demi-frère si fragile. Recroquevillé, tête cachée par ses mèches blondes, il paraissait pareil à un enfant.

« Evan ?, tenta la brune d'une voix douce ;
- Pas maintenant. »

Elle reprit alors son mouvement mécanique, caressant tendrement ses cheveux. Ils restèrent longtemps dans le silence, les sanglots de l'aîné le brisant de temps à autres. Elle entendait vaguement la voix inquiète d'Eleanor s'élever contre les deux jeunes toujours dans le salon.
Anastasia profita de ce rare moment dans la chambre du blond pour inspecter sa chambre. Ses murs étaient remplis de posters ou de photos de famille, un peu comme la sienne. Sa bibliothèque débordait de livres en tout genre, l'ajout le plus récent semblant être un recueil.

« Ana ? »

Elle baissa doucement le regard vers Evan qui s'essuyait mollement les yeux.

« Oui ?
- Merci.
- Oh mais Evan, je suis là pour ça, répondit-elle en lui serrant doucement la main ;
- Oui mais bon, t'étais pas obligée.
- On est là pour se serrer les coudes toi et moi. La prochaine fois que j'ai des problèmes de cœur je viens toquer à ta porte.
- J'ai pas de problèmes de cœur ! »

Anastasia s'entendît soupirer lourdement. Les garçons, tous les mêmes.

« Il va falloir en parler.
- Non, tout va bien dans mon cœur.
- Ah mais c'était pas négociable, on va en parler tous les deux. Je pense que t'en as besoin. »

Evan sortit lentement de son étreinte, se redressant maladroitement sur son lit. Il attacha ses mèches rebelles d'un mouvement souple de poignet.

« Impressionnant, siffla la brune ;
- C'est des années de pratique. »

Ils échangèrent un sourire. Bien, il avait donc retrouvé la capacité de sourire. C'était un bon début.

« Bon, t'es prêt à me raconter ?
- Non.
- Tu préfères que je demande à Will ?
- Ce traitre ? Qu'il ne m'adresse plus jamais la parole.
- Je vois. »

Ressentant son angoisse, elle porta instinctivement une main à son collier.

« Le mec en bas, avec Will et ma mère, c'est Luke. »

Elle résista à l'envie de lui répondre qu'elle le savait déjà.

« Luke, Will et moi on se connaît depuis toujours. On se suit depuis qu'on est gosses. On a volontairement choisis d'aller se torturer en chimie à trois parce qu'on savait qu'on se tirerait vers le haut. C'est les premières personnes à qui j'ai fait mon coming out, à qui j'ai parlé de mes premiers crushs. Bref, on s'est toujours tout dit, ce qui est assez rare entre garçons je te l'accorde. »

Ana l'observa prendre une grande inspiration, comme se préparant à lui dévoiler quelque chose de lourd. Elle lui saisit de nouveau la main pour lui signifier son soutient.

« Luke.. Il y a quoi maintenant, deux, trois ans. J'ai commencé à développer des sentiments pour lui. Plus qu'amicaux. On peut dire que j'étais carrément amoureux même. Sauf que bon, je connais mes amis, je savais pertinemment que je fonçais droit dans le mur. Surtout que Luke a jamais été hyper timide en ce qui concerne sa vie sexuelle et c'était pas très masculin.
- Ça veut rien dire, tu sais.
- Ana pas toi, s'il te plaît.
- Pardon. Je t'écoute, continue.
- L'été dernier, avant que t'arrives donc, j'ai cru voir des signes et j'ai merdé. Putain, j'ai été tellement mais tellement con.
- Eh oh doucement avec toi même Evan, je suis sûre que c'est faux. Tu veux m'expliquer ?
- Je sais pas. J'ai eu l'impression que Luke pouvait peut-être ressentir la même chose. Il.. C'était sa main qui restait une seconde trop sur mon épaule. Ou.. ou bien il s'asseyait plus près que nécessaire. Ça peut te paraître stupide mais j'ai senti un changement dans son comportement et j'ai pensé que peut-être, peut-être au fin fond de lui-même, il ressentait la même chose.
- Pourquoi est-ce que ce serait stupide ?
- Ce mec transpire l'hétérosexualité Ana, tu le vois comme moi.
- Je te l'accorde.
- Voilà.
- Et tu as fait quelque chose ?
- J'ai, hum, peut-être essayé de peut-être l'embrasser et il m'a peut-être repoussé avec peut-être l'air le plus horrifié de la planète, grommela le blond ;
- Oh mon Evan. »

Elle lui serra furtivement la main. Il laissa échapper un grognement.

