Je n'ai même pas le temps d'émerger naturellement de mon sommeil que le téléphone se charge de me réveiller en sursaut. Tout en lâchant un grognement de mécontentement, je jette un coup d'œil à mon réveil.
9h22.
Je tente de calculer mentalement le nombre d'heure que j'ai dormi, mais mon cerveau est encore entouré de brume. Cela doit être quelque chose comme 5h, ce qui n'est clairement pas suffisant pour une journée de repos.
Je ne me suis pourtant pas couché tard. Je n'ai pas profité d'une veille de congé pour faire la fête au bar du coin comme certains de mes collègues.
C'est simplement le sommeil qui a décidé de me fuir. La visite de Faith Benett n'a cessé de me harceler. Et surtout son regard plein de détermination qui, malgré tout, ne suffisait pas à cacher pleinement la tristesse qui la hante. C'est quelque chose que je connais. Je vois la même chose à chaque fois que mes yeux se posent dans ceux de Warren.
Je me retourne, en ignorant la personne qui cherche à me joindre, et coince mon oreiller sur ma tête avec mes bras. Il n'est pas question de me lever tout de suite. Les urgences au boulot ne me concernent pas aujourd'hui. Quant à la liste des autres correspondants possibles, elle n'est pas très longue et tous peuvent attendre quelques heures de plus avant d'avoir de mes nouvelles. Ce n'est pas comme si je sortais d'une mission compliquée ou que le monde était en train de s'effondrer.
Yeux fermés, je tente de me rendormir, mais la troisième tentative court-circuite mes plans. Je bascule sur le dos en maugréant, faisant rouler mes muscles.
Fais chier !
Qui que ce soit, il va m'entendre et passer un mauvais quart d'heure.
Mécontent, je balaye les objets de la table de nuit pour choper l'appareil infernal. Ma main renverse le réveil qui s'écrase sur le sol dans un bruit sourd, désagréable. À cet instant, ma maladresse m'agace tandis que mes tympans m'en veulent et que mon esprit tente de s'éclaircir.
Mes doigts réussissent enfin à attraper le téléphone. Je le fais glisser jusqu'à mes yeux et comprend que c'est Hudson qui a tenté de me joindre à plusieurs reprises.
La légiste n'a qu'une seule raison de vouloir me contacter : le dossier Hope Benett. Elle a été rapide. Je ne pensais pas avoir de nouvelle dès le lendemain de ma visite. Je ne sais pas ce qu'il faut en conclure. Est-ce qu'elle a trouvé quelque chose ? Auquel cas, il faudra remettre en cause le rapport de Poulman. Ou alors, elle n'a rien, et dans ce cas, la sœur de la victime pourra faire une croix définitive sur ses menaces.
Quoiqu'elle ait à m'apprendre, il va falloir que j'aille faire un tour au Mariposa Market pour la remercier.
Les messages vocaux se succèdent, plus court au fur et à mesure, signe de son impatience grandissante. On dirait ma mère quand elle me harcèle de coups de fil, parlant à mon répondeur à chaque tentative. Elle soupire, grogne, enchaîne les plaintes. Hudson est identique.
À la hâte, je tape un texto, et me lève avant d'enfiler un bas de jogging qui traîne sur le sol et un tee-shirt que j'attrape dans la commode sans regarder.
Ma curiosité a pris le dessus sur la fatigue et est en train de l'emporter loin. Au pire, je n'aurai qu'à faire une sieste plus tard dans la journée, si elle réapparait dans le coin.
Ce n'est, de toute façon, pas la première fois que je fonctionne avec un minimum de sommeil. C'est un des risques du métier.
Sans prendre la peine de faire un détour par la cuisine, je me laisse tomber sur une chaise face à mon ordinateur en veille. Je mets en route le logiciel interne au département, qui nous permet de faire des réunions à distance. La lumière rouge se met à clignoter, signe que la caméra commence à filmer.
Une masse de cheveux roux apparaît à l'écran. La légiste a la tête baissée et ne fixe pas la caméra, donnant l'impression qu'elle est en train d'écrire quelque chose.
— Enfin, ce n'est pas trop tôt, inspec..., commence-t-elle en relevant le visage avant de s'interrompre brutalement.
Elle me dévisage quelque seconde, tout en se mordant la lèvre comme pour se retenir de parler, puis explose de rire aussi soudainement qu'une bombe dans un champ de mine.
Cette femme a reniflé trop de formol... ou vit dans sa bulle. Il faut avoir des synapses déconnectées pour travailler avec les morts, je le savais. J'en ai la preuve vivante maintenant.
— Je serais peut-être plus sociable si vous étiez moins con, dit-elle comme si elle récitait un mantra entre deux gloussements. C'est un message pour quelqu'un en particulier ?
— Quoi ?
Elle pointe du doigt mon torse. Je baisse les yeux et découvre que j'ai passé le tee-shirt que m'a offert mon frère pour Noël, l'année dernière. Il a trouvé l'idée particulièrement drôle, sachant que ma vie sociale est aussi vide qu'un désert.
— La liste est longue, lâché-je entre mes lèvres pincées.
— Est-ce que je suis dessus ?
— Pour le moment, non, mais ça peut encore changer. Surtout après votre réveil en fanfare un jour de congé.
— Je vais me faire pardonner pour ça, c'est promis. Je commence par la bonne ou la mauvaise nouvelle ?
— La mauvaise, me contenté-je de répondre en m'appuyant plus sur le dossier de la chaise, bras croisés.
Il faut toujours finir par une note positive. C'est comme pour la nourriture. Le repas est toujours plus réussi quand les derniers goûts qui subsistent sur notre palet font partie de ceux qu'on apprécie.
— Je vous parie une vitrine de cheesecakes qu'elle n'est pas morte de manière naturelle.
Hudson a un problème avec la nourriture, c'est certain, mais ce n'est pas le principal souci. Non ! C'est la teneur de son annonce qui est réellement problématique.
Je prends mon visage entre mes mains, sentant les ennuis arriver à grand pas.
Fais chier !
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A l'ombre de sa mort
RomanceFaith Benett refuse d'accepter les conclusions de la police concernant la mort de sa sœur jumelle. Elle en est sûre, Hope a été tuée, et elle est déterminée à le prouver. Quand le détective privé qu'elle a engagé obtient la copie d'un mail confident...