Le corps sous le ponton

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Toutes les chaînes de télévision ne diffusaient plus que ça à l'heure des informations. Cette nouvelle choqua le pays tout entier : un corps avait été retrouvé sous un ponton près des quais de débarquement des bateaux de transport de marchandises. Un des marins, qui avait décidé de prendre une pause s'était assis au bord du ponton, admirant le bleu de l'océan et les vagues qui déferlaient avec panache, s'écrasant contre le muret et les coques des bateaux. Il avait allumé une cigarette d'un paquet qu'il avait acheté au prix fort à l'étranger, lorsqu'il vit sous ses pieds, flottant dans l'eau, plusieurs paquets noirs. Cela lui sembla suspect. Lors de son interview, il déclara aux médias :

- J'ai trouvé ça bizarre, alors je suis allé les repêcher. J'ai ouvert l'un d'eux et je suis tombé sur ce cadavre.

Il était tellement choqué par cette découverte, qu'il avait du mal à rassembler ses pensées et tremblait comme une feuille. Lorsque la police arriva, il fut transporté au commissariat afin de recueillir sa déposition.

Le corps avait été découpé et dispersé dans plusieurs sacs poubelles. Sur le terrain Gabrielle Ambrose et son assistant, regardaient le corps de la victime avec désarroi. Après avoir passé autant de temps dans l'eau, le corps était méconnaissable et l'identification par quelqu'un de proche n'était plus possible. L'odeur infâme avait envahi les environs et Stan, qui, malgré les deux mois qu'il avait passé aux côtés de Gaby, n'était toujours pas habitué aux odeurs, s'éloigna de quelques mètres. Le corps fut immédiatement envoyé à la morgue afin de déterminer la cause de la mort et , avec un peu de chance, trouver quelque indice qui pourrait éventuellement mener à un suspect.

- À vu de nez, et vu les coupures nettes, le tueur n'en est pas à son coup d'essai. Il a une précision presque chirurgicale. Les parties du corps ont été découpées au niveau des articulations. C'est tout ce que je peux affirmer pour le moment. Confia le médecin légiste à l'inspectrice Ambrose.

Les deux agents de police retournèrent à leur bureau, décontenancés par cette découverte abjecte. Non seulement ils se retrouvaient avec un meurtre sur les bras, mais en plus de ça, l'enquête qu'ils avaient commencés par la signalisation de Réo avait été avortée faute de preuves suffisantes qui pouvaient déterminer un réel danger. Mais sans savoir pourquoi Gaby et Stan avaient une intuition dérangeante. Pour eux l'homme décrit par le jeune Diaz était sûrement mêlé à ce crime. Mais comment le prouver ? Il fallait déjà qu'ils puissent le retrouver et pour cela ils avaient besoin du jeune homme. Sans attendre, ils le convoquèrent afin de recueillir son témoignage. Seulement rien ne se passa comme prévu.

- Je ne peux rien vous dire à son sujet, déclara Réo qui ne savait pas ce qu'il devait dire maintenant qu'il connaissait les réelles intentions d'Ethan. Cela fait un moment que je ne l'ai plus revu.

- Depuis combien de temps n'a-t-il plus réapparu ? Demanda Stan qui prenait des notes sur un ordinateur portable.

- Je dirais quelques semaines. Il a disparu du jour au lendemain.

- Ne vous a-t-il rien dit ou fait ?

- Non. Bizarrement il ne m'a jamais fait de mal. Mais pourquoi me posez-vous ces questions ?

- Nous pensons qu'il pourrait être l'auteur d'un meurtre. Vous ne savez vraiment rien  ou ne voulez-vous rien dire par peur d'éventuelles représailles ?

- Je ne sais rien. Affirma Réo le stoïquement du monde.

Il ne voulait pas impliquer son ami dans une histoire aussi horrible. Malgré tout il avait un doute sur l'implication d'Ethan. Après tout il avait assassiné le voisin de Nathan de sang froid sans même regretter son geste une seule seconde. Les deux agents le regardèrent un moment, espérant déceler une once d'hésitation dans son attitude. Mais en vain, le jeune homme tenait bon. Faute d'informations utiles, ils durent finalement le libérer. Lorsqu'il fut parti, Stan, qui tapait la table du bout des doigts se tourna vers Gaby.

- Je ne crois pas un mot de tout ce qu'il nous a dit.

- En même temps, il n'a pas dit grand-chose...

- Justement, un harceleur qui profère des menaces sans jamais passer à l'acte ? T'as déjà vu ça toi ?

- Ce qui m'embête le plus, c'est qu'il n'a absolument pas l'attitude de quelqu'un qui se fait suivre et harceler. Normalement il devrait être mal à l'aise, angoissé, mais non , lui il était d'un calme olympien. C'est ça le plus étrange.

- Ouais. Il nous cache quelque chose. On fait des recherches sur lui ?

- Exactement ! Au boulot le bleu !

- Tu vas me donner un coup de main quand même ?

- Non ! Je m'occupe d'autre chose. Mais j'accepte de t'offrir le repas et le café.

- C'est déjà ça ! Je prends !

A peine fut-il sorti du bâtiment, Réo envoya un énième message à Ethan. Mais contrairement aux précédents, celui-ci témoignait une certaine détresse. Il se rendit dans un café et invita son ami à le rejoindre. Il attendit encore et encore. Finalement aucun signe de sa part. Désespéré, il s'enfonça dans le fauteuil et regarda les pâtisseries qui étaient en vitrine. Il alla payer sa boisson et acheta une vingtaine de petits gâteaux.

- Ça fera plaisir à Charlie. Se dit-il en espérant que son geste plaise à son père de cœur.

Alors qu'il s'éloignait petit à petit du lieu de rendez-vous, il vit Ethan, debout devant lui, qui lui faisait signe de le suivre. Il l'emmena dans un petit bar qui se trouvait dans une toute petite allée entre deux immeubles. Ils s'installèrent au comptoir et Ethan commanda un whisky sec.

- Tu veux quelque chose ? C'est moi qui offre. Demanda-t-il.

- Non je viens de boire un thé glacé et il n'est même pas midi...

- Il n'y a pas d'heure pour boire... Sinon, dis moi, qu'est ce que les flics te voulaient ?

- Ils m'ont posé des questions sur toi. Mais ne t'inquiètes pas, je leur ai dit que je ne savais rien. Mais il y a une question que je me pose.

- Dis moi.

- Ils ont retrouvé un corps découpé en morceaux sous un ponton du port... Est ce que tu as quelque chose à voir avec ça ?

- Bien-sûr, puisque c'est moi qui l'ai tué.

- Mais ... Pourquoi ? J'ai pourtant fait tout ce que tu m'as dit !

- Et moi je t'ai promis de te protéger.

- C'était qui ? Pourquoi ?

- Il allait finir par découvrir notre secret. Je ne pouvais pas le laisser faire.

- Réponds moi, c'était qui ?

Il but son whisky d'une traite et regarda Réo avec un grand sourire avant de répondre :

- Nathan Smith.

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