5 - A jester doesn't save anyone

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Après avoir marché une bonne trentaine de minutes, mes pas ont fini par me mener jusqu'à UA, accablé par la fatigue et le stress. La seule chose qui me faisait envie à cet instant était mon précieux lit qui me permettrait d'oublier cette affreuse journée.

Je fais les derniers mètres jusqu'à l'internat, traversant la cour et le petit chemin de pierre. Le soleil commence déjà à décliner. Mon inquiétude liée à l'idée de recroiser mes camarades de classe ne cesse de croître.

J'entre dans le bâtiment de la classe B, les cheveux mouillés et imprégnés de chlore. Des courbatures commencent déjà à me torturer, je regrette de ne pas avoir fait une dispense pour l'occasion.

Ça m'aurait aussi sauvé de mes mésaventures et allégé mes pauvres épaules fracassées. Montant les escaliers quatre à quatre, je fuis le brouhaha à l'extérieur, indiquant l'arrivée de la classe dans les minutes à venir.

Précipitamment, je m'enferme dans ma chambre avant de me laisser choir sur le lit, totalement abattu. Comment me comporter lundi et les prochains jours ? Je ne peux pas montrer aux gens de la classe que ce qui s'est passé aujourd'hui m'a profondément touché.

Je ne pense pas non plus avoir de représailles majeures, je veux dire...

Je suis Neito Monoma, pas n'importe quel élève.

Même si Thaïs est devenue populaire plutôt rapidement au sein de la classe, elle ne reste tout de même qu'une simple nouvelle apprentie héroïne qui n'a pas fait ses preuves. Contrairement à moi qui me suis toujours montré comme étant un pilier permettant le bon fonctionnement du groupe.

Je ne me voile pas la face, il y aura toujours des personnes pour prendre son parti et non le mien, chacun prendra sa décision sur qui il a envie de croire.

Mais tant que les personnes qui comptent pour moi me croient, je n'ai pas besoin de me plaindre, n'est-ce pas ?

Alors que j'essaie de me convaincre, des larmes me montent aux yeux, prenant ma gorge en traître, mon souffle devient plus difficile et je retiens quelques reniflements sonores. Il m'arrive rarement de me laisser submerger ainsi, alors lorsque ça arrive, tout y passe. Mon esprit est accablé par une succession d'images qui n'ont ni queue ni tête.

Ça peut très bien passer par des reproches à moi-même ou des souvenirs douloureux qui ont façonné ce personnage que je mets en scène. Mes oreilles bourdonnent, mon cœur menace d'exploser à l'idée que Shinso ne veuille plus jamais que je vienne le sauver.

En fin de compte, je ne suis ni la princesse ni le prince qu'il veut protéger. Je ne suis qu'un bouffon, un bouffon crispé par les remords qui tente tant bien que mal de se mettre en scène dans sa propre vie.

Mon téléphone sonne, laissant entendre la sonnerie remixée de "I'm a loser baby" d'Hazbin Hôtel. Sur le coup, il me faut un certain temps pour reprendre mes esprits, le nom de Colette s'affiche sur mon cellulaire. Durant plusieurs secondes, j'hésite, je ne sais pas si je suis vraiment en état de répondre à n'importe qui actuellement.

Finalement, je soupire et reprends contenance en souriant faussement avant de décrocher.

- Colette ! Bonsoir, que me vaut cet appel ?

Je peux l'entendre nettoyer frénétiquement la vaisselle grâce au robinet et au bruit du frottement de l'éponge contre la verrerie. En fin de compte, je suis surpris qu'elle ait eu l'envie de m'appeler. Habituellement, elle se fait toute petite ne voulant pas me déranger.

- Jeune maître, c'est un plaisir de vous avoir au téléphone. Je tenais à vous appeler concernant une broutille qui, je l'espère, n'aura pas d'impact sur votre scolarité...

A Shared Sleep : MonoshinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant