AmirL'amour... Qu'est-ce que c'était vraiment ? Mon cours de littérature me revenait en tête comme le mauvais jingle d'une publicité télévisé pour céréales. Nous étions mercredi soir, bientôt dix-neuf heures. Je penchais sur la question depuis trop longtemps déjà. L'amour...
Dans mon uniforme qui à présent ne gardait que le pantalon et la chemise blanche déboutonnée, les yeux rivés sur le mur gris de ma chambre, je pensais. Je revoyais encore la
scène.Mr Crofton, comme il savait si bien le faire, nous avait annoncé grandiloquent la thématique de notre prochain cours : l'amour dans la littérature anglaise de Shakespeare à Austen. L'annonce d'une nouvelle thématique augurait toujours un débat sur celle-ci. Et ce cours
n'avait pas dérogé à la règle. Après avoir écrit le titre de notre prochain cours, Crofton avait commencé à poser des questions auxquelles nous devions répondre à voix haute.
Questions ayant le devoir de faire émerger chez nous l'amorce d'un débat ou une réflexion plus poussée. « Voir l'œuvre au-delà de ce qu'on savait d'elle », comme il aimait le dire.Qui étaient les meilleurs auteurs romantiques ? Les incontournables, les indétrônables, ceux qu'on n'imiterait jamais ? Pourquoi ? Est-ce que l'amour pouvait être transcrit en quelques lignes à travers des personnages fictifs ? Le sacrifice en amour, utile, utopie, bêtise ? La
douleur de perdre l'être aimé, exagéré ?Malheureusement, ce cours n'avait pas capté mon attention. Je n'étais pas scolaire de base et la littérature n'était pas ma tasse de thé. Je parvenais à m'en sortir avec des B- grand
maximum ou C+ quand ça allait un peu moins. L'amour... ça me passait au-dessus.Je quittais mon lit un instant, pour m'emparer de ma guitare. Installé à nouveau, je grattais quelques notes qui ne feraient pas un morceau, mais m'aidaient à organiser mes pensée.
Mon professeur s'était avancé vers moi et m'avait demandé :
— Et pour vous, monsieur El Hassan. Qu'est-ce que c'est l'amour ?
J'en étais resté coi un moment avant de répondre laconiquement en regardant distrait la table de mon bureau d'étude :
— Rien d'important, je suppose.
Je détestais sentir tous les regards de ma classe posés sur moi, surtout pour un sujet aussi intime. C'est la meilleure réponse que j'avais trouvée, mais allez savoir pourquoi, elle
m'avait poursuivi jusque dans ma chambre.J'arrêtais de jouer.
Rien d'important, je suppose.
Ce n'était pas totalement vrai. L'amour était plutôt utile. La preuve avec ma guitare. L'amour
était le sujet le plus abordé dans mes musiques et dans le monde. Je ne pouvais le nier. Les livres de romances seraient toujours un véritable succès. Mais honnêtement, je trouvais l'amour un peu surcoté. Peut-être que c'était parce que je n'avais jamais été amoureux.J'arrivais à mimer le sentiment amoureux pour trouver les mots justes dans mes chansons, mais je n'avais jamais rien éprouvé de semblable. Des filles m'avaient intéressé, mais je m'étais arrêté au stade des regards à la dérobée. Peut-être que le divorce de mes parents y étaient un peu dans ma conception de l'amour... ou pas. Mais peu importe.
Mon but dans la vie n'était pas d'être amoureux. Si cela se présentait, je ne dirais pas non, mais je n'en faisais pas une quête. J'avais souvent entendu dire que ça nous tombait dessus
au moment où on s'y attendait le moins, alors je ne gagnais rien à le chercher.Qu'est-ce que c'est l'amour ?
— Amir !
Nate apparut sur le pas de la porte. Nathan Bradford de son nom complet était mon ami et également mon compagnon de chambrée.
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Un temps pour t'aimer
RomanceÀ Rosenward School, prestigieux internat du Pays de Galles, Amir, adolescent de dix-sept ans, a des idées bien arrêtées sur l'amour. C'est une thématique, utile pour composer des chansons de poète mélancolique à la guitare, mais rien de plus ou de m...