11. Prologue ou un automne plus tard

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Perséphone

— Le thé à la vanille, le thé à la menthe et la part de tarte citron meringuée, énuméré-je en posant simultanément les aliments sur un plateau de bois brun. Pour la table 5, complété-je.

Adèle, la nouvelle serveuse, le prit aussitôt et disparut dans la salle, les sourcils froncés par l'effort. Je restais au comptoir, m'occupant de remplir la vitrine des pâtisseries qui sortaient tout droit de la cuisine.

Adèle était nouvelle, mais elle ne devait pas s'inquiéter, le métier finira par rentrer dans la peau. Ça avait été la même chose pour moi. J'avais mis un temps fou à retenir la carte, mais
maintenant, j'avais l'impression de ne manger que ça. Et les plateaux ne pesaient plus aussi lourd que lorsque j'avais commencé.

— Séphie ?

— Hum.

— Il y a urgence avec Majda, tu peux emmener l'expresso à la table 7.

La proprio : Sophie, n'attendit même pas ma réponse. C'était assez commun ici. J'étais contente d'avoir trouvé ce travail étudiant qui me permettait d'avoir des revenus stables et entrer dans la vie adulte sans avoir à dépendre tout le temps de mes parents, même si ils m'avaient assuré que c'était normal qu'ils soient encore présents financièrement pour ma jeune vie d'adulte.

Une parenthèse à Paris était un salon de thé où il était agréable de travailler. Mes collègues étaient sympathiques et compréhensives. Les clients étaient généralement de bonne humeur quand ils arrivaient ici. C'était une grâce de pouvoir travailler dans ce lieu qui me ressemblait
énormément de part ses couleurs printanières et son ambiance très dix-neuvièmes faisant penser à un salon digne de La chronique des Bridgerton.

J'éteignis la bouilloire pour le thé et je me dirigeais vers la machine à café où j'entrepris de faire un cappuccino. Derrière moi, la musique classique en fond : du Vivaldi, les couverts d'argents qui raclaient les assiettes en porcelaine. Les chaises grinçantes sur le parquet ciré effet bois... Un univers auquel j'étais attachée et qui était littéralement une parenthèse
enchantée quand les murs de l'université me paraissaient trop tristes, trop gris ou trop froids.

L'expressso en main, sourire commercial au visage, je slalomais aussi gracieusement que possible entre les tables pour finir par arriver à la table 7.

— Bonjour, c'est bien pour vous l'expresso ?

— Oui, répondit la voix avec léger accent d'ailleurs auquel je ne fis pas attention, jusqu'à ce qu'il lève la tête.

Heureusement, j'avais déjà posé la tasse sur la table, parce que je pense que j'aurais sûrement joué la scène clichée de la tasse qui tombe à terre et se brise en mille morceaux.

Je restais interdite à la table 7, complètement sonnée.

C'était un rêve ? Alors si c'était le cas, je ne voulais pas me réveiller. Pas avant de bien l'avoir regardé.

Ses yeux qui oscillaient entre le brun et le noir. Ses petits grains de beauté, cinq pour être précise, je les avais comptés la dernière fois... ils étaient exactement au même endroit. Ses cheveux bruns aux boucles soyeuses, légèrement plus longs qu'il y a un an. J'avais une envie furieuse de passer mes mains dedans et de l'entendre rire... comme cette fois.

Son regard qui m'observait. Ses lèvres qui m'avaient embrassées chastement les mains...

Ce n'était pas un rêve. Il me regardait, je le regardais... Cela faisait combien de temps que les secondes s'étaient arrêtées ? Et qu'on se regardait, là ? Ce n'était vraiment pas un rêve ?

Ses lèvres s'étirèrent en un sourire faisant apparaître ses dents couleur ivoire. Son sourire, un sourire franc et innocent. C'était lui...

— Habibi ?

Je lui souris à mon tour.

Un temps pour t'aimerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant