Chapitre 4 2/2

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La portière du conducteur s'ouvre, laissant le passage à l'inspecteur qui me fixe, l'air mécontent.

Ce n'est peut-être pas non plus le meilleur endroit pour discuter, mais il est trop tard pour faire marche arrière.

Je pose la main sur la poignée, ouvre la porte et descend de ma voiture pour lui faire face.

— Pourquoi vous me suivez ? demande-t-il sans perdre de temps, les bras croisés, son corps appuyé contre la carrosserie.

Inutile de nier, ce serait juste le prendre pour un con. Ce qui n'est pas dans mon intérêt, parce même si je pourrai dire que j'ai agi sur une impulsion sans idée derrière la tête, la vérité c'est que :

— J'ai besoin de votre aide.

Il veut qu'on soit direct, alors allons-y, droit au but.

— J'ai peur d'avoir compris, dit-il en arquant un sourcil. Et ça ne me plaît pas.

— Ça ne vous plaît pas ? ne puis-je m'empêcher de répéter. Parce que vous pensez peut-être que ça me plaît à moi ? Je ne suis pas vraiment du genre à demander de l'aide des autres, mais je sais reconnaître quand une situation est merdique.

J'avance d'un pas, le regard planté dans le sien.

— Et puis, vous me devez bien ça, non ?

— Comment ça, je vous le dois ?

— Peut-être parce que si vous aviez fait votre travail correctement, vous auriez vu qu'il y avait un problème avec votre légiste.

— Parce que si un de vos collègues était un alcoolique, vous le sauriez-vous, peut-être ?

Touché.

Sur ce coup-là, je suis obligée de reconnaître qu'il marque un point. Ces gens savent le cacher aux autres. Tout comme ceux qui frappent femme et enfants. Ceux-là, je les connais par cœur. Et même si j'en ai conscience, ce n'est pas pour autant que je dois le reconnaître à voix haute.

— Maintenant, vous le savez, vous ne pouvez plus vous cacher derrière l'ignorance, répliqué-je, la tête haute.

— Ecoutez, commence-t-il en avançant dans ma direction, je suis vraiment désolé pour votre sœur, mais ce n'est pas une raison pour me filer et...

— Je vois, le coupé-je brutalement en reculant d'un pas, la colère bouillant dans mes veines. Vous êtes comme les autres, en fait. Vous ne valez pas mieux que vos supérieurs.

Je fais encore un pas en arrière, prête à remonter en voiture.

Cette idée aussi était complètement stupide !

Je me suis laissé berner par sa présence à l'enterrement d'Hope, par son regard quand j'ai glissé le papier dans sa main.

Rare sont les personnes qui me voient, qui tentent de m'approcher à l'inverse de ma jumelle. Elles sont peu nombreuses à se détourner de la lumière pour s'approcher de l'ombre, mais elles sont en règle générale dignes de confiance.

— Il me reste qu'une seule chose à faire, ajouté-je avant d'ouvrir la portière.

Une main se pose dessus, retenant mon mouvement. Parker a envahi mon espace personnel, son corps pressé dans mon dos, au point que l'odeur de son parfum aux touches de Tonka m'enveloppe comme une couverture.

— Qui est ? Je vous rappelle que vous parlez à un officier de police. Vous devriez faire attention à vos propos.

— À un officier qui ne peut rien me faire tant que je ne vais pas à l'encontre de la loi, lui rappelé-je, avec un sourire ironique. Et parler à un journaliste n'est pas encore interdit, il me semble.

Je me retourne, pour lui faire face. Nos visages se retrouvent à quelques centimètres l'un de l'autre. J'avais déjà remarqué la profondeur de ces cicatrices le jour de la mort d'Hope, quand il s'est accroupi pour me parler, mais perdue dans la douleur de ma perte, je l'avais dévisagé sans prendre réellement le temps de m'y attarder. Cette fois-ci, les sillons marbrés mal cicatrisés qui marquent sa peau me laissent sans voix. Chacune d'entre elles témoignent de son histoire et de son vécu. Comme celles qui ont laissé leur empreinte sur la mienne. Ce sont des marques irrégulières, de différentes tailles et profondeurs, qui révèlent la violence de l'attaque qu'il a traversé. Ou de l'accident.

Son téléphone vibre, nous sortant de cette bulle qui s'était instauré entre nous. Il se décale, sort l'appareil de sa poche et jette un coup d'œil sur l'écran, ses traits se peignant d'une expression ennuyée.

J'en profite pour reprendre mes esprits et ouvrir la portière.

— Je vais devoir vous laissez, m'annonce-t-il, en relevant la tête.

— Je ne vous retiens pas, inspecteur. Nous avons tous les deux des choses à faire, visiblement, lâche-je en me glissant derrière le volant avant de claquer la portière

Un « toc » m'empêche de démarrer. Parker me fait signe avec sa main de baisser la vitre. Je m'exécute, non sans montrer mon mécontentement d'un regard noir.

— Ecoutez, transmettre des informations confidentielles à un journaliste n'est pas une bonne idée, vous savez. Vous allez vous mettre à dos des personnes influentes.

Sa main se perd dans ses cheveux courts à plusieurs reprises avant qu'il ne lâche un :

— Je vais voir le nouveau légiste, attendez au moins son avis avant de faire quoi que ce soit.

Ses yeux se perdent dans les miens.

— S'il vous plaît, me supplie-t-il, en appuyant sur chaque mot.

Celle-là, je ne m'y attendais pas, et j'avoue que j'en reste bouche bée.

Je vais prendre votre silence pour un « oui », ajoute-t-il avant de rejoindre sa voiture sous mon regard étonné. 

A l'ombre de sa mortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant