chapitre trois

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Anastasia


Si Anastasia pensait que le mariage avait été une épreuve, quel ne fut pas son désespoir lors de son emménagement.
Une semaine et demi après la célébration, son père et elle se trouvaient dans le salon d'Eleanor, une pile de cartons dangereusement entreposés au centre.

« Viens Ana, je vais te montrer ta chambre. Elle est à côté de celle d'Evan, expliqua la femme de son père. »

Elles saisirent toutes deux un carton, montant difficilement les escaliers escarpés de la vieille maison.

« Home sweet Home, ma belle. »

La pièce était grande, bien plus grande que sa chambre d'enfance. Un lit double trônait au milieu de la pièce, accompagné de deux petites tables de chevet. Une grande fenêtre faisait face à la porte, donnant sur un balcon. Le bureau siégeait sous cette dernière. L'armoire faisait face à son lit, accompagné d'un miroir sur pied vieillissant. Enfin, une grande bibliothèque ornait le mur aux côtés de la porte.

« La porte sur ta gauche est la salle de bain, tu la partages avec Evan. J'espère que ça ne te dérange pas ?, Ana secoua la tête. Parfait ! Je vais demander à ton père de monter le reste de tes affaires, il faut bien qu'il serve à quelque chose, rit doucement Eleanor. S'il te manque quelque chose, viens me trouver. On a assez dans cette maison pour loger une vingtaine de personnes !
- Merci beaucoup, Eleanor.
- Appelle moi Ellie, ma puce. »

Anastasia hocha timidement la tête, se laissant tomber sur son lit. Elle laissa ses yeux se fermer, la fatigue des jours précédents l'envahissant soudainement. Sa porte grinça et le lit s'affaissa.

« Tout va bien, mon croissant de lune ?
- Tout va bien, papouchat. Je suis juste fatiguée du voyage.
- Tu veux que je t'aide à ranger ?
- Franchement, je veux bien. »

Il se leva péniblement, fouilla dans un carton et en sortit une collection de CDs ainsi que le lecteur adapté. Après quelques insultes dirigées vers la machine, la voix particulière de David Bowie remplit la pièce. Christian saisit la main de sa fille, la forçant à se redresser.

« So i turned myself to face me, but I've never caught a glimpse. Of how the others must see the faker, chantonna-t-il ;
- I'm much too fast to take that test ! continua-t-elle ;
- Ch-ch-ch-ch-changes, cria-t-il. »




Allongée sur son balcon, Anastasia observait les étoiles. Elle n'avait jamais vu un ciel aussi clair. Quand elle était plus jeune, elle avait supplié sa mère de lui offrir un livre sur les différentes constellations. Elles s'amusaient toutes les deux à les dessiner avec les doigts et se remémorer les mythes qui les accompagnaient.

L'air était frais. Elle serra un peu plus son cardigan contre son corps. Le grincement d'une fenêtre la fit sursauter, perçant ses pensées envahissantes.

« Pardon, je n'savais pas que quelqu'un était là, entendit-elle a sa droite ;
- Non non, je m'en vais. C'est chez toi après tout, répondit-elle en se redressant ;
- Ne dis pas n'importe quoi, il me semble que tu habites là toi aussi maintenant. »

Elle ne répondit pas, son regard toujours porté sur le ciel dégagé.

« Ça te dérange pas si je m'installe aussi ?, demanda-t-il ;
- Fais comme chez toi. »

Elle se rallongea. La chaise présente sur le balcon grinça. Elle aperçut de longues jambes s'étirer aux côtés des siennes. Ils restèrent plusieurs instants dans ce silence confortable, chacun plongé dans ses propres pensées.

Les muscles engourdis, Anastasia se leva, s'étirant en grognant.

« Evan, c'est ça ?, demanda-t-elle finalement. Il hocha la tête ;
- Et toi, c'est Anastasia ?
- La seule et l'unique, répondit-elle en s'adossant a la rambarde rouillée ;
- Chris parle beaucoup de toi. Vous avez l'air d'être très proches tous les deux. »

Elle ricana doucement.

« J'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas ?, s'inquiéta-t-il ;
- Disons qu'on s'est un peu éloignés ces dernières années, elle soupira. Mais on s'aime énormément. »

Il ne répondit rien. Elle décida alors de le regarder. Il était avachi sur la vieille chaise rouge, le bras droit derrière la tête. Ses cheveux blonds tombaient sur ses épaules, ses yeux bruns figés sur l'horizon. Il semblait grand. Un peu maigrichon, comme s'il avait soudainement arrêté toute activité sportive. Il était bien différent des photos qu'Anastasia avait pu apercevoir aux quatre coins de la maison.

« Ta mère aussi ne parle que de toi. J'ai cru comprendre que t'étais un petit génie de la physique, ça a l'air de la rendre très fière. »

Son visage sembla se fermer soudainement. Anastasia se sentit envahie par une vague de culpabilité.

« Mince, je crois que c'est moi qui ai dit quelque chose de mal cette fois, souffla-t-elle en sa direction. »

Il lui souffrit un faible sourire, ses yeux rencontrant finalement les siens.

« On peut dire qu'on est à égalité, répliqua-t-il ;
- On manque peut-être simplement cruellement de tact. »

Il rit.

« Ouais, on peut dire ça aussi. »

Il marqua une pause.

« Ton truc à toi c'est le droit, c'est ça ?
- J'espère. En tout cas c'est là-dedans que j'ai décidé de faire ma vie.
- T'aimes pas ce que tu fais ?, demanda-t-il, fronçant légèrement les sourcils ;
- Si si, j'aime beaucoup ! Mais parfois il m'arrive de me demander si j'ai fait le bon choix, s'il existait pas une voie encore meilleure tu vois ?
- Je vois totalement, ça me traverse pas mal l'esprit aussi, il soupira. C'est ta quoi ? Deuxième, troisième année ?
- Je commence ma troisième année à la rentrée.
- T'as encore le temps de complètement te réorienter, t'es encore jeune. Si tu développes une soudaine passion pour la photo animalière, très bien, deviens photographe et va à l'autre bout du monde. La vie est trop courte pour que tu t'enfermes dans un seul chemin. Il est jamais trop tard pour changer. »

Elle suivit le mouvement de son bras droit qui vint s'écraser mollement sur son estomac. Son torse s'élevait à un rythme rapide.

« Tu vas bien ?, s'inquiéta Anastasia ;
- Ça va. J'aurais juste bien aimé entendre ce que je viens te dire deux ans plus tôt.
- Pour citer un grand homme, il est jamais trop tard pour changer, sourit-elle doucement lui décrochant un rire ;
- Quel intellectuel !
- Je trouve aussi. »

Le silence retomba, les enveloppant tendrement. Anastasia reporta son regard sur les étoiles, toutes pensées maussades temporairement écartées. Elle sentit Evan bouger à sa droite plus qu'elle ne le vit. Il serra rapidement son bras, lui souhaita bonne nuit et rentra dans sa chambre, lui accordant la lune pour seule compagnie.

La réussite des astresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant