L'hôpital, antinomiquement, se trouvait être un lieu de vie. De nombreuses personnes, allaient et venaient, se rencontraient puis se quittaient. On y soignait les maux, les blessures, les douleurs. On y soignait sûrement plus qu'on y mourrait. Parce que, malgré les croyances populaires, l'hôpital ne se résumait pas à ses murs blancs, ni à l'air impregné de l'odeur de désinfectant. Ici, on pouvait aussi trouver des enfants qui vivaient, des adultes plein d'espoirs, du personnels en quête de réponses. Il n'existait pas une seule vision de ce monde, seulement empreinte de teintes sombres.
Pourtant, de temps à autres, la mort devenait omniprésente, dans chacun recoins des bâtiments, des couloirs, des chambres, et des lits. Elle se présentait aux patients, comme une évidence qu'ils ne pouvaient éviter. Elle s'annonçait aux visiteurs, qui ne pouvaient que l'accepter.
L'hôpital abritait les joies et les pleurs ; les soignés, les soignants. Mais il accueillait, avant tout, la peur, qu'importe la forme qu'elle pouvait prendre. Chacune des entrées en était imprégnées, et lors des sorties, elle n'était que plus forte, plus présente, bien que plus diffuse. Chaque émotion se retrouvait multipliée.
Kal se sentait oppressée, étouffer, dans cette petite pièce, alors que se tenait en face d'elle le médecin en charge de son frère, ainsi que l'équipe de coordination hospitalière. Malgré les présentations, elle ne savait pas faire clairement la différence entre eux, et chaque mot prononcé ne faisait que renforcer son incompréhension. Chacune des paroles prononcées ne parvenaient à elle qu'en simple brise. Elle ne retenait des échanges, que les léger souffles, émis lors des vibrations des cordes vocales.
Et cela n'était pas une question de volonté. Kal tentait de s'y accrocher. De toute ses forces, elle se concentrait. Pourtant, l'évidence se trouvait là. Elle ne parvenait pas à s'appliquer plus de quelques secondes, avant que tout ne devienne flou. Les médecins, face à elle, s'y reprirent à de nombreuses fois, avant de parvenir à obtenir une réponse.
-" Non, il n'avait jamais émis un quelconque avis sur ça."
Voila la seule phrase que s'était sentie prononcer la jeune femme depuis son arrivée. En quelques mots, elle remarqua les équipes se précipiter, s'affoler. Elle comprenait que quelque chose pressait. Seulement, il semblait lui manquer un élément. Le verdict lui avait déjà été annoncé. Alors pourquoi diable, fallait-il que l'on se presse ?
Le monde semblait tourner autour d'elle. Elle ne voulait pas l'accepter. Comment pouvait-on continuer à vivre alors même qu'elle venait de perdre sa propre raison. Il lui paraissait de n'être devenue qu'une simple statue décoratrice. Plus personne ne faisait attention à elle, et durant ces quelques instants, elle se sentie comme son frère.
Morte.-" Excusez-nous de nos explications tardives. Il est important que nous prélevions rapidement les organes avant qu'ils ne se dégradent. C'est pour cela qu'il va nous être difficile de vous tenir au courant de tout, à temps. Dans un premier temps, des analyses biologiques vont être réalisées sur le corps de votre frère, afin vérifier sa compatibilité avec un possible receveur. Par la suite, on va se mettre en relation avec les services régionaux. Si un prélèvement à lieu, vous serez immédiatement informée." Finit par expliquer l'un des médecins, qui venait apparement de percevoir le trouble de la jeune femme.
Pour Kal, rien n'avait de sens. Comment, son frère, mort, pouvait-il faire don de quoi que se soit ? Elle ne comprenait pas pourquoi ses organes ne fonctionneraient pas pour lui, mais serviraient à faire survivre quelqu'un d'autre. Rien n'avait de sens. Il était pourtant logique que si ses organes continuaient à vivre, lui aussi. Néanmoins, elle se retient de poser de question, et se laissa envahir par cette fatalité. Le monde n'était qu'injustice, et comme toujours, son frère en subissait les frais.
-"Peut-être avez-vous des questions ?" Reprit le médecin, peu convaincue par ses hochement de têtes frénétiques.
Elle ne supportait pas le ton empreint de pitié du personnel. Son corps devenait que colère, et, en aucun cas, une autre émotion ne parvenait à prendre le dessus. La déception, la peur ou la fatalité qu'elle ressentait jusqu'à lors semblaient ne plus avoir lieu d'être. Elle n'épprouvait, ni tristesse, ni peine, alors qu'elle n'arrivait à formuler ne serait-ce qu'une simple phrase. Ses braids se secouèrent une nouvelle fois en même temps que sa tête, tandis que ses lèvres tremblaient. Finalement, après une brève mains sur l'épaule, la jeune grecque se retrouva une nouvelle fois seule, au milieu de la pièce.
Maintenant, elle se devait de réfléchir à la suite. Elle aurait pu citer parfaitement les démarches, étapes par étapes, lors du décès d'un proche. Elle les connaissait sur le bout des doigts. Pourtant, en cet instant, elle ne pensait qu'au sweat, resté sur sa table basse du salon. Elle pouvait le visualiser parfaitement. Il était étendu, de long en large, la manche gauche dépassant, touchant le sol, alors que la capuche était légèrement froissée. Durant des mois, son frère l'avait réclamé. Elle calculait le temps de trajet entre l'hôpital et chez elle, aurait-elle le temps de faire l'aller-retour ?
Elle ne voulait pas le garder en sa possession. Elle ne pouvait pas le garder en possession. Automatiquement, sa main se serra autour de sa manche. Son sweat lui brûlait la peau, comme s'il cherchait à la faire culpabiliser. A croire que la mort ne suffisait pas.
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La fin du monde | Charles LECLERC
FanfictionLorenzo avait besoin d'un cœur. Le cœur d'Ale était inutile. Ainsi, Charles et Kal se rencontrèrent, un peu après la fin du monde.