Vorsem tome 4 - Le crépuscule écarlate

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Qu'est-ce que Colnir pouvait bien ressentir pour Nérissa ? Pour répondre à cette question il lui faudrait déjà expliquer ce qu'il pensait des femmes en général. D'un certain point de vue, il s'agissait d'un simple désir charnel. Qu'il aurait très bien pu comparer au plaisir qu'on éprouve lors d'un bon repas, mais cette comparaison manquait tout de même de finesse. Il n'allait tout de même pas comparer ses partenaires avec des rôtis. Pourtant, il devait bien admettre que la grande majorité du temps, ce qu'il ressentait pour les femmes qu'il séduisait restait extrêmement superficiel. Il souhaitait les mettre dans son lit parce qu'il savait qu'il en éprouverait du plaisir. Histoire de se rassurer, il s'arrangeait au moins pour que ce plaisir soit totalement partagé par celles qui passaient la nuit avec lui, mais il n'était pas dupe. Ces relations sans lendemain n'avaient rien à voir avec un véritable sentiment d'amour.

Puis, il avait connu Nérissa. Au début, elle ne représentait rien de plus qu'un défis. Quand il s'était retrouvé dans la même classe qu'elle pour ses études, il possédait déjà une solide réputation de tombeur et on racontait qu'aucune fille ne pouvait lui résister. Par simple fierté, il avait eu envie de rendre hommage à cette réputation en s'attaquant à la cible la plus imprenable qu'il pouvait imaginer : l'héritière du royaume. Chaque fois qu'il y repensait, il ne pouvait s'empêcher d'éprouver un fort sentiment de honte. A l'époque, il se fichait totalement de savoir qui était réellement cette princesse qu'il avait décidé de prendre pour cible, elle n'était pour lui que l'accomplissement final de sa carrière de séducteur.

Pourtant, le moins qu'on pouvait dire c'était que les choses ne s'étaient absolument pas passées comme il l'avait prévu. Car avant de s'intéresser à Nérissa, Colnir n'avait pour ainsi dire jamais eu affaire à une fille tentant de lui résister. Étant noble, plutôt beau garçon et doué avec les mots, il attirait naturellement l'attention et n'avait donc pas beaucoup d'effort à faire pour que plusieurs conquêtes potentielles lui tombe dans les bras. Cette fois en revanche, c'était bien différent. Déjà à l'époque, la princesse s'avérait bien plus mature et intelligente que la grande majorité des personnes de son âge et il ne lui fallut pas plus de quelques secondes pour comprendre ce que Colnir espérait d'elle. Manifestement, devenir un nom de plus ajouté à un tableau de chasse ne l'intéressait pas du tout et elle ne se gêna pas pour humilier le noble blond. Lui faisant clairement comprendre qu'il perdait son temps.

Colnir aurait très bien pu s'avouer vaincu, surtout vu la manière dont Nérissa l'avait repoussé. Les répliques cinglantes qu'elle lui avait décochées avaient été douloureuses et en toute logique, il n'aurait jamais dû avoir envie d'avoir affaire à elle de nouveau. Mais là encore, sa fierté prit le dessus. Il refusait de croire qu'il n'était qu'un séducteur minable, tout juste bon à séduire des écervelées qui ne s'intéressaient à lui que pour son titre ou sa beauté. Il était bien conscient qu'il accordait trop d'importance à une simple affaire d'égo, mais il restait un noble malgré tout. La fierté faisait partie de son éducation, qu'il le veuille ou non.

Il n'avait donc pas pu s'empêcher de s'acharner, quitte à en devenir ridicule. Il ne pouvait pas accepter d'abandonner et, avec le temps, ce n'était plus sa fierté qui avait été son seul moteur. Car parallèlement à cette histoire il avait commencé à se plonger plus profondément dans les affaires de sa famille. On attendait de lui qu'il reprenne le flambeau et étant fils unique la pression qu'il devait supporter était d'autant plus forte. Il ne s'en plaignait pas, car il était bien conscient d'appartenir à une classe privilégiée, mais progressivement cela fini par lui poser un autre problème.

Car plus il en apprenait sur la noblesse, plus il comprenait le fonctionnement de la politique, plus il sentait le dégout s'emparer de lui. Machinations, complots et manipulations étaient le quotidien de ce système hypocrite. Il finissait par en devenir paranoïaque et se méfiait de chaque noble qu'il croisait, il en venait même à redouter que certaines des filles qui l'approchaient ne soient en réalité là pour le piéger. Alors, plutôt que de subir, il avait choisi d'apprendre à maitriser ces armes lui-même et ce faisant, il était devenu lui-même un rouage de ce système qu'il détestait pourtant.