chapitre 1

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Cinq ans plus tôt.

— Bon t'es prête Mya ? On y va ?
— Oui. On fait comme d'hab'.

Deux enfants de près de dix automnes se tenaient en lisière de forêt, près d'un marché, lui-même en bordure d'un petit village. Leurs vêtements, tachés, étaient rapiécés et bien trop amples pour leurs trop frêles silhouettes.

— Tu veux pas qu'on inverse cette fois ? C'est toujours moi qui fais diversion. Et c'est toujours toi qui prends les risques, demanda le garçon, un petit brun aux yeux bleus, les joues constellées de taches de rousseurs.

La petite mis ses petits poings sur ses hanches, et prit un air catégorique.

— Non. Tu boites encore un peu. Si tu t'fais prendre, tu pourras jamais courir, et les gardes ils vont t'attraper, répondit la fillette aux reflets roux, persuasive.
— D'accord. Mais quand je serai guéri, on inversera.
— On verra. On y va ?
— Fais attention à toi.
— T'inquiète pas pour moi minus.
— C'est Goulven d'abord. Pas minus.
— D'accord minus. C'est parti !

Les deux enfants s'éloignèrent alors l'un de l'autre. S'ils ne voulaient pas attirer sur eux la méfiance, ils ne devraient pas se montrer ensemble. 

Devant eux s'étendait le marché, le lieu où ceux qu'ils appelaient les lèches-pitzouis vendaient des articles hors de prix. C'étaient des rangs 3, comme eux. Seulement, ils travaillaient pour le Rang 1, certains en vendant leur production au marché pour eux, d'autres en travaillant dans leurs vergers officiels. Ils évitaient ainsi de vivre dans une profonde misère, et parvenaient à contrer l'aspect héréditaire des rangs ; mais en contrepartie, les autres rangs 3 les détestaient pour ça, pratiquement autant que les Rangs 1 et 2. Ils considéraient comme des traîtres ceux qui acceptaient ainsi de collaborer avec l'ennemi : l'odieux Rang 1 dont les membres vivaient dans l'opulence, à leur détriment.

Mya se mit en retrait tout en réajustant sa capuche sur ses cheveux désordonnés, tandis que Goulven se dirigeait vers le centre du marché alimentaire. Les odeurs qui lui parvenaient le faisaient saliver.

De part et d'autre de l'étroite route de terre battue, étaient disposés des étals, alignés les uns après les autres, et remplis d'aliments cultivés, ou élevés dans les productions officielles. On y trouvait une grande variété, des fruits frais, du poisson, des produits de boulangerie… Ils étaient bien au-dessus des moyens de la grande majorité des rangs 3, comme Mya et Goulven, si bien qu'en dehors des lèches-pitzouis, c'étaient essentiellement des rangs 2 qui formaient la clientèle de ces marchés. On était loin de l'effervescence que l'on imagine dans ce genre de rassemblement. Tout se déroulait dans l'ordre et le calme. Les gardes royaux qui surveillaient n'y étaient sûrement pas pour rien.

Tandis que Mya restait dissimulée, Goulven commença à tituber en appelant à l'aide. Il continua sur quelques mètres, avec une démarche de plus en plus incertaine, avant de s'écrouler au sol en criant. Les vendeurs, ainsi que les clients, dirigèrent leur attention vers lui. Certains passants se précipitèrent pour lui porter secours. Profitant de la confusion générale, la fillette se saisit de plusieurs poissons, ainsi que de quelques pommes, et les enfourna à la hâte dans les replis de sa grande veste. Elle fit ensuite quelques pas en arrière, discrètement, avant de détaler pieds nus dès qu'elle fut hors de vue.

De son côté, le garçon simula une reprise de ses esprits.

— J'ai mal. J'ai mal au ventre. J'ai très faim.

Un brouhaha s'éleva alors. Les gens marmonnaient qu'il était squelettique, qu'il était pâle, qu'il avait sûrement fait un malaise à cause de sa sous-nutrition, ainsi qu'une multitude de paroles inaudibles ; tandis que d'autres – des rangs 2 pour la plupart – pestaient contre ce dérangement.

— Attends mon bonhomme.

L'homme qui avait adressé la parole à Goulven, un de ces rangs 3 qui avait accepté de faire des compromis pour vivre plus confortablement — plongea alors sa main dans son sac à provision, et y récupéra une miche de pain qu'il payerait certainement lui-même.

— Tiens mon grand. Tu mangeras ça, ça te fera du bien.
— Merci monsieur.
— Ça ira pour rentrer chez toi ?
— Oui. Merci monsieur.

