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Le soleil avait entamé sa course depuis peu. Une légère brise venait caresser les feuilles des arbres environnants, leur imprimant une légère ondulation. Quand celle-ci caressa avec douceur la peau nue des bras de Mya, elle la fit frissonner.

— C'est agréable le frais ce matin.

Goulven retira son éternel pull vert torsadé et lui tendit.

— Tiens, mets ça.
— Ça va, j'ai pas froid. Garde-le.
— Tu viens de dire qu'il fait froid.
— Que j'aime ça. Pas que j'ai froid.
— On dirait un poulet déplumé, ravale ta fierté pour une fois, et mets ça.

L'adolescent gardait son bras tendu en direction de son amie, qui se saisit de son vêtement d'un geste brusque.

— C'est qu'il prend du caractère mon Minus. J'mets ton truc sinon demain on y est encore. Viens, on se pose avant qu'on rentre. Ya des bonnes énergies ici.

Plusieurs jours s'étaient écoulés depuis que les jeunes gens avaient failli se faire embarquer par un garde royal. La vie avait repris son cours, dans le Castelades, échapper de justesse aux gardes était monnaie courante. Ce matin, Goulven étant libre, puisqu'il n'y avait aucune tâche à effectuer chez lui, il en avait profité pour se balader.

Mya se laissa basculer en arrière et s'allongea en l'étoile sur l'herbe. Goulven la rejoint plus prudemment.

— Je peux ?

Mya désigna les jambes de son ami, assis à ses côtés.

— Si je dis non, t'insiste jusqu'à que je dise oui ?
— Bien vu Minus.
— On va gagner un peu de temps alors. Vas-y.
— Merci mon Minus. T'as tout compris.
— C'est Goulven, répliqua-t-il en levant les yeux au ciel.
— Je suis sûr qu'tu veux pas le dire, mais que t'adores que je t'appelle comme ça.
— Mais oui, c'est ça.
— Tu vois, t'avoue.
— Tss.

L'adolescente se laissa aller en arrière, et déposa sa tête sur les cuisses de Goulven.

Ils étaient dans une petite clairière, près d'un point d'eau. Le ruisseau qui l'alimentait émettait un doux clapotis, en ruisselant entre les rochers. Goulven adorait ce son. Même les oiseaux chantaient, trompés par la température anormalement douce.
Les deux amis venaient parfois ici pour pêcher, bravant les interdits du Rang 1.
L'herbe qui venait de reverdir, suite aux récentes pluies, contrastait avec les teintes orangées du feuillage des arbres environnants.

— Hé ! Tu sais que t'es un super coussin ?
— Génial. Je suis ravi.
— Dis ?
— Hmm.
— Tu te souviens quand on était petits, qu'on regardait les nuages pour trouver des formes. J'ai l'impression que c'était hier.
— On l'a fait tellement de fois.
— T'en voyait toujours plus que moi.

Goulven étouffa un rire.

— Faut dire que t'étais pas douée.
— Eh !! Même pas. C'est toi qu'était bizarre à voir des trucs partout.
— L'imagination est un moyen génial pour s'évader. Tu devrais essayer un peu. Ça te changerait les idées.
— T'es pas en train de m'dire que tu vois encore des formes dans les nuages. Quand même.
— Pas que… 
— Pas que quoi ?
— Pas que dans les nuages. J'en vois partout. Je ne le fais pas exprès ; mais j'étais surtout en train de te dire que tu devrais lâcher prise plus souvent.
— J'peux pas.
— Bien-sûr que si.

Mya se redressa vivement, et se retourna vers Goulven, visiblement contrariée.

— J'ai trop de trucs à gérer pour ça. Ça fait longtemps que j'ai plus le droit d'être une gosse.

Elle soupira, avant de reprendre sa position initiale.

— Mais au moins ça permet à Nol de l'être lui. Ça me suffit.
— T'as un truc à gérer là ?
— Toi. Toi aussi t'es un vrai gosse.
— Je suis sérieux Mya, bon sang !
— Faudrait savoir. Tu veux pas que je suis sérieuse tout le temps. Et là tu me râles que suis pas sérieuse. J'te suis pas là, Minus.
— Tu m'as bien comprise. Pourquoi tu lâches pas ton masque cynique et sarcastique de temps en temps. Ça te reposerait d'arrêter de jouer un rôle, au moins de temps en temps.
— Houlà, mais c'est qu'il parle bien. Un vrai Pitzoui.
— Mya, soupira Goulven.
— Quoi ? Tu causes mieux que certains Rangs 2. Tu sais même lire. Tu vois bien, un vrai Pitzoui.
— Arrête un peu ! Je ne suis pas un rang 2. Et ne change pas de sujet comme ça.
— Eh ! Tu voudrais pas m'apprendre à lire un jour ?
— On verra. 
— Allez !
— Tu viens pas encore une fois de changer de sujet pour m'endormir toi ?
— Bon, on y va.
— Donc si. Je disais donc que tu devrais t'autoriser plus souvent à être toi.
— Je joue pas. Je suis comme ça.
— Tu crois peut-être que je ne vois pas qui tu es vraiment ?
— Laisse-moi dormir.

Castelizia.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant