Chapitre 9

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Une semaine plus tard, Johan ne savait toujours pas ce qu'il lui avait pris d'offrir son amitié à son client de manière aussi formelle, à la manière d'un enfant dans une cour de récré tendant un petit mot avec des cases à cocher. Mais il était loin de regretter cet élan étrange, pourtant à l'opposé de sa personnalité. Il continuait les travaux avec professionnalisme dans l'ancienne maison des Sciaux et pour un observateur extérieur, rien n'aurait eu l'air changé. Pourtant, plein de petits détails venaient lui confirmer que Martin avait bel et bien pris sa proposition au sérieux, et que lui aussi s'appliquait à nourrir les prémices de leur relation. Le jeune homme continuait de lui proposer des cafés mais désormais, il proposait à Johan de descendre les boire avec lui, dans la cuisine, et tous deux en profitaient pour discuter. Les sujets restaient relativement superficiels et légers, après les épanchement douloureux de leur premier échange, mais cela satisfaisait tout à fait Johan. Il était très heureux de narrer au nouveau résident l'histoire de cette région qu'il adorait, lui conter les péripéties villageoises qui lui remontaient aux oreilles bien malgré lui, grâce à sa bavarde de sœur, et lui révéler quelques éléments à son sujet. Et pour la toute première fois depuis qu'il s'était mis à son compte, Johan devait se faire violence pour ne pas laisser ces pauses s'éterniser. C'est avec une réticence très inhabituelle qu'une fois son café terminé, il s'arrachait à la cuisine sombre, mais rendue chaleureuse par la simple présence de son propriétaire, et retournait à la salle de bain qu'il avait quasiment terminée. Malgré cet étrange manque de motivation il était néanmoins très fier du rendu final et lorsqu'une fin d'après-midi Martin vint passer une tête et siffla d'admiration devant le résultat, l'entrepreneur ne put s'empêcher de se rengorger un brin.

- Waaaah, s'exclama le jeune homme, l'air ravi. C'est super beau!

- Ça rend pas mal, en effet.

Johan était en train de remballer ses outils et se redressa pour contempler la pièce remise à neuve avec fierté.

- Un bon coup de ménage et ce sera nickel. Les couleurs s'accordent très bien. 

- Tu avais raison sur la disposition de la baignoire, c'est beaucoup mieux ainsi.

- Et tu économises une cabine de douche, rappela Johan. Beau et bon marché, c'est ma devise.

Le jeune homme gloussa.

- Je crois que tu défies tous les stéréotypes sur les entrepreneurs du bâtiment. Vous êtes censés être des pros pour arnaquer vos clients et les faire acheter un tas de matériaux inutiles.

- Je n'aime pas rentrer dans le moule, sourit Johan, songeant par devers lui et avec une pointe d'ironie que son client n'avait aucune idée des autres domaines, plus personnels, dans lequel il se démarquait de ses collègues. Et puis, pour être franc, Forsallier est une petite ville où tout se sait. Si je travaillais comme un porc ou que je grugeais sur les factures, cela finirait par être connu et je n'aurais rapidement plus beaucoup de clients.

- Je suis content que t'avoir embauché, quoi qu'il en soit.

Martin passa une main ravie sur les carreaux outremer posés au dixième de millimètre et tourna sur lui-même, contemplant la nouvelle peinture immaculée, la baignoire désormais protégée et la vasque de pierre enfin mise en valeur.

- J'ai hâte de voir le résultat dans la cuisine. J'y passe la moitié de ma vie, ces jours-ci, et cette couleur marronnasse me sort par les yeux.

Johan termina de ranger sa caisse à outil et sourit avec indulgence.

- Ça va devoir attendre un peu, par contre. Demain,  j'attaque la démolition des murs entre le salon et le bureau et j'enchaînerai avec les chambres des gamins, dès qu'ils seront partis en vacances.

Après la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant