5 ans plus tard.
— Encore un !
— Deux lapins en une seule tournée, c'est jour de fête ! Ça va faire du bien, ça fait trop longtemps qu'on ramène rien, s'exclama Mya enthousiaste. Elle partit en avant, d'un pas sautillant ; et sourit en voyant les feuilles colorées par l'automne déjà bien avancé, que le vent se déchaînant dans les frondaisons décrochait en grand nombre.Bientôt, il n'en resterait plus aucunes accrochées aux branches. Le tapis qu'elles formaient au sol, crissait sous les pieds des deux amis ; pour le bonheur de Goulven, qui adorait ce bruit si caractéristique, bien qu'il préfère le printemps à l'automne. Une délicieuse odeur d'humus se frayait un passage entre ses narines, sous l'effet de leurs pas, remuant les feuilles dont la décomposition avait débuté. Il regrettait seulement que le vent ait chassé la brume, lui qui se sentait protégé par sa douce présence. Mya, elle, s'en réjouissait. La vue était plus dégagée que d'ordinaire, et elle n'aimait pas l'atmosphère que créé ce brouillard en rase motte.
— C'est peut-être pas fini, il nous reste quelques collets à relever. Et puis dès qu'on aura posé les nasses, on pourra en plus avoir du poisson, reprit-il.
— Rêve pas Minus, répondit Mya en se retournant. C'est beaucoup pour aujourd'hui quand-même. Et pour les nasses, t'as intérêt à pas te louper maintenant. Je rêve de poisson depuis que tu m'en a parlé.
— Sérieux ! Arrête de m'appeler comme ça, c'est ridicule, en plus je te dépasse d'une tête.
— Mais tu s'ra toujours mon Minus, répliqua Mya en froissant les cheveux de son ami, la forçant à se mettre sur la pointe des pieds.
— Sinon tu disais ?
— Ben quoi ?
— Zieute le collet, répondit Goulven, en désignant le piège qui venait d'apparaître derrière un tronc d'épicéa.
— Oui, et ?
— On a encore attrapé autre chose.
— C'est même pas un lapin.
— T'as pas précisé que ça devrait être un lapin, donc une fouine ça marche.
— Laisse tomber, on va encore se battre pendant un quart d'heure, et à la fin c'est encore moi qui vais avoir raisin.
— Tu vas avoir raisin ? Hmm.Goulven rit dans sa barbe. Cette habitude qu'avait son amie, de toujours vouloir avoir le dernier mot, l'amusait, même si parfois, c'était lassant.
— Raison patate.
— T'as dit raisin.
— T'as mal entendu.
— Je t'assure que…
— Laisse tomber. C'est toujours moi qui gagne. Voilà quoi.Goulven soupira.
— C'est épuisant de discuter avec toi.
— Mais non. Même pas. Tu sais bien qu'tu peux pas te passer de moi.
— Hmm. Bref, on la récupère cette fouine, qu'on aille relever les derniers collets, et poser les nasses ?
— Moooo, il ose pas dire qu'il est accro à sa p'tite Mya. Allez, fais le guet, pendant que je la décroche.Mya se baissa pour récupérer au plus vite leur précieuse prise : moins ils restaient, mieux c'était. Pourtant, elle se figea avant d'avoir fini.
— Tu fais quoi ? Dépêche-toi !
— Ya deux gens de la résistance qui viennent de passer. J'ai l'impression qui en a un qui m'a fait un signe. J'aime pas trop beaucoup ça.
— Comment tu sais qu'ils sont de la résistance ?
— Le signe sur leurs–
— EH ! Qui va là ? se fit entendre une voix au loin.Les regards remplis d'effrois des deux jeunes gens se rencontrèrent brusquement. S'ils se faisaient attraper à piéger, ils passeraient devant la cour des jugements.
— Cours minus !
Tous deux détalèrent sans demander leur reste.
— Là-bas ! Ça a bougé ! s'exclama un des gardes, impersonnel, dissimulé derrière son masque.
— Ils n'auront pas le temps d'aller bien loin. On les tient.Immédiatement, les deux adolescents se mirent à courir comme si leur vie en dépendait, ce qui pouvait d'ailleurs être le cas. S'ils allaient à la cour de jugement, au mieux, ils seraient fouettés à sang, au pire, ils subiraient la peine capitale. Et même dans le premier cas, les coupables décédaient souvent de leurs blessures. La règle numéro un à Castelizia, qu'absolument tout le bas peuple connaissait, était qu'il ne fallait jamais, au grand jamais se faire prendre. Même les membres de la résistance – qui luttaient contre les injustices que le Rang 1 faisait subir au peuple et se vantaient de n'avoir peur de rien – veillaient scrupuleusement à œuvrer dans l'ombre.
VOUS LISEZ
Castelizia.
AdventureMya et Goulven, deux jeunes amis, ont toujours eu une vie compliquée. Isolés dans une contrée qui ignore tout du reste du monde : pour survivre eux et leurs familles, et déjouer la vigilance de la Garde royale, ils ont su unir leurs forces, et profi...