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Le lendemain matin, les rouges-queues, merles et autres emplumés entamaient leurs joyeux chants diurnes avant même l'aurore. Trompés par les températures anormalement chaudes pour la saison, depuis la veille, ils se croyaient au printemps.
Pourtant, ce n'étaient pas ces bienheureux volatils qui réveillèrent Goulven qui s'affairait déjà depuis un bon moment. Une idée lui était venue le cueillir de bonne heure, l'empêchant de regagner le sommeil. Il s'était décidé à réorganiser ses affaires, qui, actuellement, jonchaient le sol. Cela faisait des semaines qu'il repoussait l'échéance. Certains recoins n'avaient pas été touchés depuis si longtemps, qu'il ne saurait dire à combien remontait la dernière fois qu'il s'en est occupé. Il savait que sa motivation n'était généralement que de courte durée. C'était pour cela que, grâce à la faible lumière de sa lampe à fluorine – une plante s'apparentant à un fougère, qui brille dans le noir – était déjà absorbé par sa tâche depuis un moment quand le soleil se montra. Il ignorait encore que sa vie allait prendre un tournant ce jour-là.

Il était sur le point d'achever le tri de ses vieux livres, tous offerts par son grand-père, lorsqu'un ouvrage en particulier attira son attention. Il dépassait à peine d'une armoire. C'était le bouquin que son grand-père lui avait lu à maintes reprises quand il était tout petit. C'est même avec lui qu'il lui a appris à lire. Goulven l'avait longtemps cherché en vain.

Comment est-ce qu'il a bien pu se coincer là celui-là ? Ça fait des années que je le cherchais.

L'adolescent le retira délicatement de derrière le vieux meuble, avant de retirer la couche de poussière qui le recouvrait, du revers de la main. En apercevant le dessin sur la couverture, représentant un jeune renard souriant, une multitude d'images du passé envahirent Goulven. Il déploya les pages jaunies de l'ouvrage, et l'odeur – mélange d'un relent de vieux papier et d'humidité – vient lui chatouiller les narines, le replongeant immédiatement dix ans en arrière.

Il se revit assis au pied de son grand-père, à même le sol
pendant qu'il lui lisait une fois de plus ce livre pour enfants.

Il se revit assis sur ses genoux, tandis que le vieil homme l'aidait patiemment à déchiffrer les caractères sous ses yeux.

Il revit le sourire plein de tendresse et de fierté que lui adressait le vieillard, et la manière dont son cœur se gonflait de joie.

Une nostalgie amère s'accumula en lui, jusqu'à déborder de ses yeux rougis. Le vide qu'il avait laissé en partant n'avait jamais pu être comblé. Il était le seul à si bien le comprendre. Alors qu'il tournait une page, il distingua à travers ses larmes une feuille s'échappant de son livre. Il s'essuya les yeux du revers de la main, et se baissa pour rattraper ce qui s'avérait être une lettre. Perplexe, Goulven la retourna, et vit son nom inscrit de belles lettres manuscrites. Il reconnut immédiatement l'écriture de son grand-père.

Qu'est-ce que ça fait là ça ?

Quand il eut fini de lire, ses mains tremblaient, il étouffa un sanglot. Courbé en deux, alourdi par le poids de l'émotion, le visage caché dans ses deux mains. Il essayait de retrouver ses esprits. Lire des mots, des phases de son grand-père lui étant adressé, plusieurs années après son décès, lui provoqua une sensation indescriptible Un mélange d'émotions contradictoires se bousculait en lui. Il avait l'impression d'entendre sa voix à travers ses mots. Lire qu'il l'aimait, et qu'il lui faisait confiance pour quelque chose d'aussi grand, lui réchauffait le cœur et le rempli de fierté. Mais cela lui rappela également à quel point son absence était douloureuse, et la plaie à peine guérie se rouvrit de nouveau.

Il se sentit écrasé par l'envergure de la tâche qui l'attendait. Il craint que son grand-père ait surévalué ses capacités : il était face à un mur, seul face à un mur bien trop grand pour lui. Il n'avait pas la moindre idée d'où commencer. Il aurait aimé en parler à son père qui connaissait très bien le monde des rangs deux, ces individus qui rendent la vie dure au peuple ; seulement, celui-ci avait toujours refusé d'en parler. Tout ce que Goulven savait provenait de son grand-père. Si seulement il était encore là pour lui en dire plus.

Après être resté un long moment prostré, dépassé par le flot de ses émotions, Goulven parvint enfin à reprendre le contrôle de ses pensées. Il ne pouvait s'en sortir seul. Pourtant, il ne pouvait non plus parler de cette lettre avec sa famille. Sa mère serait folle d'inquiétude et le supplierait de renoncer. Son père s'énerverait comme lors de la seule fois où Goulven avait tenté de grignoter des informations. Il devenait nerveux à peine le sujet évoqué. Joanh serait forcément opposé, du moment qu'il s'agissait de son cadet. Et les jumeaux étaient bien trop petits. Il n'avait d'autres choix que de se tourner vers son amie. Il aurait préféré lui éviter des soucis supplémentaires, seulement, il ne voyait pas d'autres solutions, sans compter qu'elle serait furieuse si elle découvrait qu'il s'était lancé dans une telle quête sans lui en parler.

Comment je vais bien pouvoir t'annoncer tout ça Mya ?

♤♤♤

Un chapitre un peu plus court, mais qui lance l'intrigue pour de bon. J'espère qu'il vous donne envie de découvrir la suite. 😁

L'histoire est parti une fois de plus en soumission, ce qui fait trois envois pour le moment...

Merci à ceux qui me laisseront des votes, et/ou commentaires !! Ça aide l'histoire à gagner en visibilité, et qui sait, peut-être à se faire remarquer.

À la semaine prochaine.
Ah, et vous vérez, il y a un petit chapitre spécial en bonus à la suite. 😉

Castelizia.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant