chapitre dix

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Evan



Evan écoutait sa mere d'une oreille distraite, essuyant mollement la vaisselle qu'elle lui tendait. Ses pensées filaient à toute allure. Luke aurait du venir le voir. Mais Luke n'était pas passé. Pourquoi ? Qu'avait-il bien pu faire de mal ? Il était resté poli et courtois pendant le dernier dîner qu'ils avaient partagé. Il avait même essayé de lui tendre des perches, comme autrefois. Ou alors, peut-être était-il passé mais Evan ne l'avait pas vu et il l'avait mal pris et depuis refusait de lui parler. Peut-être l'avait-il aperçu en pleine discussion avec James et avait automatiquement déduit qu'ils étaient ensemble ? Non. Luke n'était pas jaloux. Luke n'avait pas de sentiments pour lui, quelle idée. Luke n'avait jamais de sa vie montré la moindre attirance pour autre chose qu'une femme.
Une tape forte sur l'épaule le sortit de son tourbillon.

« Je vais y aller, dit Will. Ça m'a fait vachement plaisir de te voir. Ça fait tout drôle de pas t'avoir en TP.
- J'étais trop talentueux, le vieux Byrne n'aurait pas supporté une année de plus, rétorqua le blond ;
- Oui, talentueux, ça doit être ça, rit son ami. »

Il l'observa du coin de l'œil enlacer rapidement sa mère puis embrasser tendrement la joue d'Anastasia avant de franchir la porte en prononçant un dernier au revoir.

« J'adore ce garçon ! Il faudrait qu'on invite sa mère aussi un de ces jours, ça fait longtemps qu'on a pas papoté toutes les deux, sourit Eleanor ;
- J'ai croisé Jane justement en faisant les courses l'autre fois, elle m'a dit de te dire que la vie de jeune mariée t'allait à ravir.
- Et qu'est-ce qu'elle a raison ! Bon, les jeunes, je me fais vieille. Ana tu veux bien finir à ma place ? Merci mon ange. »

Eleanor quitta alors la cuisine en s'essuyant grossièrement les mains sur son jean. Anastasia attacha rapidement ses cheveux avant de se saisir de l'éponge abandonnée.

« Tout va bien ?, demanda-t-elle ;
- Tout roule ?, demanda Evan au même instant. »

Ils échangèrent un léger rire.

« Toi d'abord, dit le blond ;
- J'avais oublié à quel point les études étaient épuisantes. Deux semaines de cours et je manque déjà de sommeil, souffla la brune ;
- Ouais, je t'entends parfois la nuit sur le balcon.
- Oh merde, pardon, désolée. Je pensais pas que ça te réveillerait.
- C'est plutôt que je suis déjà éveillé. »

Il sentit le regard de sa demi-sœur se poser sur ta tempe.

« Et toi alors ? J'ai été pas mal égoïste ces derniers temps et on a pas vraiment pu parler.
- T'en fais pas, on peut pas dire que j'ai fait beaucoup d'efforts pour aller vers toi non plus. Écoute, j'ai enfin trouvé du travail.
- Où ça ?
- La librairie dans le centre, à côté du bureau de tabac ?
- Ah oui je vois, ta mère m'y a emmené il y a quelques temps. Ça te plaît ?
- C'est cool. Il y a pratiquement jamais personne alors on passe notre temps à discuter.
- On ?, l'interrogea-t-elle en coupant définitivement l'eau ;
- Mon collègue et moi, répondit-il en se dirigeant vers le canapé ;
- Il est sympa ?, elle se laissa tomber à ses côtés ;
- Il est très sympa. J'ai appris qu'il avait un diplôme en arts appliqués et qu'il avait fait six mois aux Beaux Arts à Paris.
- Dit donc, c'est pas n'importe qui.
- J'ai jamais autant eu envie de lire qu'en l'écoutant parler de ses romans préférés, souffla Evan rêveusement ;
- Qu'est-ce que t'attends pour foncer ?
- Et toi qu'est-ce que t'attends pour foncer avec William ? »

Il rit devant l'expression scandalisée d'Anastasia. Main sur le cœur, bouche béante, les sourcils hauts.
Ses joues se colorèrent rapidement.

« Je vois pas de quoi tu parles, répondit-elle ;
- Ah ouais. Tu penses que j'ai pas vu ton petit sourire après qu'il t'ait langoureusement embrassé la joue, sourit le blond ;
- On est amis. Les amis ont le droit de se faire des bisous sur la joue.
- J'ai jamais dit le contraire. »

Un léger silence plana quelques secondes.

« Il t'a parlé de moi ?, demanda Ana timidement ;
- Pas plus que ça pour être honnête, mais je connais ce mec depuis qu'on est petits comme ça. Je pense qu'il en pince pour toi aussi.
- Olala mais t'as quel âge, « il en pince pour moi ».
- C'est pas une manière de s'adresser à ses aînés jeune fille. »




Ils passèrent le reste de la soirée à échanger des banalités, chacun d'un côté du canapé. Anastasia s'était endormie, blottie contre un coussin. Evan la recouvrit d'un plaid avant de tranquillement monter les escaliers, évitant de faire grincer les marches. Discuter avec elle lui avait fait du bien. Elle était comme un doux rayon de soleil entre les nuages menaçants. Le temps de quelques heures, il avait pu mettre de côté tout ce qui le tracassait réellement. Du mois qu'ils se connaissaient, il reconnaissait déjà en elle une force solide sur laquelle il savait qu'il pourrait s'appuyer.

Après une douche rapide, il se glissa sous sa couette et se saisit du livre d'astronomie. Il ne le quittait plus. Il avait même commencé à y ajouter ses propres commentaires. La plupart de ses nuits blanches se voyaient transformées en séances d'observations. Il avait tenté de le mentionner dans une conversation avec sa mère mais cette dernière n'avait pas semblé savoir d'où il provenait. Depuis, il n'avait pas quitté la table de chevet du jeune blond. Il n'était jamais négligé trop longtemps, seulement quand Evan se plongeait dans les recommandations de son collègue James. Il lui avait d'ailleurs parlé du livre d'astronomie, avec une telle passion que ce dernier avait demandé s'il était possible de lui emprunter. Evan tenait alors à ce qu'il soit parfait, aussi bien qu'il avait pu le décrire. Après tout, la seule chose qui lui importait était d'impressionner James.

La réussite des astresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant