La Prophétie du Sphinx

Épilogue : Un téléphone et une promesse

"T'inquiètes pas, je te dis ! rassura Kévin tant bien que mal devant son ordinateur portable. Y'a pas eu d'embrouille, et pour le moment, tout se passe bien.

-Te fous pas de moi ! lui répondit une fille de l'autre côté de l'écran. Comment veux-tu que je reste tranquille alors que tu me racontes tout ça !?"

Kévin leva les yeux vers le ciel. Léonie, sa copine, avait ce don incroyable de tout dramatiser. Depuis que le jeune homme était arrivé aux Etats-Unis d'Amérique pour y rester quelques jours, elle se faisait un sang d'encre, allant jusqu'à l'appeler toutes les heures. Cependant, dès son escale, Kévin constata que toute communication avec qui que ce soit avec son téléphone était impossible. Les opérateurs français n'étant plus associés à ceux des américains, le jeune homme n'avait plus d'autre choix que d'utiliser son PC portable pour communiquer avec l'Europe. Son arrivée à l'aéroport fut également marquée par un passage à la douane, où il passa quelques heures à se faire fouiller et questionner. Contrairement à sa petite amie restée au pays, Kévin s'y était préparé depuis très longtemps, bien avant de la rencontrer.

"Dis-moi au moins que l'hôtel t'a pas fait payer un extra parce que t'es français ! se scandalisait-elle.

-Mais non, ça va. La wifi y est même gratuite, avec un bon débit. On pourra jouer ensemble à Minecraft si tu veux, rajouta Kévin en tentant d'apaiser sa petite amie. Profites-en parce que dès demain, je...

-Je m'en fiche de jouer. Ce que je veux, c'est que tu me promettes que tout se passera bien et que tu reviennes le plus vite possible !"

Il soupira, sans le cacher. Ce n'était pas la première fois que cette conversation avait lieu entre eux, et le jeune homme allait devoir se répéter.

"On en a déjà parlé, et tu m'as promis de ne pas faire une scène une fois que j'y serais. Il ne m'arrivera rien ! D'accord ? Et je vois pas ce qui pourrait se passer de grave...

-Non, bien sûr que non. T'es dans un pays où le port d'armes est légal, pour en plus y faire une visite dans une prison. C'est très rassurant.

-C'est peut-être à cause de ce genre de stéréotype que les ricains veulent plus nous causer. Enfin bref, essaie de te détendre un peu.

-Mais...

-Non ! coupa-t-il fermement. J'en ai marre ! On s'était mis d'accord. Si tu continues, non seulement tu n'auras plus de nouvelles mais je prolongerai aussi mon séjour. Là, tu pourras t'inquiéter pour de vrai !"

Un froid tomba entre le couple. Kévin ne voulait pas en arriver là, mais en plus de cette journée éreintante, avoir ce genre de discussion était tout sauf ce qu'il avait envie de faire. Utiliser son "traumatisme" pour la faire taire ne l'enchantait pas non plus. Cependant, cette envie pressante d'aller sur le nouveau continent était réel, et il y était enfin. Personne, ni même Léonie, n'allait l'empêcher d'aller jusqu'au bout. Certainement pas après tous les moyens qu'il avait rassemblé pour arriver à rendre ce voyage possible. L'inquiétude dans son entourage fut grande lorsqu'il officialisa ce projet. On lui avait répété sans cesse les risques d'entreprendre un tel voyage... Des dangers bien dérisoires comparés à ce qu'il avait vécu dans un autre monde quelques mois plus tôt. Quand on lui racontait qu'il pouvait se faire braquer dans n'importe quelle banque ou épicerie, il repensait sans cesse à la fois où il dut se défendre avec une brosse à dents contre une tueuse à gage. Mais ça, il n'y avait que lui pour le savoir.

"Bon, je vais pioncer, finit par dire Kévin, lassé. Je suis claqué à cause du décalage horaire. Je te tiens au jus.

-Et y'a intérêt. Envoie-moi des photos, hein ? Bisou je t'..."

Il ferma le PC portable avant même de la laisser finir, et ça, Kévin savait que ce ne serait pas sans conséquence. Une lueur d'espoir dans son esprit espérait qu'en faisant ça, sa petite amie allait comprendre qu'il avait besoin de respirer. Lui qui avait espéré que son appel avec elle se serait bien passé, ce fut tout l'inverse. Une dispute qui creusa les méninges du voyageur une fois de plus sur cette relation. Car en vérité, Kévin n'éprouvait plus autant de sentiments pour elle qu'au début, voire presque plus. Léonie était une fille sympa avec qui il partageait des bons moments. À la longue, cet attachement s'estompa au point que la saveur des débuts finit par disparaître. La seule raison qu'il le poussait à ne pas rompre était pour ne pas lui faire de mal, et surtout, parce que les brefs plaisirs qu'il avait avec elle lui rappelaient une autre relation passée. Une sensation qu'il ne voulait pas perdre, quitte à la vivre à travers une autre.