La Prophétie des Ombres : Le Prince et l'Orpheline (T1)

Chapitre 49 : Je suis devenue la mort, le destructeur des mondes

Cela ne fait que quelques semaines que j'ai repris connaissance et Seth me fait déjà regretter d'être revenue à moi. Il m'évite à longueur de journée, ne s'adresse à moi qu'avec un mépris non dissimulé et une rancœur amer. Il me traite comme la pire des traîtresses. Au début, j'encaissais ses remarques acerbes et ses regards noirs mais à présent qu'il continue de s'acharner, je refuse d'être son sous fifre. Alors je fais ce que Magnus m'a toujours appris, je rends les coups.

Aujourd'hui, pourtant, alors que je nettoie la grange, Seth s'avance vers moi, le visage fermé.

- Prends tes affaires, nous allons nous entraîner dans la forêt, déclare-t-il.

Puis il fait demi-tour. Je me doute que cette proposition cache quelque chose et qu'il a probablement une idée derrière la tête mais je suis trop heureuse pour refuser.

Je n'ai plus approché une seule arme depuis la mort d'August, il est temps pour moi de reprendre du service.

Je laisse la grange et mon balai pour me précipiter à l'écurie où je selle mon cheval plus vite qu'un jeune écuyer impatient de partir pour sa première aventure.

J'aime la forêt, elle a toujours été un refuge pour moi et m'y balader m'offre réconfort et apaisement.

Ballottée par les mouvements de mon destrier, je laisse mes pensées dériver tout en observant les alentours verdoyants.

Maintenant qu'August est mort, nous sommes libres, Seth et moi. Nous ne pourrons pas vivre éternellement chez Ilda, nous devrons trouver notre propre refuge une fois que les choses se seront calmées. Nous pourrions nous installés dans la forêt. Chasser de quoi se nourrir, nous baigner dans la rivière. Nous serions heureux. Enfin, s'il me pardonne un jour. Les Fymawæ sont des êtres extrêmement rancuniers, sans doute parce que leur immortalité le leur permet. Ils n'ont pas à se soucier de pardonner.

- Nous sommes arrivés, déclare Seth en démontant de Valdor, le cheval qu'Ilda lui a prêté.

Nous nous trouvons dans une vaste clairière dans laquelle se déverse une petite cascade. Des oiseaux chantent à la cime des arbres, les rires enchanteurs des fées raisonnent et le doux bruit du ruisseau qui s'écoule apporte une certaine sérénité. Cet endroit est absolument magnifique, chargé d'une énergie apaisante qui contraste avec l'air renfrogné qu'affiche constamment Seth.

J'attache mon cheval à un arbre et le laisse pâturer. Mon regard vagabonde dans la clairière. Il y a toutes sortes de fleurs et de créatures ici, allant des animaux les plus ordinaires comme les écureuils aux créatures magiques comme les sylphides qui dansent dans les airs.

Malgré toute cette Magie qui tournoie autour de moi, ce sont ces étranges fleurs mauves et bleues qui s'enroulent autour des arbres qui attirent mon attention. J'ai beaucoup étudié la botanique, pourtant, c'est la première fois que je vois une plante de cette espèce.

- Ne t'avise surtout pas d'en cueillir une, me prévient Seth. Ni même de les effleurer.

- Pourquoi pas ? demandé-je.

Cette fleur a peut-être des propriétés médicinales insoupçonnées qui pourraient m'aider dans mes recherches sur les poisons. Forcée d'occuper mes journées, je me suis découvert une passion pour l'alchimie et la médecine, même si ce n'est plus vraiment nécessaire. Il est toujours bon de savoir différencier une plante qui peut sauver la vie d'une plante qui peut vous la prendre.

- Parce que ces fleurs ne poussent jamais seules et que ceux qui les font pousser n'apprécient pas qu'on y touche, me met-il en garde. Au lieu de contempler le paysage, viens te battre.

Cela, il n'a pas besoin de le répéter. J'attends cet instant depuis mon réveil.

Je reste dos à Seth, qui doit être en train de s'impatienter, et dégaine discrètement une de mes dagues.