Goulven se redressa, et repartit en boitant, tout en serrant fermement son pain. Il se dirigea là où il savait que son amie l'attendait déjà.

— Alors t'as quoi ? demanda-t-il, impatient de connaître la réponse.
— Cinq poissons et quatre pommes, répondit-elle en sautillant. Ses yeux couleur ébène pétillaient de joie. Wow, tout un pain ! Ils ont été trop gentils aujourd'hui.
— Mon ventre m'a filé un gros coup de main. Il s'est mis à grogner quand j'étais au sol, ça fait tout de suite plus vrai. C'est le gros vendeur qui me l'a donné.
— Celui avec un énorme gloitre ? C'est normal, c'est un gentil personnage, lui.
— Oui, mais on dit goitre.
— C'est pareil. Et quand-même, il est gentil.
— Humm. En tout cas, c'est super, ça nous fait une super récolte. On fait moit'-moit' ?
— Prends trois poissons. On va pas le partager en deux.
— Mais non, c'est toi qui les as récupérés, et c'est toi qui prends le plus de risques.
— C'est bon arrête ! Ta famille est plus grande que la mienne. Tu prends et puis c'est tout d'abord !

Goulven céda finalement, comme toujours, et rompit son pain pour en donner la moitié à Mya, avant de prendre ses provisions.

Les jeunes enfants reprirent alors le chemin du retour. Pour rentrer chez eux, ils devaient déjà regagner leur Section. Ils préféraient en changer quand ils dérobaient ainsi de Ia nourriture, afin de minimiser les risques d'être reconnu.

Les Castelades, les terres autour de Castelizia, étaient divisées en huit sections distinctives, d'après les points cardinaux. Dans chacune d'elles, la végétation et la géographie des lieux étaient différentes, nul n'a jamais dû à quoi ce phénomène était dû. Au centre, se trouvait Castelizia.

Ce jour-là, ils s'étaient rendus dans la Section nord-est, qui est la Section des vallons, alors qu'ils habitent la Section est, celle de la forêt. Les limites entre celles-ci n'étaient pas définies à proprement parler, tout le monde savait où elles se situaient. Mya adorait cette section qui offrait une vue bien plus dégagée que la leur, avec de magnifiques courbes couvertes de végétation rase, et l'absence de cette espèce de brouillard quasi constant qui l'oppressait. Elle s'y sentait bien. Non pas que la Section des vallons en était totalement dépourvue de brouillard, mais elle ne bouchait pas la vue comme elle le faisait au cœur de la forêt, c'était plutôt une fine brume qui soulignait le paysage. Goulven, lui, préférait leur Section, où il se sentait en sécurité au milieu des arbres. Le doux son du vent sur les frondaisons ne manquait jamais de l'apaiser. Il lui semblait que la vie y était plus foisonnante, et qu'il y avait toujours à observer. Après une bonne demi-heure de marche, ils l’atteignirent enfin, et se retrouvèrent aussitôt dans le brouillard. Mya soupira.

— Eh Mya !
— Hum.
— Merci.
— Pour ?
— Tout. Merci pour aujourd'hui, et pour les autres fois. Merci d'être là quoi.
— Houlà. Qu'est-ce qui t'arrive ?
— Oui bon… voilà, vas-y, ton frère va t'attendre.
— Je m'en vais faire ça. Mais tu sais, si tu ferais pas si bien l'éclopé, je ramènerais quand-même pas grand-chose à la maison.
— Moi, je te dis des trucs super gentils, et toi, tu me traites d'éclopé. Tu parles d'une amie. Merci du cadeau.
— Ohh. J'ai vexé mon minus. Merci mon Goulveninou. Et toi aussi merci d'être là. C'est mieux comme ça ? Ou tu préfères Monsieur Goulven Le Mazellen ?
— Moue. Allez, je file.

◇◇◇

Voilà le premier chapitre. J'espère qu'il vous donne envie de découvrir la suite.

Dans la mesure où j'aimerais faire publier cette histoire, si vous avez des remarques, ou des suggestions, surtout n'hésitez pas ! Non seulement ça ne me vexera pas, mais en plus ça me rendra service.

Après, si les remarques positives je prends aussi hein 😂, et même si elles ne sont pas constructives. Ça fait très plaisir de voir que notre histoire plaît !!! 🤗

À bientôt pour la suite (quoi qu'il arrive, je mettrai les quatres premiers chapitres).

Castelizia.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant