chapitre vingt-quatre

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Evan



      Il y a de ces jours où tout bonheur semble impossible à atteindre. De ces jours où le soleil ne se lèvera plus jamais, où la terre cessera de tourner sur son axe et où l'atmosphère se repliera doucement sur elle-même, ne laissant derrière elle qu'une cage incassable.

Evan expérimentait l'un de ces jours. Dès les premiers rayons du soleil, il réalisa que le destin de cette journée était scellé. N'ayant pas fermé l'œil de la nuit, il fut dans l'incapacité de faire le moindre mouvement. Le blond avait senti chaque goutte de courage quitter lentement son système au rythme du bruit assourdissant de l'horloge du couloir.

Evan écoutait à présent la vie doucement reprendre son cours au travers de la maison. Le réveil d'Anastasia avait sonné il y a quelques temps maintenant, entraînant une série de mouvements répétés mécaniquement, soulignant une sérénité timide aux premières heures de la journée. Quelque part en bas, sa mère s'agitait, animée par l'adrénaline de la conférence qu'elle devait donner plus tard dans la journée. Christian dormait sûrement encore, mais les deux hommes s'étaient assurés qu'un mot d'encouragement attendrait Eleanor sur le comptoir de la cuisine.

Il devenait évident que les pensées d'Evan se perdaient aux quatre coins de son esprit pour éviter le noeud de ses tourments ; il n'avait pas revu depuis sa conversation unilatérale avec Luke. Deux jours de rumination l'avait mené à un stade de décomposition si avancé que le blond n'avait aperçu aucune autre pièce de la maison que sa chambre et la salle de bain.

« Evan ?, entendit-il de l'autre côté de la porte. »

Il ne trouva pas la force de répondre.

« Mon soleil, je vais entrer, d'accord ? »

Il compta trois secondes avant d'entendre sa porte grincer et les pas timides de sa mère sur le parquet. Elle s'assit à ses côtés, posant une main délicate sur son épaule.

« Tu veux que je reste avec toi ? Je peux annuler, ils comprendront.
- Non. Non, je- juste non, marmonna le jeune homme ;
- Tu es sûr mon soleil ? Je préfère largement être avec toi quand ça va pas. On s'en fout des étudiants, ils trouveront bien quelqu'un d'autre.
- Maman, tu essayes de te trouver des excuses pour pas y aller là. Je te connais. »

Eleanor rit doucement, débutant de tendres caresses sur son épaule.

« Tu me connais trop bien. Ils vont faire qu'une bouchée de moi. Les ados me font peur.
- Trouillarde.
- J'assume. Mais bon, on s'en fout de moi. Chris est à la maison toute la journée aujourd'hui si tu veux. Je crois qu'Ana a des courses à faire mais ça devrait pas être très long. Il fait trop froid pour aller nager mais on a tes vieilles affaires de sport dans le grenier si tu veux t'occuper. Sinon, tu as un livre au pied de ton lit. Je peux te rapprocher ton ordi aussi. »

Evan ne procura qu'un grognement.

« Bon. Je vais être en retard. Je t'aime très fort, mon fils, conclut-elle en lui embrassant le front. »

Il l'entendît repartir, descendre les escaliers et échanger des mots muets avec ce qui semblait être Ana au rez-de-chaussée. Ce n'est qu'au moment d'entendre la porte d'entrée claquer qu'il sentit le sommeil le gagner.







      Evan se réveilla au son d'une fausse note. Christian utilisait son cadeau de noël en avance. Eleanor n'avait pas résisté à l'idée de lui donner sa super guitare dont le blond avait momentanément oublié le nom le jour même où elle l'avait reçu. Depuis, ils avaient le droit à un concert gratuit chaque jour qui en ferait rougir les plus grandes fans du chanteur.

Poussé par les tremblements des murs, le jeune homme sortit à contre cœur de son lit pour se traîner jusqu'en bas. Il arriva au milieu du spectacle de danse improvisé de sa sœur, perchée sur la table du salon.

« Evan, mon grand ! Une demande particulière ? Je suis d'humeur généreuse, j'ai envie de faire plaisir a mon public, l'interpella son beau-père ;
- Ton répertoire ?
- Je suis pas si megalo. Alors ?
- Pas d'idée.
- Rololo. J'ai une idée pour monsieur le ronchon, intervint Ana. »

Après plusieurs messes basses, Christian enchaîna les premières notes de Still Got The Blues. Anastasia l'invita à la rejoindre sur son estrade improvisée. Il saisit sa main tendue, rigide comme un poteau.

« Aller mon loulou, il faut y mettre un peu du tien. Même si je suis objectivement la meilleure danseuse, je peux pas aplatir la concurrence si tu commences pas la course !
- Hein ?
- Danse par pitié Evan. Qu'on s'amuse un peu. Il fait tout triste là. »

Il débuta alors une série discontinue de mouvements maladroits, décrochant des rires à la brune qui trouvèrent leur reflet dans la naissance d'un sourire sur son propre visage. Il se prit même à chanter sur les refrains.

Christian enchaîna les morceaux, toujours un peu plus entraînant que le précédent. Ils firent une pause collective après une reprise bien trop enjouée de Can't Buy Me Love. Affalés sur le canapé, ils partagèrent une tasse de thé.

« Tu chantes super mal, Evan, dit finalement le guitariste ;
- Wow, c'est super méchant. Moi je fais pas de commentaire sur tes talents.
- C'est normal, je sais chanter, moi. Demande à ta mère, c'est comme ça que je l'ai séduite.
- Stop, je t'arrête là. Je veux pas plus de détails. Beurk.
- Tout de suite les grands mots.
- Non non, papouchat. Il a raison. La dernière fois que j'ai demandé j'ai fini par en savoir beaucoup, beaucoup trop sur vous deux.
- Je savais pas que les enfants étaient si peu funs de nos jours. »

Christian reçut deux coups simultanés sur le bras, concluant en éclats de rire. C'est aux côtés de ces personnes, de sa famille, qu'Evan avait trouvé une brèche à sa cage et avait réussi à s'enfuir de l'obscurité.

La réussite des astresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant