XVIII

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Coley avait toujours su que ce qu'il avait vécu dans son enfance finirait un jour par revenir le hanter. Il avait beau s'être reconstruit un équilibre de vie au travers de son rôle de main royale, il n'était pas dupe. Ce genre d'expérience ne s'oubliait jamais et imaginer les fuir n'était rien de plus qu'un doux rêve. Mais cette fois, il comptait bien faire face une bonne fois pour toute.

Nerus Elion, un homme dont le simple souvenir suffisait à l'ébranler jusqu'au plus profond de son âme. Sa silhouette de vieillard sec toujours vouté était gravée dans sa mémoire au fer rouge, tout comme sa voix venimeuse. Son esprit était empoisonné par cet homme, il en était bien conscient. Quoi qu'il puisse faire, il n'arrivait jamais à le sortir totalement de ses pensées, que ce soit pour le craindre ou le haïr. Il était toujours présent dans sa tête.

Et c'était cet homme qui, en cet instant, rampait misérablement au sol, terrassé par une simple blessure au bras. Coley était surpris de le voir comme ça. C'était vraiment cette pathétique caricature d'être humain qui avait si longtemps eu une telle emprise sur lui ? Avait-il donc eu peur de si peu de chose ?

— Attend un peu Coley, tu sais quand même qui je suis. C'est moi qui t'ai élevé, qui t'ai offert un toit et de la nourriture. Sans moi, ni toi ni ta sœur ni aucun des orphelins n'auraient pu survivre.

Il était facile de voir qu'il était en train de mendier sa pitoyable vie et cela n'inspira que du dégout à Coley, qui s'approcha en silence de lui, l'arme à la main.

— Espèce d'ingrat, tu n'es rien d'autre que ce que j'ai décidé de faire de toi ! S'emporta Nerus en voyant ses suppliques rester sans réponses.

— Ce que vous avez fait de moi ? Répéta Coley qui cette fois décida de répondre. Peut-être oui, en partie. J'ai longtemps pensé moi aussi que je ne pourrais jamais me défaire de votre enseignement, que je serais toujours un pauvre petit esclave dont la seule liberté serait de choisir son maitre. Pourtant, il y a autre chose désormais.

Pendant un instant il contempla son reflet dans la lame de son épée, s'attardant un moment sur son regard.

— Vous savez, la princesse Nérissa est vraiment quelqu'un qui prend très à cœur de faire les choses correctement. Elle n'abuse jamais de son autorité, prend toujours la peine d'expliquer les raisons de ses choix et ne juge jamais à la hâte. Je ne l'ai jamais vu faire usage de son autorité royale lui permettant de condamner quelqu'un à mort. En toute logique je devrais donc vous arrêter et attendre que vous soyez jugé. Si je vous tuais ici et maintenant, elle me le reprocherait.

— Tout à fait et tu ne peux pas désobéir à ta maitresse n'est-ce pas ? Ce ne serait pas acceptable.

— Le Coley que vous avez élevé en serait sans doute incapable oui.

Tout se passa en un éclair. La lame de l'épée de Coley s'anima soudainement, fendant l'air pour aller se planter directement dans la gorge du vieillard, qui écarquilla les yeux de surprise.

— Mais moi, je refuse de laisser une ordure comme vous vivre un seul jour de plus, répondit Coley la voix vibrante d'émotions.

Il retira ensuite sa lame d'un geste fluide et observa l'homme qui les avait tant fait souffrir sa sœur et lui agoniser. Le vieillard lui jeta un regard qui semblait implorant, mais même si Coley avait pu ressentir de la pitié il n'aurait de toute manière jamais pu défaire ce qu'il venait de faire. Le sang s'échappait trop vite de la blessure pour que quoi que ce soit puisse sauver Nerus Elion et ce dernier finit par s'écrouler au sol pour s'immobiliser dans la mare de liquide carmin.

Coley resta plusieurs longues secondes les yeux rivés sur la scène, immobile. Même s'il bénéficiait d'une excellente diversion, il était tout de même en territoire hostile et aurait normalement dû être sur ses gardes. Mais il ne pouvait pas, son esprit et son corps semblaient s'être dissocié. La tempête d'émotions qui s'était abattue sur lui quand il avait porté le coup de grâce à son ancien bourreau était trop violente. Une part de lui avait même du mal à croire qu'il l'avait réellement fait, comme s'il avait observé la scène d'un point de vue extérieur.

Vorsem tome 4 - Le crépuscule écarlateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant