Chapitre 34 : Œil pour doigt

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Mon cœur martèle ma cage thoracique tandis que le Prince Héritier et moi nous dévisageons en silence. Je m'attends à ce qu'il dégaine son épée ou qu'il ordonne notre arrestation mais il ne bouge pas d'un pouce. Il me jauge avec son dédain habituel.

- Votre Altesse, je vous présente la petite-fille de la Marquise d'Imbolc, Lady Eléanor.

Ses yeux aussi glaciaux que la mort me transpercent. Tout mes muscles se raidissent et je sens Dihya et Seth en faire pareil. Tous mes sens s'affolent, comme ceux d'une proie qui s'apprête à fuir son prédateur.

- Lady Eléanor ? répète-t-il avec un trait d'ironie. Mon cher Duc, je crains que vous n'ayez été dupé.

Tandis qu'il parle, les Gardes présents dans la petite cours du château se rapprochent, nous piégeant en son centre.

Je repense à ma hache, cadeau de Marha, cachée au fond de ma malle de voyage. Je n'aurais jamais le temps de l'atteindre avant le début de leur assaut. Ils se jetteront sur moi à la minute où j'esquisserai le moindre geste.

Mes yeux tombent sur l'épée d'August, qui porte à la ceinture.

Je la revois transpercer Dihya, l'aversion que j'éprouve à son égard refait surface.

- Cette demoiselle ici présente n'est pas une noble dame mais un abominable monstre, une créature du mal, crache August. Saisissez-la.

À peine a-t-il prononcé ces mots qu'une douzaine de Gardes se jettent sur nous. Tel un chat bondissant, Dihya me pousse sur le côté et dégaine son glaive caché dans son corset, envoyant ainsi valser ma perruque.

Je ne perds pas de temps et attrape ma malle à l'arrière du carrosse. Je la renverse sur le sol afin de récupérer mon arme sans perdre un seul instant.

Du coin de l'œil, j'aperçois Seth esquiver les attaques de ses assaillants. À cette allure, il sera vite battu. Comment peuvent-ils s'en prendre à un homme désarmé ? Il n'existe rien de plus déshonorant.

Avant même que ma hache ne heurte le sol, je la saisis. Je me retourne juste à temps pour parer le coup qu'un des Gardes tente de m'asséner. Ce simple geste ravive la douleur dans mon poignet mais je serre les dents.

En un mouvement, je le désarme. Il est décontenancé. Sans doute ne s'attendait-il pas à ce qu'une enfant, une femme qui plus est, puisse lui tenir tête. Il observe incrédule son épée échouer sur les pavés.

J'ai toujours trouver cela ridicule de se battre à l'épée. Il y a une immense variété d'armes mais la plupart des gens se cantonne à celle-ci, qui n'est pourtant pas la plus redoutable.

D'un bref mouvement, je récupère l'arme de mon assaillant et l'envoie à Seth, qui peut enfin se défendre.

Je profite de la confusion de mon adversaire pour lui flanquer un coup dans la partie de son cou que son casque ne couvre pas. Il s'effondre dans une émission de sang.

- Edlynn ! s'écrie Seth.

Je tourne la tête et vois une lame s'abattre sur moi. J'ai à peine le de temps l'esquiver.

Je sens le tranchant frôler mon visage, m'entaillant le sourcil gauche ainsi la joue.

Une vive douleur me brûle alors ma peau, comme si je prenais feu. Pendant un instant, la douleur est si vive que je crois avoir perdu la vue. Je ne vois plus que des formes indistinctes et me retrouve incapable de différer mes ennemis de mes alliés. Je ne vois plus.

Je tâtonne, effrayée à l'idée d'être ainsi exposée à la merci de tous. La panique me fait tressaillir. J'entends autour de moi le tintement de l'acier et les rugissements d'un félin. Le temps s'écoule au ralentit et la vue ne me revient pas.

Soudain, une goutte de sans tombe dans mon œil, l'instant d'après, je vois de nouveau. La panique qui me submergeait retombe.

Dihya, changée en panthère, se jette sur un Garde prêt à me trancher la gorge avant d'en faire de la charpie. La vue d'une dizaine de corps déchiquetés, exposants à l'air libre leurs entrailles, me donne la nausée.

D'un mouvement de tête, Dihya me fait signe de la rejoindre. Je réduis la distance qui nous sépare aussi vite que mes jupons me le permettent et grimpe sur son dos.

La herse, encore ouverte, commence à se refermer sous nos yeux. Je jette un regard vers Seth, pris entre cinq Gardes. Je m'apprête à aller lui prêter main forte mais Dihya pousse un grognement de protestation.

- Partez sans moi, nous crie-t-il avec un sourire qui se veut rassurant.

Quoi ?

J'ai à peine le temps de comprendre la signification de ses paroles que Dihya a déjà passé la herse, s'enfonçant dans les bois à toute allure.

La Prophétie des Ombres : Le Prince et l'Orpheline (T1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant