chapitre quatorze

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Evan


      Evan était stressé. James était tombé malade le jour de leur supposé rendez-vous. Alors, une semaine plus tard, il se retrouvait tremblant en plein centre ville, un bouquet de tulipes dans la main droite. Il se sentait stupide. Des fleurs, qui peut bien offrir des fleurs. Ce n'était qu'un café au final. Un simple café entre collègues.

Il essuya discrètement sa main gauche devenue moite sur son jean. Il avait opté pour un look décontracté. Un jean et un pull en laine offert par sa grand-mère à son dernier anniversaire. Ses converses usées laissaient passer le froid. Il avait relevé ses cheveux en chignon par faute de mieux.

Il se sentait épié. Il attendait devant le café, au milieu des passants. Certains lui jetaient un retard, d'autres non. Une dame lui avait souri chaudement en entrant. Il pensait sentir des regards à travers la vitre du lieu. Il sentait sa nuque chauffer et son bras se raidir. Sa panique aurait eu raison de lui si James n'avait pas soudainement fait son apparition, un bouquet de roses rouges à la main.

« On a pas l'air débiles au moins, c'est bien, rit James en atteignant son niveau ;
- Je vois pas de quoi tu parles. C'est très commun comme situation.
- Au moins, je sais que t'es pas allergique. »

Ils échangèrent un sourire complice. James proposa d'aller prendre une table, à l'extérieur de préférence. Evan accepta. Ils prirent place au fond de la terrasse, assez isolés. Le blond ne savait pas quoi faire de ses mains. Il était particulièrement conscient de leur proximité. Le genou de James avait imperceptiblement frôlé le sien en s'asseyant. Il ne pensait plus qu'à ça.

Il saisit un menu d'une main moite. Il n'avait pas besoin de le lire, il l'avait étudié minutieusement le matin même, trop angoissé à l'idée de ne pas savoir quoi choisir. Un chocolat viennois. Classique mais délicieux.

« Ça te dit qu'on partage une part de gâteau ? Je commence à avoir un petit creux mais pas assez pour tout manger seul, proposa l'objet de ses pensées. »

Code rouge. Ce n'était pas prévu. Dire bonjour au serveur, sourire, demander un chocolat viennois et le remercier. Pas partager un gâteau avec James. Oh non, il sortait doucement de son plan tout tracé et l'anxiété commençait à revenir.
Il sentait bien qu'il avait pris beaucoup de temps à répondre. Les sourcils du jeune homme en face de lui se fronçaient légèrement.

« Tu sais, si tu veux pas c'est-
- Carrément ! Désolé, j'étais un peu perdu dans mes pensées. Ça me va, je commence à avoir un peu faim aussi. Lequel te tentes ?
- J'ai cru t'avoir perdu pendant une seconde. Hum, laisse moi réfléchir. »

Il feuilleta rapidement les pages du menu. Le regard du blond suivait avidement le mouvement de ses doigts.

« Un cheesecake ça te va ? Je fais une petite fixation en ce moment.
- Je suis pas très difficile, fais toi plaisir.
- Oh mais mon Evan, je tiens à ce que le plaisir soit au centre de cette soirée. »

Evan s'étouffa avec sa salive.




Le serveur arriva. James, tel un parfait gentleman, passa leur commande. Ils discutèrent de leur semaine de travail ; le client particulièrement collant qui venait leur parler de sa vie chaque midi, entre midi et deux. Après quelques temps, ils reçurent leur gâteau. Evan son chocolat viennois, James son thé.

« Merde, il n'y a qu'une cuillère. Ça te dérange qu'on partage ou tu veux que j'aille encore chercher une autre ?
- Non, non. Non, pas du tout. Non, t'en fais pas. Y'a aucun problème, bégaya rapidement le blond ;
- Cool, parce que j'ai terriblement envie de le goûter, sourit l'homme au crâne rasé. Tu veux la première bouchée ?
- Soyons fou. »

Evan tendit la main vers le couvert mais son collègue fut plus rapide. Il saisit la cuillère, coupa une portion généreuse de la part de gâteau puis la tendit vers le blond. Il lui offrit un regard encourageant qui lui fit, contre toute pensée rationnelle, accueillir doucement la cuillère dans sa bouche. Le sourire de James s'agrandit.

« Il est bon ?
- Délicieux.
- Parfait. »

Il goûta à son tour, laissant échapper un petit grognement de satisfaction.

« T'as raison, il est très très bon. »

Mais Evan ne l'écoutait pas. Toute son attention était portée sur ce genou qui venait à nouveau de frôler le sien. Il se racla doucement la gorge mais ne fit rien pour changer la situation. Si James l'avait remarqué, il n'en dit rien.

« Pour quelqu'un qui sort d'un rhume, t'es pas très couvert, changea-t-il rapidement de sujet ;
- On dirait ma mère. Figure toi que c'était volontaire, j'ai décidé d'abandonner la veste pour mettre en avant ma tenue.
- C'est tres réussi, t'es très beau. Mais t'es beau tout le temps, même avec une veste. Alors la prochaine fois garde la. Surtout si c'est la verte, j'adore la verte. Elle te va super bien la verte. »

Alors qu'il se perdait dans ses mots, il suivait les doigts ornés de bagues de son collègue se porter vers le paquet de cigarettes posé sur la table, en tirer une du paquet et la placer entre ces lèvres.

« Ah ouais, tu trouves ? »

Il l'alluma et tira une taffe.

« Je pense qu'elle irait bien avec tes yeux. Je pourrai te la prêter si tu veux, mais ce serait une honte de cacher ce pull.
- Tu te moques ? J'entends Nanou pleurer d'ici.
- Nanou ?
- Ma grand-mère.
- Tu lui diras que je veux le même, en triple exemplaire.
- Oui oui, c'est ça.
- Je te jure ! Il est vraiment cool. Il a l'air tout doux. Je peux ? »

Evan hocha doucement la tête. La main de James se posa doucement sur son avant-bras, malaxant la texture de son pull. Il tira à nouveau sur sa cigarette, observant finement les détails du vêtement. Sa main glissa alors lentement vers celle d'Evan avec une confiance nouvelle. Il entremêla avec une douceur presque criminelle ses doigts aux siens, regards plantés l'un dans l'autre.

« Hum, j'avais raison. Super doux.
- Je pourrai te le prêter si tu veux, répondit Evan les joues cramoisies ;
- Ça dépend, tu viendrais avec ?
- Ça peut s'arranger. »

La réussite des astresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant