Chapitre 3 1/2

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Aiden


L'élancement dû à des fourmillements dans mon pied gauche me rappelle que je suis assis depuis bien trop longtemps sur ce siège jugé suffisamment confortable par ma hiérarchie qui a préféré investir dans ce matériel plutôt que dans des casques anti-bruit. Même si je les remercie d'avoir enfin mis à la poubelle les vieilles chaises en bois qui ressemblaient étrangement à celles des écoliers et qui irritaient mes oreilles dès l'aube à cause des grincements sonores pour les remplacer par des fauteuils de bureau sur roulettes, je n'aurais pas été contre quelque chose qui me permettrais de m'isoler du brouhaha constant de cet open-space. Surtout quand, comme à l'heure actuelle, cela m'empêche de terminer efficacement un rapport.

La sonnerie du téléphone de ma collègue qui occupe l'espace juste en face du mien achève ma motivation.

Il me faut un café, fort et tout de suite.

Je me lève, me dégourdissant les jambes par la même occasion, et traverse ce qu'on nomme entre nous le hall des curiosités, où tous les agents tentent de travailler avec plus ou moins de succès.

La journée étant loin d'être finie, le trajet jusqu'à la salle de pause s'apparente à un parcours du combattant. Pour y accéder, il faut apprendre à marcher d'un pas vif, tout en évitant les obstacles sur notre chemin. Ne surtout pas être au ralenti. Ne pas croiser le regard d'un collègue au risque d'être pris dans une toile d'araignée et de devoir supporter une énième anecdote sur sa vie personnelle ou encore d'être obligé de lui porter secours sur un dossier. Je n'ai rien contre le fait de discuter ou d'apporter mon aide à l'occasion, mais pas quand j'ai besoin d'un café. Et encore moins aujourd'hui.

La pile de documents qui dort sur mon bureau ne va pas se remplir seule, sans oublier celle de Sabler. Mon coéquipier temporaire a choisi son moment pour se casser le bras et devoir se mettre au repos forcé. Il n'aura pas à perdre des heures à rattraper son retard administratif, alors que, de mon côté, c'est double peine.

Avec agilité, j'arrive à esquiver tous les pièges pour finir par arriver dans le couloir, où un homme aux tempes grisonnantes fixe avec appréhension un prévenu menotté à un banc. Son regard fouille les lieux de droite à gauche avant de finir par rencontrer le mien.

— Excusez-moi, me lance-t-il en s'approchant d'un pas rapide, comme pour mettre le plus de distance entre une menace et lui. Je ne suis pas au bon endroit, je pense. Pouvez-vous me dire où je dois aller ?

Je jette un coup d'œil sur le document qu'il a entre ses mains tremblantes, une convocation pour venir chercher les effets personnels d'une certaine Miranda Jorden. Sa femme ou sa fille, sans doute. Le nom ne me dit rien, il ne doit pas s'agir d'une de mes enquêtes ni d'une de Sabler.

— Reprenez l'escalier jusqu'à l'étage en dessous, puis suivez le couloir de droite jusqu'au bout.

L'homme me remercie d'un mouvement de tête et retourne sur ses pas pour emprunter le chemin indiqué.

L'espace qui sert à recevoir les familles des victimes a été déplacé à cause de travaux débuté au début de mois, retardés à cause de la Covid, provoquant une perte de repères tant pour les usagers, que pour les policiers. L'accueil au rez-de-chaussée s'en trouve parfois bouleversé. Je me détourne, prêt à reprendre mon ascension vers la salle de détente, juste au moment où un « Parker » retentit dans l'air au-dessus du bruit constant.

Trente seconde d'arrêt pour rendre un service et cela suffit à mettre mon projet à l'eau. Et voilà ! J'aurais dû rester sur ma ligne de conduite, mais le pauvre vieil homme n'avait pas mérité mon ignorance.

A l'ombre de sa mortOù les histoires vivent. Découvrez maintenant