« Attends, n'aies pas trop pitié, c'est pas fini ! »

Anastasia fronça les sourcils, perplexe. L'histoire n'allait pas en s'arrangeant.

« Il y a quelques semaines, quand vous êtes passés à la librairie, Will m'a dit quelque chose qui a chamboulé tout le semblant de santé mentale que j'avais réussi à construire ces derniers mois, sourit-il sarcastiquement ;
- Mais de quoi je me mêle celui-là !
- Tu défends pas ton copain ?
- Bros before hoes, Evan. Bros before hoes. »

Il rit à gorge déployée. Elle sentit son cœur se réchauffer à l'idée de lui avoir remonter le moral ne serait-ce qu'un instant.

« William, donc, reprit-elle ;
- Oui, Will. Il m'a dit que peut-être que je ne m'étais pas fait tant de films que ça et qu'il y avait une possibilité que Luke ait ressenti la même chose que moi...
- Alors que tu vis le parfait amour avec un mec super ?
- Oui oui.
- Mais quelle enflure ! Il aurait pas pu avoir un pire timing. Putain mais quel cretin.
- Comme tu dis.
- Et donc ça a mené à la discussion dans la cuisine j'imagine ?
- Tu imagines bien.
- Et là, on en est où ?
- On en est que je suis hyper perdu. Que je pensais m'être débarrassé de tout ça et pouvoir construire quelque chose de sain avec James mais il a fallu que ces deux abrutis viennent tout gâcher. »

Anastasia prit quelques instants pour réfléchir à sa prochaine réponse. Voir Evan si tourmenté lui fendait le cœur en des milliers de petits morceaux.

« Tu aimes James ?
- Oui, répondit-il instinctivement ;
- Tu aimes Luke ?
- Je.. J'en sais rien. Je pensais que non, mais bon t'as bien vu ma réaction.
- Tu veux mon avis ?
- Je t'en supplie. »

La brune n'avait jamais vu son aîné si vulnérable. Ses yeux reflétaient toutes ses insécurités, toutes ses peurs. Il semblait réellement perdu à travers ses émotions.

« Je pense que si ton cœur n'appartient pas à cent pour cent à James, tu devrais lui en parler. Je pense que Luke est un gros con qui ne te mérite pas qui ne sait pas ce que ça fait d'être amoureux et qui n'a aucune compassion pour les autres. Je pense que pour toi, pour te préserver, il fallait que vous ayez cette discussion. Là ça fait super mal, tu veux t'arracher tous les cheveux et crier sur le monde entier mais dans quelques jours tu réaliseras que ça a été réellement utile. Mais tu peux pas te permettre de continuer dans une relation si tu n'es pas à mille pour cent dedans, tu comprends ? Dans tous quoi, quoique tu fasses ou quoique tu décides, ma porte t'est ouverte. T'es pas obligé de gérer ça tout seul. Quand mon père a épousé Ellie, je pensais pas te trouver dans l'équation. Seulement maintenant, c'est toi et moi contre le monde, d'accord ? On a plus jamais à être seuls. »

Anastasia se retrouva prisonnière de l'étreinte pleine d'émotions de son demi-frère.

« Je t'aime ma Ana, vraiment beaucoup, murmura-t-il dans ses cheveux ;
- Oula attention ou je risque de m'ajouter à la liste de tes nombreux prétendants. »

Il rit et lui embrassa le front, la gardant fermement serrée contre lui.

La réussite des astresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant