XIX

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Quand Colnir se réveilla, les souvenirs de ce qui lui était arrivé affluèrent immédiatement en lui. Sa trahison envers Nérissa dévoilée, Jenia qui s'en prenait inexplicablement à lui et enfin le moment où il avait compris ce qui se tramait. Le plan des Ingar et les conséquences funestes qu'il allait avoir s'imposèrent à son esprit et le poussèrent à essayer de se lever, ce qui réveilla la douleur qui submergeait tout le côté droit de son torse, lui arrachant un cri de douleur malgré lui.

— Restes un peu tranquille tu veux, fit une voix à côté de lui. Tu n'es plus en danger mais ta blessure est quand même importante, alors ne t'agite pas trop si tu ne veux pas la rouvrir.

Il reconnut immédiatement cette voix et instinctivement il tourna la tête vers celle qui venait de lui parler. Nérissa se trouvait là, assise à côté de son lit et lisant un parchemin avec attention. Elle n'avait même pas levé les yeux vers lui pour lui parler, trop concentrée qu'elle était sur ce qu'elle faisait, mais ça ne l'avait pas empêchée de lui adresser ces quelques mots. Malgré la situation et malgré tout ce qui avait pu se passer, le jeune noble ne put s'empêcher de la contempler un moment. Elle était toujours aussi belle et aussi digne. Mais il se rappela aussi qu'il l'avait trahi et ne put retenir un soupire las.

— Comment est-ce que tout s'est passé ? Finit-il par demander après quelques minutes de silence.

C'était sans doute ce qu'il pouvait demander de plus neutre pour engager la conversation. Il ne se faisait pas d'illusion, il allait devoir aborder l'épineux sujet de sa trahison tôt ou tard, mais il n'était pas spécialement pressé.

— Ca a été un vrai bain de sang, lui répondit la princesse. Le bilan n'est pas encore définitif mais pour le moment on parle de quatre-vingt mille huit cent deux morts et vingt mille six cent trente-trois blessés.

— Quelle précision.

— Il est important que je connaisse ce genre de chiffre par cœur, c'est de mon peuple qu'il s'agit.

— Je suis surpris qu'il y ait à ce point plus de mort que de blessé.

— Étant donné la nature des attaques, la grande majorité des victimes n'avaient pas la moindre chance de s'en sortir, les blessés sont plus dus à des mouvements de panique et des accidents.

Elle se contentait de réponses simples et précises et Colnir comprit rapidement le message. Elle lui laissait une dernière chance de s'expliquer de lui-même et il comptait bien s'en saisir, même si cela lui faisait bien plus mal que les blessures qu'il avait reçu.

— Dis-moi Nérissa, n'as-tu jamais été dégoutée de la noblesse de notre pays ?

La princesse ne lui répondit pas, mais elle leva malgré tous les yeux de son parchemin, lui indiquant tacitement qu'il avait toute son attention.

— Moi depuis que je me suis plongé dans les affaires de ma famille, j'ai chaque jour l'impression de nager dans de la fange putride et nauséabonde. Chaque jour qui passe, je suis témoins de nouvelles perversions de cette hypocrite noblesse qui se prétend au-dessus des autres. Ce pays est infecté de pus et le pire c'est qu'il ne se passe pas un jour sans que je craigne d'être infecté à mon tour. Je me suis déjà surpris plusieurs fois à employer les mêmes méthodes que ceux que je méprise, à devenir moi-même l'exemple parfait de ce qui me dégoute.

— Je peux le comprendre, mais ça n'explique pas pourquoi tu as agi comme tu l'as fait. Pensais-tu réellement que l'ordre de la destinée serait un bienfait pour le royaume ?

— Eux ? Certainement pas non. J'ignore ce que le grand prophète a réellement en tête mais il se berce d'illusion. Il ne pourra rien changer, quand bien même il trouverait le moyen de se retrouver à la tête de ce pays, le fonctionnement resterait le même. Le pouvoir corrompt l'humain, tout ceux qui se trouve dans une position avantageuse finisse par se laisser dévorer par leurs plus sombres ambitions.

Vorsem tome 4 - Le crépuscule écarlateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant