Vorsem tome 4 - Le crépuscule écarlate

XVI

Si on avait demandé à Alaron s'il avait déjà vu Liliana en colère, il aurait répondu que oui. Il était déjà arrivé à la belle sorcière de perdre patience et il en avait lui-même fait les frais plusieurs fois. Pourtant, quand il vit l'état dans lequel elle se trouvait cette fois, il comprit que ce qu'il avait vu jusqu'ici n'était rien en comparaison de l'état de fureur dans lequel elle se trouvait désormais. Elle lançait ses sorts d'un simple geste de la main, sans prononcer la moindre incantation, ce qui donnait à ses attaques un côté brutal et imprécis. C'était très éloigné de son style raffiné habituel et ça mettait bien en relief la fureur qui l'agitait.

Ses attaques magiques faisaient un tel raffut que tous les gardes encore présents dans le quartier général furent attirés, ce qui n'était pas à leur avantage. Ils étaient tous balayés par des rafales de vent et de feu, puis immobilisés dans la glace avant de pouvoir faire quoi que ce soit. L'un d'entre eux se retrouva même pendu à l'envers, par les pieds. Les trois membres des mains royales ainsi que Béléri n'avaient pas esquissé le moindre geste pendant tout le combat. Ils avaient été trop pris par surprise pour savoir comment réagir. Apparemment calmé, Liliana se tourna ensuite vers eux et sembla enfin prendre conscience de ce qu'elle venait de faire.

— Désolée, dit-elle en affichant un air gêné fort inhabituel chez elle. Je sais bien que c'est pas très intelligent de se laisser aller comme ça, mais j'avais besoin de me défouler.

— C'était ... sacrément impressionnant, répondit Alaron en balayant du regard la zone dans laquelle le combat venait d'avoir lieu. Mais je pense qu'il vaut mieux te calmer malgré tout.

La jeune sorcière ne le contredit pas, parfaitement consciente que si elle ne se contrôlait pas mieux, elle risquait d'en faire trop. Elle n'avait pas spécialement envie de faire un massacre et détruire le bâtiment comportait une part non négligeable de risque également. De plus, utiliser la magie de cette manière avait un autre désavantage et pas des moindre. Liliana vacilla et due s'appuyer sur le mur le plus proche pour ne pas tomber. Alaron se précipita sur elle, craignant qu'elle ait été blessée, mais elle le rassura tout de suite.

— Je suis juste épuisée, dit-elle le souffle légèrement court. Utiliser la magie sans incantation c'est pas ce qu'il y a de plus efficace, c'est pas très précis et ça consomme beaucoup trop de mana. Même pour la meilleure sorcière de cette génération, c'est assez épuisant.

— Donc si je résume, tu t'es laissée emportée par la colère pour au final te retrouver complètement à sec alors qu'on est encore en plein milieu de la base de nos ennemis ? Déclara Coley en les rejoignant.

— J'imagine que c'est une manière comme une autre de présenter les choses, répondit la sorcière.

Elle avait beau faire preuve d'effronterie, elle n'en menait pas large et les reproches du membre des mains royales frappaient juste, elle en était bien consciente.

— Enfin bon, c'est pas bien grave, reprit Coley avec un soupir. De toute façon on avait besoin de quelqu'un pour escorter Béléri vers l'arrière, autant en profiter. Retournez auprès de la princesse toutes les deux et laissez nous nous occuper de la suite.

— Très bien. Je n'aime pas trop vous laisser mais c'est vrai que c'est la meilleure solution.

Il était facile de voir qu'elle se pliait à cette décision de mauvaise grâce et elle n'était pas la seule. Béléri voulut protester en disant qu'elle devait les accompagner pour leur indiquer l'endroit où elle avait perdu la trace du grand prophète, mais Alaron refusa qu'elle prenne des risques avec la blessure qu'elle avait. Il réussit à la convaincre que se mettre d'avantage en danger était inacceptable, d'autant plus que Liliana se joignit elle aussi au débat en appuyant les propos du jeune homme. La jeune noble finit par rendre les armes et par leur faire une description des lieux où elle avait vu sa cible pour la dernière fois.