𝓒𝓱𝓪𝓹𝓲𝓽𝓻𝓮 6 ✔️

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Vendredi :

Je n'en pouvais simplement plus de vivre ainsi. Voir apparaître l'être que l'on aimait le plus sans cesse devant nos yeux sans jamais pouvoir le toucher, sans jamais acquérir la vérité commençait à ronger mon âme à petit feu.

J'étais en train de bousiller ma vie et le reste de santé mentale que je possedais. Je n'avais même pas l'impression d'avoir avancé depuis son départ. Depuis ce flashback, je n'arrêtais pas de pleurer. Je m'étais réveillée sur le sol, probablement m'étais-je évanouie.
Ces deux dernières nuits avaient été un véritable enfer, j'avais dû compter sur les somnifères pour trouver le sommeil, chose que je ne faisais plus depuis l'arrêt de mes anti-dépresseurs. Si je les avais arrêtés, c'était pour ne plus voir les regards remplis de pitié de mes amies. Je ne supportais plus que l'on me regardait ainsi, comme Simon l'avait fait, pourtant il était parti.

Tim avait remarqué ma mauvaise mine hier et m'avait gentiment proposé de m'envoyer les cours d'aujourd'hui pour me reposer. J'essuyais les larmes silencieuses qui déferlaient le long de ma joue et sortis une cigarette de mon jogging.

Ils partaient tous.

Papa, maman, Mélanie, Simon...

"Ils partent tous."

Cette phrase ricochait dans ma tête comme une balle rebondissante. Assise sur la bordure en béton du toit de mon immeuble, les pieds dans le vide, je regardais fixement les voitures circuler, les rangées d'arbres et les quelques feuilles qui résistaient à l'hiver dansaient dans le vent. Ce paysage était une preuve que la vie continuait, cela devait m'apaiser, cependant j'avais toujours cette impression qu'on me piétinait ma poitrine. J'allumais ma cigarette que je portais à mes lèvres dans un nuage de fumée.

Le soir de son départ après mon infarctus, je m'étais réveillée à l'hôpital avec Charlotte et Héléna à mes côtés. Héléna avait été prévenue par Simon qu'il partait, celui-ci, lui avait demandé de veiller sur moi.

Quel culot...

C'était son dernier signe de vie. Héléna m'avait retrouvé étaler sur le sol et s'était occupée d'appeler les secours. Quand je disais que je lui devais beaucoup, je songeais au fait que je lui devais littéralement ma propre vie.

Les pieds dans le vide, je ne ressentais pas le vertige submerger par tant d'émotions qui m'empêchaient de discerner l'une d'une autre. Je réalisais qu'à ce moment précis, mourir en tombant du toit ne signifierait rien, puisque je me sentais  déjà morte de l'intérieur. Je baissai les yeux sur mes pieds se balançant au-dessus de dix étages. Le vide que je ressentais en moi était mille fois plus grand que celui en face de moi, qu'est-ce qui m'empêchait de faire ces quelques pas ?

Probablement la peur de décevoir les gens que j'aime. Si j'étais en vie, c'était uniquement pour eux, alors je chassais cette vilaine pensée de mon esprit et tirai une nouvelle taff.

Le vent commençait à souffler et mes poils se hérissaient le long de mes bras nus, mais je n'y fis pas attention, je voulais savourer encore quelques secondes ce sentiment de hauteur, cela me donnait l'impression de pouvoir tout surmonter.

Des vibrations venaient briser ce silence faisant trembler la poche de mon jogging qui indiquaient un appel entrant. Je laissais vibrer quelques secondes, occupée à me demander si oui ou non, j'avais envie de décrocher.

Je finis par céder, portant mon téléphone à mon oreille sans songer à qui pouvait m'appeler.

- Oui ? Commençais-je, emplie de lassitude.

- Mademoiselle Wilson ? Je vous dérange ? Résonnait une voix grave au bout du fil.

Je jetais un coup d'oeil au nom qui s'affichait sur mon téléphone, mais n'y vit rien qu'un numéro, j'étais certaine qu'il s'agissait de Bart Jones.

Takotsubo Où les histoires vivent. Découvrez maintenant