Chapitre 11

161 39 11
                                    

Le garage était un vrai foutoir que Johan contemplait d'un air dépité lorsque son portable se mit à sonner. Ravi de cette diversion, il l'extirpa de la poche arrière de son jean et sourit en voyant s'afficher le prénom de l'appelant.

- Salut Sophie!

- Salut petit frère, lui répondit une voix chaleureuse, rendue un peu rauque par l'abus de cigarettes - l'unique péché, d'après elle, dont sa sœur se rendait coupable. Je suis devant ton portail. Tu es là? Je peux entrer? Je t'ai apporté une quiche au comté pour midi.

Johan écarta un tasseau égaré du bout de sa botte et ricana, amusé. Sa sœur, en plus de ses obligations familiales et de son travail de secrétaire médicale, persistait à le nourrir comme s'il était encore un adolescent empoté et incapable de se débrouiller. Certes, il n'était pas un grand chef et se contentait souvent de grignoter sur le pouce, mais il ne se laissait pas dépérir pour autant. Il était parfaitement en mesure de s'occuper de lui-même, et le faisait. Il le lui avait fait remarquer à de nombreuses reprises mais la jeune femme n'en avait cure, et il avait laissé tomber. Il supposait que c'était sa manière à elle de lui montrer son affection et le remercier de son implication dans sa vie et celle de ses enfants. Et Sophie était une sacrée cuisinière, donc bon...

- Comme si j'allais te renvoyer chez toi alors que tu as fait la route jusqu'ici, gouailla-t-il. Et que tu m'amènes à manger en prime. Je suppose que les garçons sont chez leur père?

- Je ne veux pas présumer, tu aurais pu être en galante compagnie, gloussa Sophie. Et oui, je suis abandonnée et désœuvrée depuis deux jours alors je me suis dis que j'allais passer embêter mon petit frère. Mon petit frère seul, célibataire et donc pas en galante compagnie. Ce qui est bien dommage, au passage.

Johan roula des yeux à l'allusion peu subtile. Sophie avait longtemps joué les entremetteuses avec toutes les jeunes et jolies femmes de sa connaissance, jusqu'à ce qu'il se fâche un bon coup et mette fin au défilé de prétendantes. Elle avait alors cessé mais depuis, ne se privait pas de mentionner son inquiétude quant à son statut d'éternel solitaire, le traitant à l'envie d'ermite et de vieux garçon et le poussant à faire des rencontres.

- N'importe quoi... Bref, je suis dans le garage, je fais du rangement.

- Je dépose la quiche dans la cuisine et j'arrive!

Le bip aigu de la tonalité remplaça la voie enjouée et Johan soupira, partagé entre tendresse et un brin d'exaspération. Lui qui avait envisagé un dimanche calme et laborieux allait devoir composer avec la présence envahissante de son aînée et sauf miracle, le rangement de son matériel allait en accuser le coup. Il entreprit de réorganiser vaguement un empilement de pots de peinture, guettant de l'oreille le bruit du portail qui s'ouvrait et celui du moteur de voiture dans l'allée du jardinet et quelques minutes plus tard, le crissement des gravillons autour de sa maison annonça l'arrivée de l'intruse. Sa sœur apparut devant le ventail ouvert, tout sourire. Un sourire qui flétrit légèrement en constatant l'ampleur des dégâts autour de lui.

- Oh nom de dieu, quel bordel ! Qu'est-ce que tu as foutu ici? Il y a de quoi ranger, en effet! On croirait la chambre des garçons et franchement, ce n'est pas un compliment!

- Ouais, je me suis un peu laissé déborder, avoua Johan, honteux. L'atelier était trop encombré alors je l'ai réorganisé l'an dernier et j'ai tout ramené ici, provisoirement, à la base. Mais comme tu peux voir, ça a pris un peu d'ampleur.

La jeune femme potelée, aux cheveux châtains ramenés en une queue de cheval négligée, évalua l'espace, incrédule. Une partie des caisses était recouverte de bâches mais le reste s'entassait à portée de vue et elle retroussa son nez constellé de petites tâches de rousseur en observant les dégâts.

Après la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant