Chapitre 3

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Lorsque huit heure sonna à l'antique horloge de la salle à manger, Martin avait eu le temps de se doucher dans la salle de douche du rez-de-chaussée, vêtir Alice d'une adorable robe à fleur à peine froissée et était prêt à faire un tour de reconnaissance, la petite fille toute frétillante dans les bras. Il commença par le jardin, attiré par les odeurs florales et la douceur humide de ce matin d'avril. Sans surprise, le vaste parc était en friche mais recélait néanmoins quelques jolies promesses. Les nombreux arbres, platanes, muriers et résineux inconnus, étaient haut et épais, promesses d'ombre pour l'été brûlant que la région traversait chaque année. Il n'y connaissait rien, en bon parisien qu'il était, mais il lui sembla repérer quelques fruitiers, pommiers et cerisiers, dans un coin qui avait dû servir de verger à l'époque où les propriétaires bichonnaient encore les lieux. La perspective de fruits frais et gratuits lui donna de l'énergie et il se promit d'apprendre à faire des confitures, puisqu'il allait devoir se mettre à la cuisine de toute façon. Martin sourit aussi largement en reconnaissant quelques oliviers, symbole provençal par excellence. Il les désigna à Alice que toute cette verdure paraissait fasciner et qui jacassait avec passion dans un dialecte qu'elle seule maîtrisait. Mais c'est à l'arrière de la demeure, au milieu d'un ancien gazon recouvert d'herbes folles, qu'il dégota la surprise dont Amédée lui avait parlé et qu'il s'était bien gardé d'annoncer aux enfants. Le bassin était à sec, si l'on exceptait les trente centimètres d'eau verte et croupie qu'il renfermait, mais il semblait en bon état sous le manque d'entretien et la crasse. Les margelles des escaliers étaient encore scellées, tout comme les carreaux des parois, et le motif vintage du fond était encore visible. C'était une piscine à l'ancienne, magnifique et luxueuse, et il croisa les doigts pour que la remise en eau et en état soit possible pour l'été. Ouais, ce n'était pas très écolo, il le savait. Mais il avait quatre enfants à occuper et rendre heureux, s'il le pouvait, et dans cet objectif, il n'allait pas cracher sur les quelques atouts que le destin lui donnait.
De l'extérieur, la maison était jolie, même si son architecture indécise entre le mas provençal et la demeure de maître aurait peut-être fait grincer les dents d'un puriste. Martin, lui, la trouvait rassurante avec ses murs solides et bien crépis, la vigne vierge qui tentait l'invasion de la face gauche et ses fenêtres encore endormies. Elle ressemblait à toutes les maisons de ses dessins d'enfant, simple et bien campée sur ses fondations, et malgré les travaux qui l'attendaient, il y puisa un réel réconfort.

Le reste de la maisonnée était encore endormi lorsqu'il revint de son petit tour et c'est à pas de loup qu'il en explora les pièces accessibles. Après quelques minutes à ouvrir des portes et jeter un œil curieux dans les moindres recoins, Martin s'était fait une idée plus précise de sa nouvelle propriété et des modifications qu'il allait être urgent d'y mener.

Le rez-de-chaussée était composé de six pièces étroites et encombrées, séparées par un couloir bien trop large doté d'étagères et portants à chaussures franchement moches. Il ne fallut que deux secondes au jeune homme pour décider qu'il allait faire casser les murs entre la cuisine et le séjour et entre le salon et le bureau. Martin aimait les espaces ouverts et avec cette adorable tommette partout sur le sol, il imaginait facilement une immense cuisine avec coin repas et un large salon, pas trop meublé, où les enfants pourraient s'ébattre en toute liberté. La salle de douche en bon état, qui servait également de buanderie, et la petite bibliothèque chaleureuse resteraient telles quelles, en revanche. Il pourrait être pratique de s'isoler dans une famille de cinq et la pièce surchargée de livres et de bibelots poussiéreux, mais dotée de jolis rayonnages de bois massifs, lui plaisait. Avec des fauteuils plus modernes et beaucoup moins de bazar, cela ferait un adorable refuge pour bouquiner ou se poser.

Alice sur la hanche, il gravit les marches de l'escalier de pierre blanche et s'aventura à l'étage. D'un côté du couloir, deux espaces de taille raisonnable étaient remplis de bazar : cartons en tout genre, bureau recouvert de dossiers, meubles empilés. Il était difficile de s'en faire une idée mais l'existence d'une porte de communication entre les deux finit de le convaincre que cela constituerait idéalement sa chambre et celle de la petite fille, histoire de se faciliter les nuits. Là encore, le sol était en bon état mais une sérieuse réfection des murs allait être impérative. Martin se laissait aller à une gentille rêverie concernant la couleur d'une chambre de bébé lorsqu'il poussa la porte de la vaste salle de bain, située du même côté, et déchanta un peu. Il grimaça sous l'assaut d'une vague odeur de moisi et de la couleur beige passée qui régnait. Les points positifs étaient la baignoire en fonte et la vasque de pierre mais le reste, du sol au plafond, allait nécessiter une sérieuse révision. Martin la nota dans ses priorités en matière de réfection et ressortit sur le palier. Il hésita un instant, pressé de tout examiner, mais ne poussa pas les deux portes restantes. Les enfants dormaient encore et il était inutile de les réveiller.

Après la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant