7:Iraan quoi?

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_Bouge de là Iraan!

_Je suis amoureux bordel! Sois un peu compréhensif, crie ce dernier affalé sur le lit.

Armel était rentré depuis une heure et son grand frère avait déboulé chez lui, les idées embrumées par l'alcool. Iraan n'était pas alcoolique, loin de là, il appréciait tout simplement les liqueurs et tenait parfaitement l'alcool, si bien que cela ne se voyait guère. Il pouvait conduire et tenir une conversation normale, sa démarche paraissait un peu bancale mais rien de bien grave et ses yeux un peu rougis. Malgré tout cela, on ne l'avait jamais retrouvé dans un bar ou dans un autre endroit que chez lui ou chez ses frères.
Aujourd'hui, le grand Iraan, le Don Juan de la famille clamait l'amour tel un poète. Depuis son arrivée, il disait avoir donné son cœur à un femme du nom de Kora et imaginait à voix haute leur mariage. Son frère ne le croyait pas, il était amoureux de toutes les femmes qui l'attiraient, il disait qu'elles avaient toutes le droit d'être aimées par lui, qu'elles méritaient son doux amour...

_Amoureux? Tu ne sais même pas ce qu'est l'amour, dit Armel en le regardant avec dédain.

En réalité, les deux avaient une définition flou de ce sentiment que tout le monde semblait connaître; l'un, parce qu'il préférait l'amusement et l'autre, parce qu'il ne voulait pas perdre son temps pour quelqu'un qui l'abandonnerait à la moindre difficulté. Armel avait toujours imaginé un jour rencontré sa moitié et ne plus jamais s'en séparer pour l'éternité, il avait eu pour exemple le mariage de ses parents qui reflétait l'amour à des kilomètres. Ils s'adoraient tellement qu'ils étaient jalousés mais cette jalousie n'était rien face à cet amour.

_Si je me mets à parler au sujet de l'amour, je serai trop philosophe pour ta cervelle de moineau, affirme Iraan en balayant l'air.

_Je n'ai pas envie de t'écouter raconter des bêtises. Laisse moi mon lit, je bosse demain, dit-il en poussant son frère.

_Oui c'est vrai, crie-t-il, raconte moi ta journée petit, demande-t-il en tapotant la place du lit près de son corps étalé comme un vieux t-shirt.

Il est vrai que cette première journée était très atypique. Elle sortait vraisemblablement du lot de toute les premières journées qu'il avait vécues. Il y avait premièrement sa rencontre avec la directrice adjointe qui était plutôt douce et simple, la petite intervention d'Ulysse sans la moindre once de tendresse et sa discussion avec l'extravertie Pénéloppe agrémentée par l'arrivée de son frère Dylan. Effectivement cette journée n'était pas comme les autres et le jeune travailleur s'était empressé de raconter ses aventures du jour à son grand frère qui l'avait littéralement supplié de mettre un peu de potins dans sa vie "sans couleurs".

_Ils sont ensemble? Demande Iraan.

_Qui ça? Demande à son tour le cadet, ne sachant pas de qui parle son frère.

_Ulysse et euh...

_Pénéloppe?

_Exactement.

Il est vrai qu'à leur sortie du restaurant les deux employés avaient l'air plus détendus et assez proches. Armel pensait aussi qu'ils étaient un couple mais cette idée était allée se ranger loin dans un coin de sa tête car il ne voulait pas tirer des conclusions sur le moment et encore moins être trop curieux. Après tout, il venait à peine de se rencontrer et ce n'était pas à un inconnu qu'ils allaient déballer la nature de leur relation.
Comme toute réponse à la question de son frère, il haussa ses épaules dans un geste nonchalant pour lui signifier que ce n'était pas très important.

_Je te connais, tu es un curieux et une grosse commère! En attendant que tu viennes me donner la réponse à ma question laisse moi te dire ce que je sais de l'amour, celui avec un énorme A, dit Iraan la main sur le cœur comme s'il allait prêter serment.

_Le canapé est libre alors va-t-en, répondit-il en souriant.

_J'ai besoin d'en parler Armel, Joachim n'est pas là pour parler avec moi et tu sais que c'est dur de le joindre, Marcie me chassera si elle voit que je suis bourré et maman sera trop enthousiasmée pour vraiment m'écouter.

_C'est tellement irréaliste, tellement nouveau que j'aime autant quelqu'un que... que j'ai peur. Laisse-moi au moins me confesser disons, demande Iraan suppliant.

Le jeune homme ne comprenait pas très bien pourquoi son frère insistait autant. Il n'était pas de nature timide et même lorsqu'il disait aimer une fille, il n'avait pas l'air aussi désarmé. Peut-être était-il vraiment amoureux cette fois-ci.

Même si le visage suppliant de son frère le touchait, Armel n'arrivait pas à le laisser s'exprimer. Ce n'était pas qu'il ne voulait pas l'entendre mais il n'avait simplement pas envie de ruminer sur le sujet après.
Armel et Iraan étaient extrêmement proches, ils se disaient tout et Iraan en bon Don Juan, racontait à son frère ses sorties en amoureux. Au début, ça ne dérangeait pas le cadet mais au fil du temps, il ne se sentait plus à l'aise. Il n'avait ni copine, ni "prétendante" ou "bail" comme le disait son frère, et il commença à se sentir inférieur à ses deux frères. Joachim était déjà fiancé et Iraan enchaînait les relations alors que lui, ne se concentrait que sur ses objectifs.
Plus le temps passait, plus les frères s'eloignaient. Iraan et Armel ne parlaient plus beaucoup et cela ne dérangeait pas le cadet au contraire, ça l'arrangeait. L'entendre essayer de remettre le sujet des amours sur la table était troublant et il faisait tout pour ne pas en parler, en tout cas, pas maintenant.

_Je vois bien que depuis un certain temps tu es plus renfermé, mais sache qu'on est tous là pour toi, maman, Joachim et moi, dit le deuxième garçon Enkhozi en se levant maladroitement pour se diriger vers la porte.

_Pourquoi tu ne lui dis pas tout ce que tu as tant envie de me raconter? Le questionne Armel avant qu'il ne passe la porte.

_Faut croire que ce truc me rend timide, sourit-il avant de sortir de la chambre.

"Iraan, amoureux, timide? Et puis quoi encore?"

Un Soupçon d'amour Où les histoires vivent. Découvrez maintenant